AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Eve-Yeshe


Ce roman est intense, haut en couleurs, et très bien écrit dans lequel on fait la connaissance de toute une famille et d'une ville : Istambul.

L'histoire démarre par une action en 1982 : Melvut enlève dans des conditions rocambolesques une fille dont il est tombé amoureux après avoir croisé son regard lors d'un mariage, et à laquelle il a écrit de nombreuses lettres avec la complicité d'un cousin. A -t-il enlevé la bonne personne ?

La famille est intéressante : Mustafa, le père de notre héros Mevlut a quitté son village d'Anatolie en même temps que son frère Hasan, et chacun aura un destin et des conditions de vie différents, la femme et les enfants resteront au village alors que toute la famille de Hasan viendra vivre avec lui, ce qui modifiera leur évolution dans cette immense métropole qu'est Istamboul.

Orhan Pamuk rend un vibrant hommage à Istambul, en restant toujours lucide. J'ai adoré me promener dans cette ville, dans les pas de Mevlut, la voir évoluer, sur plus de trente ans. Ce héros qui reste pur, parfois naïf, alors que règne la corruption, la roublardise est touchant même si on l'aimerait parfois plus énergique, mais il reste fidèle à ses valeurs.

L'auteur découpe son histoire en plusieurs périodes, entre 1969 et 2012, et il entrecoupe son récit pour donner l'avis des différents protagonistes, ce qui est original et affine les différents ressentis. de plus, il s'adresse souvent au lecteur, et l'emporte, le fait participer.

On imagine sans peine cet enfant qui arpente les rues avec sa perche, ses plateaux de yaourts ou de Boza en équilibre, bien trop lourd pour lui, criant « Boo Zaa », dans les pas de son père, vendeur ambulant. le coeur de Mevlut bat au rythme de celui d'Istambul, dont il connaît le moindre recoin et il y a une telle osmose entre eux qu'ils ne font plus qu'un.

La ville a changé durant toutes ces années, les collines se sont recouvertes de maisons construites sommairement, sans permis : on borne la nuit, on rajoute des étages de manière à rendre la destruction difficile et obtenir un permis de la mairie. On retrouve les mêmes « arrangements » avec l'électricité, les lignes sauvages…

Le statut de la femme est bien abordé : les mariages arrangés, les fugues pour pouvoir y échapper, les enfants pas toujours désirés, les difficultés de la vie de tous les jours… les personnages féminins sont très différents et ma préférence va à Rayiha qui s'épuise dans la préparation du pilaf que Mevlut va vendre dans les rues, tout en s'occupant de la maison, des filles, et dont la sagesse, le sens des réalités et la lucidité viennent contrebalancer la « naïveté » de son époux…

Orhan Pamuk décrit les coups d'état, la montée de l'intégrisme, le tremblement de terre mais ne cite et ne juge personne, c'est au lecteur de se forger son opinion. Il évoque les communautés qui ont dû fuir : les Grecs chassés de la ville en une seule nuit, ou le sort réservé au Kurdes, Alevis qu'on accuse d'avoir placé une bombe à la mosquée pour se livrer à des expéditions punitives…

Il m'a fallu une cinquantaine de pages pour bien entrer dans l'histoire et me familiariser avec les noms turcs : noms de famille mais aussi noms des quartiers d'Istambul, de certaines spécialités… et ensuite, l'immersion a été totale, je n'avais plus envie de le lâcher et je tournais les pages au ralenti pour faire durer le plaisir.

L'auteur nous facilite la tâche en nous proposant d'entrée un arbre généalogique des familles de même qu'un glossaire comprenant leurs noms et les pages les plus importantes qui leur sont consacrées ainsi qu'un récapitulatif chronologique mêlant l'histoire d'Istamboul à celle de la famille.

Je suis sortie subjuguée de cette lecture, littéralement envoûtée, tant l'écriture est belle, musicale, pleine de poésie. J'ai adoré ce roman et je pourrais en parler pendant des heures, tant les thèmes abordés sont riches et multiples. Conquise par cet écrivain, qui a reçu le Nobel en 2006, je vais continuer à explorer son oeuvre. Un seul regret, avoir attendu si longtemps…
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          6511



Ont apprécié cette critique (59)voir plus




{* *}