Mon épouse américaine

- Tu as pris un peu de poids, constata-t-il.
Voilà autre chose qu'ils font - des remarques extrêmement personnelles comme "vous avez un bouton sur le nez" ou "vous êtes vraiment grosse, non ?". Je croyais que c'était maman qui était comme ca, mais j'ai découvert, en allant au Japon, que c'était une caractéristique nationale.

Gavés de mauvaises nouvelles par les médias, nous vivons dans un perpétuel état de panique refoulée. Ce mauvais savoir nous paralyse et la seule échappatoire, c'est de jouer au con. L'ignorance devient une force car elle permet aux gens de vivre. La stupidité devient une forme de positionnement politique. La norme collective.

Consommer de la viande est un usage relativement récent au Japon. Si l'on retourne à quelque mille ans en arrière, à l'époque Heian, cette nourriture était considérée comme extrêmement fruste ; et, sous l'influence du bouddhisme, probablement, comme une pratique impure.

Je ne suis pas grosse, mais ma grande taille, pour ma mère japonaise qui m'arrive à l'épaule, est la même sorte d'affront contre nature. (..) Il lui arrive de me contempler, la tête levée vers le ciel, et elle blâme la viande rouge dont elle m'a nourrie lorsque j'étais enfant. Mais c'était le Minnessota. Il y avait plein de vaches et peu de sushis.

Comment savoir si l'on voulait se marier ou pas ? A l'époque, face à cette proposition d'un bon mariage, elle n'avait même pas envisagé la possibilité d'une autre alternative. Elle avait été tout simplement reconnaissante. Mais aujourd'hui, après trois ans de vie conjugale, elle se rendait compte que peut-être elle aurait pu désirer autre chose, plein d'autres choses, mais qu'elle y avait renoncé avant même d'y avoir songé.

On est ce que l'on mange, non ?

Selon le sens de ses racines étymologiques, l'ignorance est un acte de volonté, un choix que l'individu fait et dans lequel il persévère. Spécialement quand l'information est omniprésente et que le savoir devient synonyme d'impuissance. (...) Si le savoir ne nous permet pas d'agir, alors nous ne pouvons pas survivre sans l'ignorance.

Little c'est le nom de mon père, c'est un Little de Quam dans le Minnesota. Takagi est le nom de ma mère. Elle est japonaise. Le trait d'union peut être un réplique moderne à la transmission de patronyme dans certains cas, mais pas le mien. Mon trait d'union à moi est dû à la superstition. A mon baptême, maman fut saisie d'une appréhension tout orientale à l'idée que son enfant porterait toute sa vie un nom aussi insignifiant que Little. Elle insista donc, à la dernière minute, pour que je porte également le sien. Takagi est un grand nom, au sens littéral du terme : il est composé du caractère chinois qui signifie "grand" et de celui qui désigne "arbre". Maman pensait que la glorieuse prestance du nom de sa lignée compenserait le Little de papa. Ils passaient leur temps à se disputer pour des choses comme ça.