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Après la plage, rien de tel qu'un bon pavé pour s'évader et se déstresser, avant la rentrée. Et celui-ci n'est pas en reste question évasion, son souffle romanesque m'a plongé dans l'ambiance turque dès les premières lignes. Ça tombe bien, je garde un souvenir impérissable de la Turquie (il y a 20 ans certes), et d'Istanbul, cette ville cosmopolite et grouillante, si folle et si charmante.

Roman épique et foisonnant où s'entremêlent tout à la fois culture, histoire, politique et évolution de la société turque, où l'on peut voir se bâtir des bidonvilles sur des collines d'Istanbul qui deviendront rivales, où l'on suit les déambulations de Mevlut aux multiples métiers, mais vendeur de boza dans l'âme : «Il sentait que le monde intérieur qui l'habitait et la rue qu'il arpentait la nuit en vendant de la boza formaient désormais un tout. Cette connaissance étonnante lui apparaissait parfois comme sa propre découverte ou bien comme une lueur, une lumière que Dieu lui avait accordée à lui seul.».
Un héros ordinaire au profil ancré dans la réalité, à la recherche simple de bonheur, attachant et empreint de naïveté. L'on fait sa connaissance lors du premier chapitre, surpris qu'il est de découvrir que la fille qu'il est en train d'enlever pour l'épouser n'est pas celle à qui il a cru envoyer tant de lettres enflammées, depuis des années. Une habitude dans ce pays, l'enlèvement d'une douce par son amoureux, quand celle-ci s'oppose aux désirs de son père, ou que la dot est trop importante pour le prétendant. La suite du récit remontera le cours de la vie de Mevlut depuis 1968, pour aller au delà, en 2012.
L'écriture au long cours et au rythme lent invite le lecteur à choisir un bon fauteuil, pour prendre son temps. La narration s'y singularise par une polyphonie aux tonalités parfois inédites: les différentes voix des protagonistes peuvent s'opposer, se contredire, ou enrichir le point de vue général et omniscient, attaché aux pas de Mevlut. Un peu comme si les différents personnages prenaient corps autour de la table de l'écrivain pour élever leur voix, et intervenaient dans le récit pour donner leur avis au lecteur. Cela rend le récit vivant, alerte et rythmé. Largement de quoi rendre le pavé plus léger.
Mais le vrai tour de force de cette saga à l'écriture simple, c'est qu'il nous plonge sans retenue dans la société turque (enfin le tour de force est relatif, il y a quand même un prix Nobel derrière). On ne la lit pas cette saga, on la respire et on la vit. J'ai été avec Melvut, sa famille, ses amis et ses emmerdes depuis le début. le genre de bouquin qui fait hésiter avec ses 6OO et quelques pages, mais on peut finir par regretter qu'il n'y en ait pas un peu plus.
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Dans cette saga familiale aux accents de conte initiatique, notre héros est le veilleur de nuit qui aime la solitude de petites heures et la mélancolie plaisante du silence.

Il est le dépositaire de la résilience, de l'honneur, de la détermination de s'accrocher à certaines valeurs essentielles malgré tous les changements auxquels il sera mené à s'adapter.

Peuplée de personnages étonnants et ponctuée de descriptions somptueuses sur la Turquie des années 50 aux années 80, cette fresque aux accents magiques réussit à créer une réalité oubliée avec une précision et un sens de l'incarnation hors norme.

Avec une émouvante délicatesse, Orhan Pamuk pénètre pas à pas l'épaisseur du temps qui passe, faisant au passage se frotter quelques secrets, éveillant la question : avons-nous les moyens de vivre sans interroger l'univers, sans inquiéter les coeurs, sans chercher à contrarier la vérité ni l'ajuster ?

Ce récit permet de savourer les multiples facettes de l'écriture foisonnante d'Orhan Pamuk, de la poésie, de l'humour noir à l'ironie, en passant par l'allégresse du roman d'initiation.


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Voici une vaste fresque foisonnante que l'auteur nous livre aussi bien documentaire que sociale, familiale et politique, à travers les apprentissages, la vie, les amours, les rêves, les modestes ambitions d'un humble vendeur de rues à Istanbul : Melvut Karakas , ce qui donne un côté plaisant , frais et romanesque au récit !

