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Critique de HundredDreams


Je ne pensais pas un jour lire un roman d'horreur avec des zombies, mais c'est sans compter mes ami.es de Babelio qui m'ont convaincue de lire le petit roman de Martin Page.
Avec « La nuit a dévoré le monde », je suis sortie de ma zone de confort, et même si ce n'est pas un roman coup de coeur, j'ai passé un très agréable moment. Merci à eux.

*
Antoine Verney, un jeune écrivain de romans à l'eau de rose, se rend à une soirée privée organisée par une amie. Mais ne connaissant personne, il finit par s'éloigner de la fête et s'isole dans la bibliothèque. Là, au milieu des livres, abruti par l'alcool, il s'endort pendant que la fête continue.

A son réveil, il découvre l'appartement vide (hormis un cadavre décapité), saccagé, maculé de traces sanguinolentes. En jetant un coup d'oeil dans la rue par la fenêtre, il découvre que tous les humains se sont transformés en morts-vivants et se livrent à des actes d'anthropophagie, traquant les derniers survivants affolés qui tentent de s'échapper.

Le jeune homme décide alors de s'organiser en se retranchant dans l'appartement de son amie.

« J'ai toujours su que les gens étaient des monstres. Alors qu'ils soient aujourd'hui des zombies, ça n'est qu'une confirmation. La métaphore s'est incarnée. Et je suis bien décidé à vendre cher ma peau. »

Comment ne pas devenir fou ? La peur, la mort qui rode, violente, sournoise, la solitude, la claustration, sont autant de raisons de perdre la raison.
Mais vivre reclus se prête à son caractère solitaire et asocial. Il pense être à l'abri, mais chaque jour qui passe l'amène à s'interroger sur son propre salut, celui de sa famille, de son ancienne compagne, des survivants.

« le plus dur, c'est de ne pas savoir ce que sont devenus ceux que j'aime. Ils ne sont pas nombreux : mon coeur est un désert. »

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Antoine n'est pas un héros au sens où on l'entend. Au contraire, c'est un homme plutôt atypique pour un tel roman, pragmatique, timide, peu sociable, indifférent aux autres et même narcissique.
L'auteur analyse très finement l'impact qu'a cette situation émotionnelle extrême sur son état de stress et ses réactions. Elles évoluent au fil des jours, commençant par un sentiment de terreur, puis l'affolement laisse la place à d'autres émotions, d'autres sentiments : la confusion, la détresse, le désespoir,

« Il m'a fallu un mois pour comprendre que les zombies ne sont pas le vrai danger. Je suis mon pire ennemi. Les zombies ne peuvent franchir les trois étages, ils ne peuvent défoncer la porte. Par contre, ils courent dans ma conscience comme s'ils en avaient toutes les clés. Ils sont à l'intérieur de moi et il n'y a rien de plus effrayant.
À quoi bon vivre dans un tel monde ? À quoi bon vivre si on est seul ? Ceux que j'aimais sont morts. À certains moments, je pense me laisser contaminer : devenir l'un d'eux, céder au conformisme. Il suffirait d'une morsure.
Ils m'attirent comme le vide attire celui qui souffre du vertige. Je me sens aimanté, j'ai envie de me jeter dans leurs griffes et qu'ils me mettent en charpie, qu'ils me réduisent à l'état de masse informe et sanglante. Et me fassent disparaître. Ce ne sont pas seulement des démons. Ce sont mes démons, et ils m'obsèdent. Je suis terrifié par la place qu'ils prennent dans ma tête. »

La fin réserve de belles surprises.

« Je ne me fais pas de soucis, l'espèce humaine survivra. Nous sommes les véritables cafards du monde : increvables. Mais la Terre ne nous appartient plus, nous en avons rendu les clés. »

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Ce qui m'a surprise dans ce récit, c'est cette atmosphère relativement calme par rapport au contexte extrêmement violent.
Les scènes présentes dans le roman ne sont pas tournées vers le gore, même s'il y a des attaques répétées des zombies. Je pensais qu'il faudrait avoir le coeur bien accroché à la lecture de certains passages, mais ce n'est pas du tout le cas. L'auteur a créé véritablement deux espaces dans ce roman : l'appartement et l'extérieur de l'immeuble, peuplé de zombies en quête de nourriture.
C'est donc un roman plutôt introspectif. Antoine analyse sa vie passée, les causes de ses déboires, les raisons et les conditions de sa survie.

« Savoir que l'on est comestible, ça rend vivant. »

Le récit, rédigé à la première personne du singulier de l'indicatif présent, permet de partager la vision, la perception des faits et les émotions du narrateur dans un monde devenu hostile. En s'identifiant à lui, il nous donne l'impression de vivre avec lui ces événements.

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Que s'est-il passé pendant cette nuit de beuverie ?
L'auteur laisse planer le doute sur les raisons de la transformation des hommes en zombies, ce qui lui permet de se concentrer davantage sur des réflexions philosophiques intéressantes en lien avec notre humanité, la différence, la solitude, les souvenirs, la mort, le deuil.

« D'ou viennent-ils ? Sont-ils le fruit d'expériences de l'armée américaine ? Une mutation naturelle de l'espèce ? Un virus ? Je ne suis pas biologiste, je ne compte pas faire de prélèvements. Ne pas savoir est une chance : la vérité est soit trop laide, soit trop banale. Il vaut mieux imaginer les mille explications possibles. C'est comme le big bang : on ne sait pas, et c'est tant mieux. »

Ce huis-clos, sous la forme d'un journal intime, prend aussi une forme engagée par ses idées sur notre société en déclin, la violence des rapports humains, la relation de l'homme avec son milieu naturel et notre impact sur l'environnement et la nature.

« C'est la fin du monde, ou plutôt du monde tel que nous le connaissions, tel que nous l'avions domestiqué et vaincu.

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Pour conclure, avec des chapitres courts et rythmés, cette lecture plaisante et rapide échappe au cliché un peu trop redondant des romans de zombies.
Ce roman est à découvrir, il peut plaire non seulement à tous les amateurs de romans de zombies, mais à tous ceux et celles qui aiment les huis-clos et les romans psychologiques.
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