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Citations sur Le choix des désordres (20)

Page194
-Tu n'as pas compris : les deux cadavres étaient ceux de Blancs, d'Européens. Des cadavres de puissants. Ils craignaient beaucoup que ceux de la police ou de la gendarmerie ne les accusent d'y être pour quelque chose. Peut être de les avoir tués et de prétendre ensuite les avpir seulement trouvés. Ils auraient fait juste semblant de les découvrir, par hasard , pour tromper les gens de la justices.
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Après s’être renseigné, il s’était rendu dès le lendemain à l’hôtel Lutetia ; l’établissement accueillait les déportés raciaux et politiques et servait de centre de ralliement. En arrivant près de la foule qui se pressait aux abords de l’hôtel, il avait sorti de son portefeuille le cliché d’Antoine pour le brandir, bras levé au-dessus des têtes.
Il le montrait en direction de ceux qui pénétraient en file dans le centre. Aux déportés israélites. Aux déportés politiques. À ceux du camp d’Auschwitz qui venait d’être libéré par l’Armée rouge. Tous secouaient la tête. Non, ils ne voyaient pas. Ils ne l’avaient pas rencontré. Ils ne savaient pas. Ils ne se rappelaient plus. Possible qu’ils l’aient croisé. Dans la nuit. Sortant d’un wagon. Partant pour une corvée. Lors d’un rassemblement, les appels interminables du soir et du matin au centre du camp… ils ne pouvaient pas en jurer. D’ailleurs, ils ne pouvaient jurer de rien. Comment savoir ? La photo que Maurice leur mettait sous les yeux était celle d’un jeune homme aux joues pleines, aux cheveux abondants, bien coiffés, à la raie bien marquée… Les yeux vifs. À les voir, Maurice pensait qu’Antoine ne devait plus se ressembler… Plus avoir ce visage d’adolescent heureux, au regard confiant. Comment auraient-ils pu le reconnaître ?
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Dans le wagon du métro, les voyageurs, muets, s’étaient levés. Ils détournaient les yeux, gênés d’être témoins d’un spectacle d’une telle force, saisis de sidération face à ces hommes, jeunes ou dans la force de l’âge, pesant une trentaine ou une quarantaine de kilos, dont les yeux semblaient enfoncés dans les orbites pour scruter une nuit infinie.
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Le tout premier convoi avait débarqué à Paris gare de l’Est. En tête marchaient les déportés. De véritables squelettes, vêtus de sortes de pyjamas à rayures qu’ils portaient sous des capotes militaires marronnasses trop amples, certaines encore maculées de sang, dans les plis desquelles ils flottaient comme des somnambules. Ils étaient suivis des prisonniers de guerre et, en fin de cortège, de ceux qui revenaient du STO. L’orchestre qui les avait accueillis en fanfare avait commencé de déraper avant de s’éteindre lorsque les musiciens avaient aperçu les premiers arrivants. Maurice avait baissé la tête.
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Depuis mars 1945, ils avaient commencé d’affluer. Le jeudi 8, quatre-vingt-dix hommes étaient arrivés en train. Libérés d’un camp en Allemagne.
Dès lors, les prisonniers, hommes et femmes, arrivaient en masse tous les jours. Surtout à partir du dimanche 11. Maurice conservait dans son portefeuille une petite photographie d’Antoine en noir et blanc, format carré.
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— Vous devez vous demander pour quel motif je vous ai demandé de venir. Je me trompe ?
« Quand j’ai reçu ces papiers, j’ai tout de suite pensé à vous. Voilà : on n’est pas débordés et M. le ministre, M. Jacques Soustelle, a demandé aux membres de notre réseau, “Honneur de la police”, en qui il a entière confiance…
En disant ces mots, le commissaire arborait un sourire mêlant fierté modeste et satisfaction retenue.
— … de bien vouloir détacher un inspecteur pour surveiller l’activité politique en France métropolitaine des députés indigènes.
« Son rôle sera de veiller à lui rapporter toute activité qu’on pourrait qualifier de séditieuse. Toute action manifeste de ces élus dans un soutien appuyé aux indépendantistes et autres autonomistes… Car nous savons qu’ils existent. En petit nombre ! Raison de plus pour empêcher toute propagande ou activité factieuse.
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— Voilà ! Je l’ai retrouvée.
Il parcourut les feuillets tapés à la machine. Des papiers pelure à la finesse inquiétante.
— Voilà ! On a signalé deux meurtres, l’un dans le district de Betroka. Le chef local, à la suite d’un incident sur un marché, a été pris à partie par la foule et lapidé…
— Lapidé ?
— Tué à coups de pierres.
— Oui, je sais ce que le mot signifie, mais…
Maurice fit un geste qui pouvait signifier sa stupéfaction, sa perplexité, un sentiment assez proche en tout cas.
— Et son cadavre a été traîné hors du village. On a essayé ensuite de le brûler à l’aide de branchages. Peut-être pour camoufler le crime. Ou pour autre chose, le feu n’ayant pas empêché l’identification de la victime. Bref, une raison que le rapport ne précise pas.
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Alors que Maurice pinçait son pantalon pour en reformer le pli aux genoux, Bléchet lança, la tête toujours plongée dans un dossier :
— Vous connaissez Madagascar ?
Maurice resta silencieux. S’agissait-il d’un nouveau jeu, d’un rite nouveau, du genre « pile ou face » ? Bléchet le fixait maintenant, regard sévère. Il se reprit.
— La colonie ? Vous parlez de la colonie ?
— Enfin, le territoire appartenant à notre empire, les territoires d’outre-mer qui nous sont associés… C’est le terme, je crois… je m’y perds un peu. La colonie, si vous préférez. Vous connaissez ?
— Pas personnellement… je veux dire de visu, mais je connais : la grande île au sud-est de l’Afrique ?
— C’est cela même. Savez-vous qu’on s’y agite ? Qu’on y revendique ? Il y a eu récemment de graves événements et l’on s’inquiète.
— On ?… Le gouvernement ?
— Aussi. Mais les Européens surtout. Ceux qui dirigent les plantations.
— Les colons ?
— C’est ça. Les entrepreneurs locaux.
— Vous parliez d’événements graves…
— De meurtres, mon petit vieux ! De meurtres. Dans ces dernières semaines. Deux chefs de secteurs, de districts… ou de cantons. Je ne sais plus le terme employé, mais des chefs locaux. Dans la brousse. À la suite de je ne sais quelles querelles. Ou émeutes !
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Le ravitaillement des grandes villes était toujours insuffisant et les prix filaient plus vite que les salaires. Deux fois plus vite, affirmait la CGT. Le prix du beurre multiplié par quatre entre 1939 et 1945, le maintien des cartes de pain, la fermeture obligatoire des restaurants trois jours par semaine faisaient le lot du triste quotidien des Français. Sans parler des suicides, qu’on disait très nombreux au cours de cette année 45. « L’année record ? » se demandaient déjà les chroniqueurs des journaux, qui rappelaient les chiffres moindres des années de guerre et d’occupation. Belle fin d’année ! Vraiment ! De multiples raisons étaient avancées : le maintien des restrictions, la sévère crise du logement, le désenchantement général, la misère des retraités… Aucune n’était vraiment satisfaisante.
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À l’arrêt, militants communistes et Noirs confondus attendaient en discutant de l’avenir des colonies françaises. Certains Noirs parlaient d’indépendance de « l’île rouge », d’autres, en accord avec ceux du PC, penchaient pour une plus grande autonomie.
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