L'auteur se penche avec talent et une bonne dose de travail sur l'histoire, le paysage, le souffle d'Istanbul, un portrait tout en mouvement où le temps s'écoule de 1968 à 2012 et la mégapole qu'elle est devenue ! Une Turquie moderne et contemporaine !
Attention: existent et accompagnent le roman, ajouté à la somme des pages et l'épaisseur , un arbre généalogique, un index, une chronologie qui pourraient rebuter nombre de lecteurs.......
Malgré tout, dès que nous faisons la connaissance de Melvut, un personnage sympathique, gai , naïf, transformé en portefaix, chargé de yaourt et de riz pilaf, friandise chère aux stambouliotes, et de boza, boisson fermentée , vendeur de rues avec son père, après un rapide passage au lycée , nous sommes conquis par son optimisme, sa capacité après une enfance rurale (il est arrivé à 12 ans à Istanbul ) , à connaître sur le bout des doigts la géographie de la ville , ses odeurs, son atmosphère , sa peur viscérale des chiens .

Beaucoup d'anecdotes familiales et des personnages multiples truffent le récit de détails domestiques qui dessinent le portrait de la ville et de ceux qui y vivent .

Au début du roman, Melvut enlève la jeune fille qu'il désire épouser mais.........je n'en dirai pas plus .

On découvre au fil du récit le nouveau visage d'Istanbul, nouveaux quartiers, nouvelles mœurs, irruption de l'Islamisme .......
Au final, un livre, genre grand roman d'apprentissage, dense, peuplé de personnages aux mille vies qui donnent corps et âme , avec beaucoup de fraîcheur romanesque, à l'évolution de la Turquie depuis quarante ans, les mutations et les métamorphoses d'Istanbul, à travers les tribulations d'un humble vendeur de boza , dont le trait le plus caractéristique est de voir la vie du bon côté même dans ses plus mauvais jours , un optimisme que certains taxeraient de naïveté !

Un récit choral, épique et talentueux, chaleureux !
Ce n'est que mon humble avis, bien sûr ..

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J'ai bien cru que je ne viendrais jamais à bout de ce pavé, et pourtant je m'en serais voulu de passer à côté. Quelle somme de travail, quelle fresque, monsieur Pamuk !

L'auteur justifie pleinement son prix Nobel de littérature avec ce nouveau roman (paru en 2014 mais traduit en Français cette année, merci Gallimard). Un roman qui va bien au-delà du simple récit pour tendre à la fois vers la chronique, le roman historique et la biographie d'un genre nouveau, celle d'une ville, d'une capitale, d'un centre névralgique : Istanbul.

Pour s'en convaincre, et avant même de débuter la lecture, il suffit de lire attentivement le titre complet du roman : "Cette chose étrange en moi. La vie, les aventures, les rêves du marchand de boza* Mevlut Karatas et l'histoire de ses amis, et tableau de la vie à Istanbul entre 1969 et 2012, vue par les yeux de nombreux personnages". Rien que ça. Donc, vous êtes prévenus, il s'agit d'un roman choral où pas moins d'une dizaine de narrateurs se succèdent, parfois en l'espace de quelques phrases. Voici mon seul vrai "reproche" : bien que n'ayant pas de problème particulier avec le narration polyphonique, le fait que seule celle de Mevlut, le personnage principal, soit impersonnelle alors que toutes les autres utilisent le "je narratif" m'a perturbée et n'a pas facilité mon immersion dans un univers pourtant fascinant. Ajoutez à cela une chronologie des événements qui tarde à se mettre en place, et des noms propres turcs difficiles à prononcer ou à retenir pour qui ne parle pas turc, je dois avouer que j'ai "galéré" avec les 250 premières pages, soit à peu près un tiers du roman.

Mais j'ai très bien fait de m'accrocher car une fois totalement immergée dans le bouillonnement d'Istanbul, une fois mes repères géographiques posés, une fois mon intérêt et mon affection attachés aux personnages des familles Aktas et Karatas, c'est allé comme sur des roulettes et je n'ai plus goûté que la beauté de la langue (chapeau à la traductrice), la magie des ambiances et l'authenticité du voyage intime proposé par l'auteur.

