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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
J'ai beaucoup d'éloges à écrire à propos du roman Hérétiques, de Leonardo Padura. Beaucoup d'éloges, oui, même si quelques détails m'ont agacé. Des trois parties, le premier livre commence par une enquête policière avec Mario Condé, un ancien policier converti en libraire (mettons !) mais aussi détective privé à ses heures. Il se voit confier une affaire par Elias Kaminsky, le fils d'une vieille connaissance. Une peinture de Rembrandt qui appartenait depuis des siècles à la famille mais qu'on croyait perdue a refait surface dans un encan à Londres. Qui l'a dérobé ? Oui, bien sur, mais surtout comment ? Car le sort du tableau est lié à celui, tragique, de la famille Kaminsky.

En effet, Daniel Kaminsky, le père d'Elias, était un juif originaire de Pologne. Sa famille l'a envoyé à Cuba, où l'oncle Joseph habitait déjà, et espérait l'y rejoindre rapidement. Elle pensa y parvenir à la fin 1938 quand elle acheta avec ses dernières économies un billet sur le navire St-Louis. Il ne lui restait comme seule possession que le fameux tableau Malheureusement, des intrigues politiques mirent fin à leur espoir : on refusa l'asile aux centaines de réfugiés et le navire dut rebrousser chemin sous le regard impuissant de Daniel. La famille Kaminsky (le père, la mère et la soeur Judith) fut prise dans la tourmente de la Seconde guerre mondiale et de l'Holocauste. Mais qu'est-il advenu du tableau dans tout ça ? Comment s'est-il retrouvé à Londres ?

Cette histoire était très intrigante. En tant que lecteur, on est pris entre ces deux époques. Mario Condé qui mène ses recherches à notre époque, mais aussi Daniel Kaminsky qui essaie de survivre dans les années 30 et 40, qui est témoin de l'arrivée du St-Louis dans le port de LaHavane mais aussi de son renvoi. Padura a un don certain pour ce qui est d'intégrer la petite histoire des personnages à la grande Histoire de l'humanité. J'y ai cru, à ce jeune juif et à son oncle Joseph, à leurs déboires mais surtout à leur ingéniosité et à leur débrouillardise pour se créer leur petit monde dans ce grand monde presque hostile qui les entourait.

Puis, dans le deuxième livre, on est transporté plus de trois cents ans en arrière, à l'époque de Rembrandt. On comprendra assez facilement que cette partie du roman racontera comment le fameux tableau du maitre peintre s'est retrouvé entre les mains de la famille Kaminsky. J'ai trouvé ce passage très instructif. J'ai appris beaucoup de choses sur les Pays-Bas, Amsterdam, le protestantisme mais aussi sur le judaïsme et les communautés juives, sur leur sort dans une Europe en pleine guerre de religion et de bouleversements multiples. Évidemment, Padura s'est beaucoup documenté et son roman est une preuve de sa grande érudition.

Puis, avec le troisième livre, on revient à nouveau à notre époque. Mais, cette fois-ci, Mario Condé est supplié par la jeune Yadine (qu'il avait croisé par hasard lors de son enquête) de retrouver son amie disparue. Cette jeune fille a vu le détective en action et, devant l'inaction de la polcie, elle croit qu'il pourra faire quelque chose. Une autre trame à une histoire déjà longue et inutilement compliquée ? J'ai compris assez vite qu'elle n'y avait pas été intégrée sans raison, qu'un lien quelconque allait la rattacher aux autres livres, soit le sort du fameux tableau. Mais, rendu à près de 500 pages, même si l'intrigue est intéressante, on a hâte d'en arriver au dénouement. Au moins, il nous présente un LaHavane différent, celui des émos, des gothiques, des laissés-pour-compte.

