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Critique de oiseaulire


Avec drôlerie et indulgence, Ludmila Oulitskaïa explore l'univers du mensonge.
Pas le mensonge prosaïque qui a pour objectif d'induire en erreur l'entourage (le plus souvent épouse et enfants) afin de se soustraire à des obligations ennuyeuses et de se ménager un jardin secret dans lequel on pourra inviter à sa guise une maîtresse ; courir les champs de course ; fréquenter des copains peu présentables ; se livrer à la pêche à la mouche, au poker clandestin, ou, en douce, à une addiction pour les bars à strip-tease et pour les prostituées. Tel est en général le mensonge masculin utilitariste et cachottier.
Il existe un autre type de mensonge plus typiquement féminin : le mensonge qui remodèle avec art tous les évènements d'une vie afin de lui conférer une allure pleine de charme, comme si le dieu de la tragédie veillait personnellement sur le sort de certaines élues ; enfance malheureuse auprès de parents prestigieux, mariages romantiques se terminant dans la tragédie, enfants morts de maladies rares, accidents spectaculaires, trahisons, dons artistiques contrariés : pas de doute, de telles vies ont été certes ravagées, mais elles font quand même envie, tant elles échappent à la fadeur qui est le lot commun. Celles qui les vivent ont une aura à part, elles ont été choisies.
Que recherchent ces menteuses ? se réparent-elles ainsi par le récit d'un autre possible qui en aurait fait des personnes différentes et plus intéressantes si leur monde avait été moins contraint ? Pourquoi ne comprennent-elles pas la violence que représente envers autrui une telle falsification lorsqu'elle est découverte (elle l'est presque toujours) ? L'héroïne de ces nouvelles, serviable et compatissante, souffre du parasitage que représente l'invasion de son mental et de ses affects par ces représentations mystificatrices et finit par ressentir un ternissement de sa propre image : n'est-elle pour autrui qu'un miroir ? A-t-elle l'air si crédule ? Si sotte ? Et pourquoi ne s'inquiète-t-on jamais d'elle, même après qu'elle ait été victime d'un véritable accident de la circulation extrêmement invalidant ?
Ludmila Oulitskaïa développe ici une réflexion bien utile à celles et ceux qui furent un jour les dupes de pareilles mystificatrices (et mystificateurs, ils existent aussi au masculin, comme existe au féminin le mensonge de commodité)
Et si l'on se révélait autant, voire davantage dans ses mensonges que dans sa quotidienne vérité ? et qu'est-ce que la vérité ? Après tout, n'habitons-nous pas deux vies parallèles ?
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