Bien plus qu'un roman, disais-je, "Cette chose étrange en moi" est un témoignage politique, sociologique, culturel et ethnologique d'une grande puissance. Ce n'est sans doute pas un hasard si Orhan Pamuk a défendu en 2013 le mouvement protestataire turc puis a écrit ce roman mettant à l'honneur un simple marchand ambulant de yaourt et de boza*, une figure tutélaire d'Istanbul (sa ville natale). Une façon, à mon avis, d'adresser un message fort à chaque Turc, humble ou puissant, pour lui révéler par un regard à la fois objectif et tendre les bouleversements profonds qui ont construit ou déconstruit la Turquie, et de lui montrer d'où il vient, de le questionner sur où il va. Orhan Pamuk, s'il avait été essayiste plutôt qu'écrivain, aurait pu intitulé son oeuvre "De l'importance des conséquences des flux migratoires", un sujet d'actualité, n'est-ce pas ?

Mais l'auteur ne se contente pas de décrire les situations du quotidien pendant presque quarante ans, le style n'est pas du tout journalistique mais bien romanesque. A partir de deux familles étroitement liées par les mariages et les cousinages, l'auteur déploie toute une gamme de sujets anodins ou graves, des petits boulots et des cancans de cuisine aux mariages des adolescentes, en passant par l'urbanisation, les mafias, les conflits d'intérêts, les guerres, l'occidentalisation... C'est véritablement le pouls d'Istanbul que renferment les nombreuses pages de son roman. J'ai eu la sensation de replonger dans l'atmosphère tendue de l'excellent film de Deniz Gamze Ergüven, "Mustang", qui mettait le doigt sur l'écartèlement de la Turquie entre émancipation et traditions.

Un grand roman, un précieux témoignage.


*Boisson fermentée faiblement alcoolisée

Challenge Nobel
Challenge Petit Bac 2017 / 2018
Challenge PAVES 2017
Challenge ATOUT PRIX 2017
Challenge AUTOUR DU MONDE
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Ce roman est intense, haut en couleurs, et très bien écrit dans lequel on fait la connaissance de toute une famille et d'une ville : Istambul.

L'histoire démarre par une action en 1982 : Melvut enlève dans des conditions rocambolesques une fille dont il est tombé amoureux après avoir croisé son regard lors d'un mariage, et à laquelle il a écrit de nombreuses lettres avec la complicité d'un cousin. A -t-il enlevé la bonne personne ?

La famille est intéressante : Mustafa, le père de notre héros Mevlut a quitté son village d'Anatolie en même temps que son frère Hasan, et chacun aura un destin et des conditions de vie différents, la femme et les enfants resteront au village alors que toute la famille de Hasan viendra vivre avec lui, ce qui modifiera leur évolution dans cette immense métropole qu'est Istamboul.

Orhan Pamuk rend un vibrant hommage à Istambul, en restant toujours lucide. J'ai adoré me promener dans cette ville, dans les pas de Mevlut, la voir évoluer, sur plus de trente ans. Ce héros qui reste pur, parfois naïf, alors que règne la corruption, la roublardise est touchant même si on l'aimerait parfois plus énergique, mais il reste fidèle à ses valeurs.

L'auteur découpe son histoire en plusieurs périodes, entre 1969 et 2012, et il entrecoupe son récit pour donner l'avis des différents protagonistes, ce qui est original et affine les différents ressentis. de plus, il s'adresse souvent au lecteur, et l'emporte, le fait participer.

On imagine sans peine cet enfant qui arpente les rues avec sa perche, ses plateaux de yaourts ou de Boza en équilibre, bien trop lourd pour lui, criant « Boo Zaa », dans les pas de son père, vendeur ambulant. le coeur de Mevlut bat au rythme de celui d'Istambul, dont il connaît le moindre recoin et il y a une telle osmose entre eux qu'ils ne font plus qu'un.

La ville a changé durant toutes ces années, les collines se sont recouvertes de maisons construites sommairement, sans permis : on borne la nuit, on rajoute des étages de manière à rendre la destruction difficile et obtenir un permis de la mairie. On retrouve les mêmes « arrangements » avec l'électricité, les lignes sauvages…

Le statut de la femme est bien abordé : les mariages arrangés, les fugues pour pouvoir y échapper, les enfants pas toujours désirés, les difficultés de la vie de tous les jours… les personnages féminins sont très différents et ma préférence va à Rayiha qui s'épuise dans la préparation du pilaf que Mevlut va vendre dans les rues, tout en s'occupant de la maison, des filles, et dont la sagesse, le sens des réalités et la lucidité viennent contrebalancer la « naïveté » de son époux…

Orhan Pamuk décrit les coups d'état, la montée de l'intégrisme, le tremblement de terre mais ne cite et ne juge personne, c'est au lecteur de se forger son opinion. Il évoque les communautés qui ont dû fuir : les Grecs chassés de la ville en une seule nuit, ou le sort réservé au Kurdes, Alevis qu'on accuse d'avoir placé une bombe à la mosquée pour se livrer à des expéditions punitives…

Il m'a fallu une cinquantaine de pages pour bien entrer dans l'histoire et me familiariser avec les noms turcs : noms de famille mais aussi noms des quartiers d'Istambul, de certaines spécialités… et ensuite, l'immersion a été totale, je n'avais plus envie de le lâcher et je tournais les pages au ralenti pour faire durer le plaisir.