La principale critique que j'ai à formuler à propos d'Hérétiques : un peu trop long ! C'est ce qui m'empêche de lui donner 5 étoiles. Mais j'ai tout de même passé un excellent moment à lire ce roman. On a plus qu'une seule intrigue policière et c'est probablement ce qui m'incitera à vouloir le relire dans quelques années.
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Voici un roman complexe et foisonnant, qui rend hommage aux hérétiques contemporains ou anciens, osant défier leur religion ou l'ordre établi. Sa construction biblique en trois livres et une genèse, assez ironique compte tenu du titre, permet de séparer le récit en trois parties distinctes, bien que liées.

Le héros, ou plutôt anti-héros, de cette histoire est Mario Conde, ex-policier cubain, qui vivote maintenant en revendant des livres anciens. Dans la première partie (livre de Daniel), il aide le fils de Daniel Kaminsky — juif polonais émigré à La Havane avant la guerre — à reconstituer le parcours de son père sur les traces d'un mystérieux tableau de Rembrandt extorqué à sa famille à l'époque nazie.
La deuxième partie (livre d'Elias), située au XVIIe siècle à Amsterdam, décrit la vie de Rembrandt et d'un de ses apprentis, expliquant ainsi l'origine du fameux tableau.
Retour à La Havane pour la troisième partie (livre de Judith), où Conde enquête cette fois sur la disparition d'une jeune fille. Cette sombre affaire le remettra contre toute attente sur la piste du tableau.
Quant à la genèse, en partie tirée d'une chronique du XVIIe siècle, je vous signale seulement qu'il faut avoir le coeur bien accroché pour la lire...

Reconstitution historique et polar, immersion dans la Havane de 1939 à nos jours, biographie de Rembrandt, essai sur la liberté ou sur la persécution des juifs au cours des siècles, les 600 pages d'Hérétiques ne cèdent jamais à la facilité. Une fois acclimatée aux redondances de Leonardo Padura, qui ne lésine ni sur les adjectifs ni sur les explications, j'ai adoré suivre Mario Conde, ses bouteilles de rhum et sa vieille clique de copains tous affublés de surnoms: le Flaco (le maigre), le Conejo (le lapin), Candito el Rojo (le rouge), Yoyi el Palomo (le pigeon)… . Vieux con et macho dans l'âme, mais très fidèle en amitié comme en amour, Conde est décidément bien attachant. En revanche, j'ai trouvé la partie sur Rembrandt et son apprenti, bien que très documentée, un peu lente et touffue à mon goût. Heureusement que Conde reprend la main, et la bouteille, dans la dernière partie.

Au cours du récit, l'auteur fait souvent référence à ses enquêtes précédentes. Il n'est pas nécessaire de les avoir lues pour suivre celle-ci, mais je me laisserais bien tenter par une nouvelle virée à la Havane ! C'est l'occasion d'ajouter quelques titres à mon pense-bête.

*** Livre sélectionné pour le prix Libraires en Seine 2015 ; prix décerné à Jacob, Jacob ***
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Ode aux anti-conformistes de tous temps et de tous bords, "Hérétiques" est un merveilleux roman qui nous mène de par le monde et le temps, de la belle et désespérante île de Cuba du vingt-et-unième siècle, il nous transporte jusqu'à la délicieuse Amsterdam des années 1640 et nous amènera à connaître le grand Rembrandt et ses brillants disciples aussi bien que les clans emos et gothiques qui zonent sur la grand place de la Havane.

A la fois polar, grande littérature et invitation aux voyages, "Hérétique" touche à tout et y excelle. J'ai passé pour ma part un excellent moment de lecture et je n'ai pas vu passer ses 715 pages. Je déplore seulement avoir été moins charmée par la troisième partie que par les deux premières et avoir donc quitté le roman moins enchantée que je ne l'aurais souhaité.
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Sommes-nous libres, ou mêmes capables de nous libérer des carcans moraux, religieux, idéologiques imposés ? Que gagne l'Hérétique, celui qui s'éloigne de ces carcans pour gagner sa liberté?
Vaste question que ce gros roman explore en trois longues séquences:
- L'histoire de Daniel Kaminsky dans les années 50 à Cuba puis de son fils Elias à la recherche d'un tableau de Rembrandt volé à sa famille fuyant le nazisme, recherche qui l'amènera à questionner sa judéité et sa foi,
- La genèse de ce tableau à Amsterdam au milieu du 17ème siècle à travers l'apprentissage de l'art de la peinture que fait un jeune Juif auprès du maître Rembrandt, bravant les interdits religieux,
- L'enquête menée par un ex-flic à Cuba de nos jours pour retrouver la trace d'une jeune fille en déshérence morale et sociale.

