Citations sur Sale gosse (82)
Wilfried écoutait, tête basse, posant ses pas dans la craie blanche.
- J’ai vu des joueurs partir avec un pied qui ne leur servait qu’à monter dans le bus, revenir en athlètes, des coureurs de cent mètres, toujours aussi mauvais de ce pied faible. On va te parler de tactique, de préparation physique, tu vas faire de la musculation, mais Will, s’il te plait, n’oublie jamais : le football n’est pas ton métier. Ton métier c’est d’être un enfant.
Le soleil zébrait les bancs de la salle d’audience, dévoilant des millions de grains de poussière en lévitation dans la lumière. p.269
En primaire, les veilles de rentrée, on fait ce qu'on ne fera déjà plus le jour d'après : aligner ses habits au pied du lit, préparer son sac en y rangeant les fournitures qu'on perdra sans état d'âme avant la Toussaint : le rapporteur, le quatre-couleurs, les crayons HB, les copies doubles. C'est étrange cette impatience. Comme si on avait oublié. Comme si on avait réussi à se convaincre que la seule chose qui nous manquait pour aimer l'école, c'était un sac Eastpack. p.123
Marc Winzembourg n'était pas ce qu'on appelle un type inquiet. Il avait ce truc rassurant qu'ont les héros dans les films pour enfants, la conviction que la pire des situations n'est jamais perdue...
En conclusion, Marc avait écrit : "L'impulsivité de Madame, mélangée aux différentes prises de toxiques du couple, vient attiser la braise existante. L'incommunicabilité génère des crispations des deux côtés. Dans ce contexte, Wilfried est exposé à un climat de violence récurrente."
Au stylo noir, la juge nota :
- Couple inconsistant. Nécessité de placement.
- Qu'est-ce ça change, en vrai ?
- Comment ça, qu'est-ce que ça change ? C'est ton avenir. ça change tout.
L'avenir, vous pouvez le prendre par tous les bouts, face à un gamin de seize ans qui a décidé de vivre au jour le jour, c'est un mot qui ne veut rien dire.
L'enfant finit par comprendre qu'il ne doit pas s'attacher s'il ne veut pas souffrir. A chaque fois que ça se passe bien avec un adulte, une petite voix lui dit :"Attention, te détends pas, sinon le jour où ça va te péter à la gueule- et il est certain que le jour viendra- tu vas morfler." Donc il saborde la relation.
Pour échouer, il faut avoir essayé...
Trois semaines plus tard, un bus se gara devant le foyer. Cinq jours de camp dans les Pyrénées.
- Qu’est-ce qu’on va foutre là-bas ? y’a même pas de neige, j’suis sûr, grommela Wilfried.
- On était mi-avril, une chaleur anormale avait replié les pulls dans les armoires.
- - T’as vu les Pyrénées, une fois dans ta vie ? lança Dounia. Alors, tu la boucles. Je fais ça pour vous, hein, moi je connais et je suis pas payée plus cher à perdre mon week-ends pour vous éloigner de la cité.
Wilfried vomissait ces phrases : « Je m’en moque, moi, je l’ai, le brevet. », « Ma carrière, elle est derrière moi. Vous voulez passer pro ? Quand je vous vois, j’en doute. J’en doute vraiment. »
Driss était trop intelligent pour croire à l’école. Dernier d’une fratrie de huit, il observa les grands, et monta son business de streetwear. Il avait douze ans, il était en cinquième, et passait son temps à répéter :
- Demande-moi ce que tu veux, mais ne cherche pas à savoir d’où ça vient.
La came venait d’un Rebeu de Clignancourt. Driss faisait l’aller-retour avec son frère chaque week-end et se pointait le lundi au collège avec des sacs de sport pleins à craquer de pulls sous plastique et de chaussures dans leurs boîtes.