L'auteur nous facilite la tâche en nous proposant d'entrée un arbre généalogique des familles de même qu'un glossaire comprenant leurs noms et les pages les plus importantes qui leur sont consacrées ainsi qu'un récapitulatif chronologique mêlant l'histoire d'Istamboul à celle de la famille.

Je suis sortie subjuguée de cette lecture, littéralement envoûtée, tant l'écriture est belle, musicale, pleine de poésie. J'ai adoré ce roman et je pourrais en parler pendant des heures, tant les thèmes abordés sont riches et multiples. Conquise par cet écrivain, qui a reçu le Nobel en 2006, je vais continuer à explorer son oeuvre. Un seul regret, avoir attendu si longtemps…
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Petit point minuscule parmi la foule cosmopolite d'Istanbul, Mevlut arpente la ville au cours de longues marches nocturnes en criant "Boza ! Boza !".
Fuyant la misère économique de son village d'Anatolie, sa famille est arrivée dans la capitale lorsqu'il avait 9 ans pour vendre des yaourts puis de la boza et depuis il s'obstine à vendre cette boisson fermentée chaque soir, même si les clients se font rares.
Emboiter le pas de Mevlut, de 1968 à 2012, c'est avoir peur des chiens errants, peur de ne pas ramener assez d'argent pour vivre, quitter chaque jour une misérable habitation pour aller arpenter les rues d'Istanbul, pratiquer plusieurs petits métiers.
C'est une histoire universelle, quitter la campagne pour tenter d'avoir une vie meilleure, enlever une jeune fille pour l'épouser. Un peu rêveur et foncièrement honnête, sans autre ambition que de vivre une vie simple avec sa famille, Mevlut voit la ville se transformer sous ses yeux au fil des ans. Cette passionnante saga familiale, dans laquelle vie sentimentale et professionnelle s'entremêlent et font face aux évolutions politiques, sociologiques, économiques, culinaires, culturelles et religieuses du pays, est aussi un beau roman d'amour. Les vieilles traditions familiales ont la vie dure mais les femmes veulent s'émanciper, les bidonvilles comme celui où Mevlut vivait seront bientôt détruits pour laisser place à de grands immeubles, on achète des yaourts industriels plus conformes aux normes d'hygiène, les vendeurs ambulants sont chassés, la ville ne cesse d'évoluer…
La corruption règne, heureusement l'entraide familiale permet de survivre.
La narration très vivante, alternant les points de vue des différents personnages qui s'adressent directement au lecteur avec des retours en arrière, lève progressivement le voile sur les évènements au cours des multiples rebondissements de ce gros pavé qui se lit avec un grand plaisir. Orhan Pamuk nous rend tous les personnages très attachants ainsi qu'Istanbul que l'on découvre envoutante et grouillante.
Je remercie chaleureusement les Éditions Gallimard et Babelio pour la découverte de Cette chose étrange en moi.

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Bienvenue à Istanbul, cité cosmopolite, changeante, de contraste. Une ville où il est possible de trouver du travail, l'amour, l'aventure et bien d'autres choses. On n'en ressort pas indemne. C'est là que se passe un des derniers romans d'Orhan Pamuk. Derrière un titre énigmatique, Cette chose étrange en moi, se trouve un sous-titre très révélateur, voire explicite : « La vie, les aventures, les rêves du marchand de boza Mevlut Karatas et l'histoire de ses amis et Tableau de la vie à Istanbul entre 1969 et 2012, vue par les yeux de nombreux personnages ».