Il me faut avouer qu'il m'a couté autant qu'il m'a plu de lire ces trois histoires, dont chacune est marquée de son propre style et qui finissent par se rejoindre, tant il est dense et luxuriant de mots, de questionnements et de connaissances (avec une troisième partie plus faible à mon avis et dont le lien aux deux autres m'a semblé un peu capillotracté).

Je ne regrette cependant pas de m'être accrochée malgré les longueurs, et d'avoir découvert un regard novateur sur le Cuba d'hier et d'aujourd'hui, par un auteur d'une belle profondeur.
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La Havane, 1939 "une ville, où, pire encore, chaque soir à neuf heures précises, un coup de canon résonnait sans qu'il y ait de guerre déclarée ou de forteresse à fermer et où toujours, invariablement dans les époques prospères comme dans les moments critiques, quelqu'un écoutait de de la musique, et en plus, chantait", le jeune Daniel Kaminsly d'origine polonaise vit chez son oncle paternel Joseph appelé Pepe Cartera arrivé à Cuba des années plus tôt. Daniel s'apprête à vivre une journée particulière : ses parents et sa soeur doivent arriver par mer sur le S.S. Saint-Louis. Un bateau transportant presque mille juifs qui ont réussi à fuir l'Allemagne. Mais le bateau reste à quai pendant plusieurs jours avec ses passagers et est renvoyé à son point de départ avec la mort au bout du compte. Les parents de Daniel avaient avec eux un tableau de très grande valeur appartenant à leur famille depuis plusieurs générations et signé de Rembrandt.

2007, Elias Kaminsly le fils de Daniel fait appel à Mario Conde (ancien flic reconverti désormais dans le commerce des livres anciens) pour essayer de comprendre comment le tableau se retrouve désormais à une vente aux enchères à Londres. Ce tableau représente représente le buste d'un jeune homme ressemblant au Christ. Sauf que son modèle n'était autre autre qu'un jeune juif rêvant de devenir peintre...un anathème dans la religion juive. Et nous voilà embarqués à Amsterdam en 1643.

Mais Mario Conde se retrouve face à une énigme supplémentaire. Une jeune fille intelligente qui s'habille "Emo" disparaît alors que son père trempe dans des affaires louches impliquant beaucoup d'argent.

