Des pamphlets contre le Régent sont placardés sur les murs de Paris. C'est
Voltaire qu'on accuse et envoie à la Bastille. Ou plutôt
François-Marie Arouet, puisque c'est dans sa geôle qu'il choisira son pseudonyme.
Clément Oubrerie a décidé de présenter quelques aspects de la vie du philosophe en optant pour un point de vue : notre homme discute avec les nombreuses conquêtes qu'il séduit par son esprit, et elles sont nombreuses à défiler entre ses bras !
Voltaire est sans conteste amoureux, même si ce n'est jamais de la même femme.
Dans les premières pages, on le voit discuter avec un certain Beauregard, qui se dit son fidèle ami, mais n'hésite pas à le trahir et le faire emprisonner. Tout au long de l'album, cet épisode servira de fil rouge, puisque
Voltaire cherche partout ce gredin dont il veut se venger. Mais, s'il est doué en paroles, en actes, il est moins fort. Il prend des cours d'escrime qui tournent en désastre et se fait bastonner.
J'avais lu «
Voltaire, le culte de l'ironie » (de Beuriot et
Richelle) et, lorsque je me suis aperçue que
Clément Oubrerie s'intéressait, lui aussi, au philosophe, j'ai eu envie de comparer, d'autant que j'avais entendu quelques critiques élogieuses.
Le volume apparaît comme un album cartonné dont la présentation est vraiment originale. Parfois, un personnage est sorti du cadre, une vignette grand format nous permet de lire derrière l'épaule du Régent, deux noctambules avinés chantent dans une case ronde au milieu d'une page blanche. de temps en temps, un dessin occupe toute la planche, parfois, un carré est découpé en images de plus en plus petites, bref, une mise en page très inventive. Très souvent, un texte assez long surplombe le tout et résume une situation. Nombre de paroles prononcées par le héros sont tirées de ses oeuvres . A plusieurs reprises,
Clément Oubrerie montre « les embarras de Paris » (comme disait
Boileau), ou mille petites bulles figurent des mots proférés par tel ou tel figurant, ou, plus comique, les cris et bruits produits par les animaux qui traversent les rues : ânes, chiens, poules ou rats ! Si les décors qui entourent les personnages sont réduits à leur plus simple expression, il n'en va pas de même pour certains endroits (vues de Paris ou de la Haye), bâtiments (Bastille, Versailles, château de Maisons) ou intérieurs (imprimerie, taverne, salle de spectacle), qui sont reproduits somptueusement. Il y a, à la fin, une scène tragi-comique pleine de Diafoirus, que
Molière n'aurait pas reniée.
J'ai cependant regretté que l'auteur donne toujours à son héros un rôle grotesque : il est pleutre, il se fait battre par tout le monde, ou de raseur sans cesse en train de pérorer (même au lit avec sa maîtresse).
Ce qui m'a le plus dérangée, c'est que
Voltaire ne se ressemble pas. Pourquoi ? Alors qu'on reconnaît fort bien le Régent,
Descartes ou Leibnitz.
Bref, mon avis est mitigé.