Les Enquêtes de l'Inspecteur McLean : De mort naturelle

Elle ne comprend pas ce qui lui arrive… Ça remonte à quand ? Impossible à dire. Il y a eu des cris, des gens courant partout...

Alors qu’il s’apprêtait à appuyer sur un interrupteur, la main de McLean s’immobilisa en plein vol. Pour la première fois, il venait de réfléchir aux conséquences de la mort d’Esther. En d’autres termes, d’accepter qu’elle risquait de mourir. Bien sûr, cette idée rôdait depuis longtemps dans un coin de sa tête. Mais depuis dix-huit mois, il n’avait pas cessé de croire que l’état de sa grand-mère s’améliorerait. En ce jour, pour une raison inconnue, il acceptait enfin que ce ne serait pas le cas. Une triste pensée, pourtant bizarrement réconfortante.

— Vous pouvez me dire ce que vous foutez ici ? lança une voix hélas familière.

McLean tourna la tête. Cinquante-cinq ans au minimum, le visage rougeaud et ridé, Duguid était son aîné de beaucoup. Jadis roux, ses cheveux grisonnaient et se faisaient plus rares. Sa combinaison de protection blanche, rabattue jusqu’à la taille, saillait comiquement sur sa bedaine. Tout à fait l’air d’un type qui vient de sortir en douce pour en griller une…

— J’étais dans le coin et j’ai vu les voitures de police…

— Et ça vous a donné envie de fouiner, c’est ça ? C’est bien votre intention ?

— Je ne prétends pas me mêler de votre enquête, monsieur… Étant du coin, j’ai pensé pouvoir être utile.

Duguid exhala un lourd soupir et ses épaules s’affaissèrent.

— Bon, puisque vous êtes là, autant que vous serviez à quelque chose… Allez donc parler à votre copain le légiste, pour découvrir quels précieux indices il a récoltés, ce coup-ci.

McLean prit la tangente vers la porte de la maison, mais Duguid le rattrapa par un bras.

— Et quand vous aurez terminé, n’oubliez pas de venir me faire votre rapport. Pas question que vous vous défiliez avant que nous ayons débroussaillé tout ça…

Derrière la fourgonnette cabossée, une Bentley noire brillait de tous ses feux sous la lumière du crépuscule. À côté, une vieille Mondeo rongée par la rouille gâchait le spectacle. McLean connaissait cette voiture, et son propriétaire encore mieux. L’inspecteur en chef Charles Duguid, très loin d’être un de ses supérieurs préférés… Pour qu’on l’ait chargé de l’affaire, il fallait que la victime soit un notable. En passant, ça expliquait aussi le nombre de policiers présents sur le site.

McLean approcha et extirpa sa carte de sa poche.

— Que se passe-t-il ?

— Un meurtre, monsieur… C’est tout ce qu’on m’a dit.
L’agent déchira la bande et entreprit d’en dérouler une nouvelle longueur. McLean sonda du regard l’allée de gravier qui menait à la maison. Une fourgonnette de la Scientifique était montée en marche arrière jusqu’à mi-chemin et stationnait là, ses portières grandes ouvertes, pendant que des agents en uniforme quadrillaient lentement la pelouse en quête d’indices.

Il avait grandi dans le coin – un quartier cossu de la ville, avec ses imposantes maisons et leur beau jardin défendu par des murs. Ici, on était dans le fief d’un argent très vieux et très vénérable. Le genre de fric qui sait comment se protéger… Dans ces rues, il était rarissime de croiser un traîne-misère. Et plus encore d’avoir affaire à un délit grave. Pourtant, deux voitures de police bloquaient l’entrée d’une grande demeure et un agent en uniforme était en train de dérouler une bande plastique blanc et bleu pour délimiter le site à accès restreint.

Il n’aurait même pas dû s’arrêter. Après tout, ce n’était pas son enquête et il n’était pas de service. Mais les gyrophares bleus, les fourgonnettes de la Police Scientifique et les cordons d’agents en uniforme exerçaient une irrésistible fascination sur l’inspecteur Anthony McLean.

La mort met longtemps à venir. Et même lorsque c’est fait, la paix n’arrive pas avec elle.

L’un après l’autre, ces hommes la violent, dévastant le peu qui restait de ses rêves. La douleur est partout. Dans ses mains déchirées par les clous, dans sa bouche, dans ses chairs meurtries et ses os brisés…
Incapable de s’échapper, elle est sans défense. Et tout le temps que ça dure, l’homme qu’elle croyait son ami la charcute. Une infinité de blessures par lesquelles son sang coule et couvre peu à peu toute sa peau.

L’homme la prend de force, ses mains lui rabattant la tête contre le sol. Des doigts lui ouvrent la bouche et s’enfoncent dans sa gorge, la faisant vomir. Puis elle sent le goût métallique de l’acier, juste avant que sa bouche se remplisse d’un liquide chaud au goût salé. Étouffant, elle tousse et crache son sang au visage de son bourreau.

Il recule un peu et s’essuie les joues, révélant à sa victime le sourire qui lui fend le visage.

Des gouttes de son propre sang tombent sur le front de la suppliciée, d’autres viennent s’écraser sur le parquet crasseux