Vous l'aurez compris plusieurs histoires s'imbriquent et certaines s'insèrent dans la grande Histoire. Un roman sur la liberté, sur les "hérétiques" qui refusent de se soumettre à des lois, sur le massacre des juifs . Les magouilles, la corruption, le mauvais rhum, la débrouille des habitants de Cuba ou encore l'ambiance d'Amsterdam nous collent à la peau ! Des personnages humains tiraillés par leurs origines et ce qu'elles impliquent, leurs devoirs ou la volonté de vivre une autre vie, le fait de s'en affranchir.
Je découvre Leonardo Padura avec ce titre et ça ne sera pas le dernier !
Lien : http://claraetlesmots.blogsp..
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Trois livres en un seul (Le livre de Daniel, le livre d'Elías, le livre de Judith), et un fil rouge, un tableau de Rembrandt, voilà l'architecture de cet ouvrage de Leonardo Padura, qui met en scène une fois de plus, l'ex inspecteur Mario Conde.
Cuba, 1939 : Daniel Kaminsky, Juif réfugié à Cuba chez son oncle Joseph (devenu Pepe avec les années cubaines), attend l'arrivée du paquebot "Saint-Louis" et de ses passagers, des Juifs ayant eu la chance de pouvoir fuir à temps l'Allemagne nazie, dont ses parents et sa soeur. Victimes d'une machination, ils ne pourront pas débarquer : des politiciens et potentats locaux s'y sont opposés, certains même après avoir accepté et « empoché » la monnaie d'échange convenue, en l'occurrence un tableau de Rembrandt possédé par la famille de Daniel. Ils devront retourner en Europe où ils seront les proies de la barbarie nazie. Il se trouve que le tableau réapparaît dans une salle des ventes en 2007. Sollicité par le fils de Daniel, Mario Conde mène l'enquête : comment et par qui ce tableau a-t-il pu être arraché à la famille Kaminsky ? C'est l'intrigue du "livre de Daniel".
Le "livre d'Elías", retracera la naissance du tableau dans les Pays-Bas du XVIIe siècle, et les aventures sont il sera l'objet avant de tomber dans les mains des Juifs polonais Kaminsky. C'est une longue digression, une réflexion sur la liberté de création et le judaïsme.
Le "livre de Judith", nous ramène à l'époque contemporaine, dans le Cuba des jeunes marginaux, en mal d'avenir, où Conde mène l'enquête sur une jeune fille disparue. Et dans les toutes dernières pages, le tableau resurgit.
Voilà un roman dense, touffu, qui va bien au delà de l'enquête stricto sensu, en se penchant sur la nature du judaïsme, et nous offre un regard à la fois critique et amoureux sur la société cubaine, avec comme toile de fond dominante un hymne à la liberté de pensée et de création et ce culte de l'amitié que l'on retrouve dans tous les romans de Padura.
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Deuxième roman de @Leonardo Padura auquel je m'attaque après le passionnant @l'homme qui aimait les chiens, on constate à nouveau un gros travail de recherches historiques pour nous délivrer une histoire sur trois époques différentes.
Le roman se distingue en trois livres différents : Daniel, Elias et Judith et se termine par une genèse, toute référence à la bible n'est pas fortuite !
Le premier livre nous raconte la peu glorieuse histoire du Saint-Louis, un paquebot allemand sur lequel s'étaient réfugiés de nombreux juifs allemands au printemps 1939 dans l'espoir de débarquer à Cuba, le gouvernement cubain refusera finalement le débarquement de ses passagers comme ce fut le cas aux Etats-Unis puis au Canada et le paquebot finalement repartira vers le port de Anvers. Pas besoin de vous faire un dessin pour imaginer le sort qui sera réservé aux nombreux passagers dans les années suivantes. Daniel qui était parti quelques mois auparavant à Cuba ne verra plus jamais sa famille. C'est dans cette partie que nous ferons connaissance avec Condé, vieux flic à la retraire reconverti en découvreurs de livres rares. Il est contacté par Elias Kaminski le fils de Daniel qui lui demande d'enquêter sur un tableau présent sur le Saint-Louis, probablement de Rembrandt, propriété de la famille depuis des générations soudain réapparu dans une vente aux enchères à Londres. La vie de Daniel nous est racontée sur plusieurs années jusqu'à son départ pour Miami.
Dans le livre deux, le plus passionnant à mon avis, nous nous retrouvons à Amsterdam que l'on appelait alors la nouvelle Jérusalem au XVIIème siècle, ville exceptionnelle de modernité et de richesses dans laquelle de nombreux juifs s'étaient réfugiés fuyant les persécutions subies notamment en Espagne. Et moi qui était à ce moment-là en Italie, je me suis retrouvé immergé dans l'univers de Rembrandt, digne héritier du Caravage dont j'admirai les peintures la journée avant de découvrir la vie du maître hollandais le soir après mes journées marathoniennes romaines. Ce fut une surprise totale car, à vrai dire, le roman m'avait été pioché par @dedanso et je pensais me retrouver dans un polar cubain. J'ai adoré cette partie du roman.
Dans le livre trois, Condé enquête sur la disparition de la jeune emo Judith, @Padura nous dresse un portrait de cette jeunesse désabusée de la Havanne. J'ai moins aimé cette partie qui tout en ayant sa place dans la résolution de l'énigme sur le fameux tableau a tendance à alourdir un peu plus un pavé déjà bien conséquent.
Au final un excellent roman, très bien écrit et documenté, peut-être un peu long, dans lequel, au-delà de l'histoire du tableau, Padura nous raconte avec habileté et talent des bribes de l'histoire des juifs, d'Amsterdam et de Cuba, et surtout l'histoire de ces protagonistes qui par, désillusion, passion ou rébellion deviennent des hérétiques. Mais comme le dit si bien Michel Serres « On est toujours l'hérétique de quelqu'un ».
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Un livre qui m'a passionné, un livre en 3 parties sur 3 périodes…apparemment indépendantes, mais....
1939 : un paquebot arrive à Cuba, chargé de 900 juifs fuyant l'Allemagne; Ils sont payé le régime nazi pour fuir; le régime cubain leur demande également de payer un demi-million de dollars pour entrer sur l'île en tant que réfugiés. Bien peu le peuvent. Daniel Kaminsky né dans le quartier juif de Cracovie, espère retrouver ses parents qui l'ont envoyé depuis plusieurs mois déjà chez son oncle Joseph habitant La Havane. Son père, sur le bateau, possède un tableau de Rembrandt, dans la famille depuis 1648 , qu'il propose comme monnaie d'échange…Après quelques jours à quai, le paquebot repart avec la quasi totalité des réfugies et la famille de David vers l'Allemagne après les autres refus d'accueillir ces juifs du Canada et des États-Unis. Ils seront exterminés
En 2007, son fils, Elias Kaminsky, peintre né à Miami, sollicite l'aide de Conde un ancien flic (Personnage apparemment récurrent chez Padura...) vivotant de la recherche et la vente de livres d'occasion anciens, afin qu'il l'aide à savoir par quelles étapes est passé le tableau mis en vente. le tableau est entré à Cuba, mas pas ses propriétaire. Il a été acheté en 1940 à la Havane devant notaire. Condé apprendra que le jeune juif David a rejeté la religion juive pour épouser une jeune fille catholique, avant de reprendre sa religion plus tard.

1643 Amsterdam : Un jeune juif Elias Ambrosius âgé de 17 ans, aimant la peinture souhaite rencontrer Rembrandt afin qu'il lui apprenne à peindre. Il fera tout pour le rencontrer, se faire recruter dans son atelier pour faire le ménage et progressivement deviendra peintre. Il posera pour des tableaux, peindra des hommes des corps et même un christ, bravant ainsi tous les interdits religieux du judaïsme qui interdit toute représentation du corps humain, il devra affronter les religieux intégriste et radicaux et s'expatrier
Années 2000 : Conde est sollicité par la nièce d' Elias Kaminsky, son ami afin qu'il retrouve une jeune "emo" disparue. Les emo sont des jeunes cubains, rejetant la société et le socialisme cubain, " À la base de ces comportements, on trouve toujours une grande insatisfaction, bien souvent avec la famille. Mais de ce cercle elle se projette sur la société, également oppressante, avec laquelle ces jeunes essaient de rompre". Ils se replient vers Nietzsche, Cioran et idolâtrent le film "Blade Runner" et écoutent Kurt Cobain en boucle dont ils apprécient "mieux vaut brûler que s'éteindre lentement".
Ils vivent très mal dans ce Cuba qui les oppresse, " Si un pays où système ne te permet pas de choisir où tu veux être et vivre, c'est parce qu'il a échoué. La fidélité par obligation est un échec"
Ils sont doublement hérétiques, rejetant à la fois Dieu et le socialisme : "Ces jeunes ne croient plus à rien, parce qu'ils ne trouvent plus rien à quoi ils puissent croire"
J'ai beaucoup aimé ces voyages dans les époques, des pays différents… Quel bonheur de lire les pages décrivant le travail de Rembrandt enseignant comment peindre le regard, la tristesse;

Un roman foisonnant de 600 pages que j'ai dévoré, passant du polar au livre d'aventure en passant par l'essai philosophique, de Cuba à Amsterdam, De La Renaissance à l'époque contemporaine, de l'intégrisme religieux au castrisme… Un livre qui au delà du roman pose des questions sur la liberté individuelle, le libre choix de chacun, la religion et ses interdits

"Il lui a beaucoup parlé de la liberté. du droit de chaque homme de faire ses choix en toute indépendance ; de croire ou non en Dieu ; d'être un honnête homme ou un salaud....je crois qu'il lui parlait de ce que l'on est et qu'on ne peut cesser d'être, parce qu'on ne peut jamais s'en libérer"

J'ai découvert Padura avec "Hérétiques", et je pense poursuivre la découverte de cet auteur.
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Très beau livre de l'écrivain cubain Leonardo Padura, déjà connu comme journaliste et auteur de romans, policiers (mais pas que... les livres de L. Padura sont bien plus que ça !), mettant en scène, en particulier, les enquêtes de Mario Conde, un flic désabusé aux intuitions fulgurantes, un homme qui fréquente le "Bar des désespérés", un ami et un amant très fidèle.
Ici, Mario Conde qui a démissionné depuis un certain temps de la police et exerce le métier plus qu'aléatoire de revendeur de livres anciens, traîne une terrible galère (la misère à Cuba, c'est quelque chose !) quand un homme vient lui proposer de faire des recherches pour lui ; cet homme s'appelle Elias Kaminsky, il est juif, peintre, et cherche à comprendre l'histoire d'un tableau dont lui avait parlé son père, Daniel Kaminsky, tableau qui était dans la famille depuis longtemps, avait disparu quelques dizaines d'années et vient de réapparaître lors d'une vente aux enchères à Londres. Cette toile signée Rembrandt, qui vaut une fortune, représente un jeune juif ou le Christ, sans doute une étude effectuée par le grand peintre pour sa toile "Les pélerins d'Emmaüs".

La famille Kaminsky était originaire de Cracovie, et un oncle de Daniel s'étant installé à Cuba dans les années 1930, le père du petit garçon l'a envoyé en avant garde ; les parents et la petite soeur de Daniel devaient le rejoindre rapidement mais en 1939 leur bateau - cet épisode de l'Histoire est incroyable et extrêmement bien raconté ! - chargé de plus de neuf cent juifs fuyant le nazisme fut refusé à Cuba, puis aux USA et au Canada... Daniel ne revit jamais sa famille, sauf l'oncle Joseph qui l'éleva du mieux qu'il put. le tableau lui, resta à Cuba, il avait sans doute été donné - mais à qui ? - pour monnayer le débarquement des Kaminsky...

Il y a trois grandes parties dans ce livre dense, humainement et historiquement passionnant : le "Livre de Daniel", les juifs à Cuba avant la révolution castriste donc avant 1959, le "Livre d'Elias", l'histoire d'un jeune juif séfarade initié à la peinture par Rembrandt dans les années 1640-1650, et enfin le "Livre de Judith" la recherche par Mario Conde d'une jeune fille "emo" à La Havane de nos jours ; avec comme fil rouge, le tableau de Rembrandt représentant sans doute le Christ.

Leonardo Padura a voulu, dans ces trois parties, mettre en valeur les "hérétiques", ceux "qui pourraient avoir la témérité de penser d'une façon différente de celle qu'avaient décrétée les puissants chefs de la communauté, détenteurs selon la tradition, des uniques interprétations admises de la Loi" (p 278) et d'une façon générale ceux qui s'éloignent des opinions communément admises ; comme Rembrandt : "Quand je me suis cru libre et que j'ai voulu peindre comme un artiste libre, j'ai rompu avec tout ce qui est considéré comme élégant et harmonieux, j'ai tué Rubens et j'ai lâché mes démons pour peindre "La compagnie du capitaine Cocq" ("La ronde de nuit") pour les murs du Kloveniers. Et j'ai reçu le juste châtiment pour mon hérésie : plus de commande de portraits collectifs, car le mien était un cri, une éructation, un crachat..." (p 310)

Beaucoup de très beaux passages dans ce récit, de ceux qui transportent et émeuvent pour longtemps le lecteur ; l'un des plus réussi : quand le jeune séfarade Elias Ambrosius veut devenir peintre, qu'il guette les portes et fenêtres du Maître (Rembrandt) et fait intervenir un de ses anciens professeurs pour l'approcher ; le jeune juif de dix-sept ans réussit à émouvoir le Maître qui l'engage comme serviteur pour qu'il puisse observer et se faire sa propre idée. Or les juifs n'avaient pas le droit de représenter des humains et des animaux mais le jeune Elias est prêt à encourir les foudres des rabins : "Je crois que je veux peindre uniquement parce que j'aime ça. Je ne sais pas si j'ai un don, mais si Dieu me l'a donné, c'est sûrement pour quelque chose. le reste dépend de ma volonté, qui est aussi un don de Dieu..." (p 271)

Leonardo Padura est un écrivain très doué pour reconstituer les atmosphères, que ce soit l'atelier de Rembrandt en 1640, un café cubain dans les années 80, ou la rue G de la Havanne de nos jours où traînent les jeunes gothiques, emo et rockeurs...

Par petites touches, il nous parle de la chaleur, humide, étouffante, difficile à supporter de l'îe de Cuba, et de la situation politique et sociale plus que catastrophique ; mais aussi de la judéité et de la liberté bien sûr !

Un gros bouquin passionnant, une érudition remarquable, de la très belle littérature !

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Mais quel livre etrange!
Après seulement un gros tiers du livre, je sens un truc bizarre. L'intrigue se calme, s'essouffle comme si cette histoire passionnante de tableau de Rembrandt, d'émigrés juifs et de cubains allait se terminer alors qu'il me reste plus de 400 pages à lire. Et effectivement, elle s'achève...
Puis arrive, une nouvelle partie qui s'appelle le Livre d'Elias. Je reviens aux premières pages et effectivement la première partie s'appelle Livre de Daniel, tout ça sonne très biblique pour un livre qui s'appelle Hérétiques.
Bref, la seconde partie n'a plus grand chose à voir avec la première et on se trouve plongé dans la Nouvelle Jérusalem (Amsterdam) au XVIIème siècle avec Rembrandt lui même et son apprenti. J'avoue avoir eu un peu de mal à rentrer dans cette partie qui se révélera au final fascinante, très intéressante et qui répondra à pas mal de questions en suspens de la première partie.
Le dernier tiers est le Livre de Judith, c'est une enquête plus classique où l'on retrouve la plupart des personnages de la première partie qui cherchent à élucider la disparition d'une jeune fille. À la fin, les dernières zones d'ombre seront éclairées (on les voit quand même arriver à des kilomètres).

La Genèse qui sert de conclusion est l'occasion pour Leonardo Padura de mettre en avant une scène qu'il n'a pas du réussir à caser ailleurs. C'est le seul passage que j'ai trouvé vraiment artificiel. Dommage d'achever ainsi un si beau roman.
Le reste de ce livre malgré son découpage en 3 petits romans qui pourraient presque être lus indépendamment est d'une remarquable homogénéité. Il fait s'entrecroiser entre diverses époques une grande quantité d'hérétiques, chacun à leur façon, et qui entrent souvent en résonance, de par leur prénom, avec l'ancien Testament.

Leonardo Padura a mis plus de 3 ans à écrire ce livre et ça se comprend. Il a réalisé un remarquable travail d'historien et justifie dans une petite préface les petits écarts qu'il s'est permis dans une perspective romanesque.
En ce qui concerne l'écriture, je l'ai trouvé très fluide dans les parties contemporaines et plus dense dans les parties historiques tout en restant remarquable et très précise.
Pour faire bref, j'ai beaucoup aimé ce roman et ça m'a donné envie de m'intéresser à la bibliographie de Leonardo Padura et aux enquêtes précédentes de Mario Conde.
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