Ainsi, on y suit les hauts et les bas de Mevlut Karatas, désigné « le héros », ainsi que de ses cousins Korkut et Süleyman Aktas, leur famille élargie et quelques intimes. C'est une chronique familiale mais également sociale. On peut dire aussi qu'Istanbul constitue un personnage à part entière, évoluant au fil des quatre décennies sur lesquelles s'étire le roman. Il faut dire qu'il s'agit de la ville natale de l'auteur, on sent son amour pour ce lieu sur lequel il a beaucoup écrit et sur lequel il continuera de le faire sans doute. Toutefois, l'action ne se déroule pas à l'ombre des « beaux » monuments, palais et mosquées qui attirent les touristes. Cherchez plutôt du côté de Duttepe et de Kûltepe, deux collines, deux quartiers, pas trop loin du centre-ville mais remplis de bidonvilles.

C'est là qu'atterrit le jeune Mevlut, douze ans. Et il y restera longtemps. En ce sens, Cette chose étrange en moi est également un roman d'apprentissage. Il accompagnera son père dans ses tournées de vendeur de yaourt et de boza (alcool local). Il va à l'école, grandit, se fait des amis, devient un adolescent mal dans sa peau, qui se distancie de son père et commence à s'intéresser aux filles… particulièrement à Samiha. Toutefois, c'est avec sa soeur Rayiha qu'il se retrouve quelques années plus tard. Mevlut n'est pas un héros, c'est une jeune homme simple mais optimiste, honnête et travailleur. Quand la vie de marchand ambulant devient difficile – l'arrivée du yaourt en pot à l'épicerie bouleverse une économie plusieurs fois centenaires –, il se tourne vers une carriole de pilaf, puis une sandwicherie entre quatre murs, gardien de parking puis enfin agent de recouvrement pour une compagnie d'électricité.

Orhan Pamuk nous sert une brève leçon de sociologie, d'histoire, de géographie et de politique. Moi, ça m'a captivé. le coup d'État, l'expulsion des Grecs et des Arméniens, le conflit chypriote, le sort des minorités comme les Kurdes, etc. C'est que, en prenant de l'âge, Mevlut est confronté à des situations nouvelles, son univers s'élargit : nationalisme, violence, islamisation, équilibre entre tradition et modernité.

Tout ça, c'était bien intéressant, du moins pendant une bonne partie de ma lecture. Il vint un point où l'intrigue commençait à s'étirer. le sort de Mevlut continuait à m'interpeler, il m'était sympathique, mais trop de détails c'est comme pas assez. Et, passé le milieu, la narration s'attarde plus longuement sur les cousins Aktas et sur les soeurs Éfendi. Sur le coup, je ne comprenais pas trop pourquoi puisque leur apport sur la vie du héros était limitée (du moins, c'est ce qu'il me semblait sur le coup). Aussi, à se concentrer presque exclusivement sur ces trois familles-là, ça me faisait penser à un soap américain, comme s'il n'y avait qu'euxdans toute la ville. Mais bon, c'est peut-être proche de la réalité. Toutes ces familles, issues des mêmes villages de régions éloignées comme l'Anatolie et qui se retrouvaient dans les mêmes quartiers de la capitale, sur la même rue. Heureusement, il y avait l'ami Ferhat, issu d'une minorité, qui apportait un point de vue différent.

Ce que j'ai beaucoup apprécié du roman et ce que beaucoup de lecteurs pourront apprécier également, ce sont les transformations que subira Istanbul. Toutes les villes sont différentes, partout dans le monde, mais je crois que toutes ont connu – ou connaissent – le choc du passage du temps et de la modernité. C'est assez universel. Un quartier est rasé, on y contruit des immeubles impressionnants… c'est la fin d'une époque, d'un monde.

« […] Mevlut percevait à peine le lent écoulement du temps, le dessèchement de certains arbres, la soudaine disparition de certaines maisons en bois, le surgissement d'immeubles de six ou sept étages sur les terrains vagues où les enfants venaient jouer au ballon et où les vendeurs et les chômeurs s'allongeaient à l'heure de la sieste, la taille croissante des panneaux d'affichage dans les rues, le changement des saisons, le jaunissement et la chute des feuilles. » (p. 441)

« […] les familles, les pauvres gens s'étaient éloignés de ces rues qui constituaient désormais le plus grand centre de distraction d'Istanbul, et où les prix de l'immobilier grimpaient ne flèche. » (p. 469)

Qui n'est jamais retourné dans le quartier où il a grandi pour le retrouver changé, méconnaissable ?

En terminant, j'ai bien aimé Cette chose étrange en moi. À part quelques longueurs, un seul autre élément m'a agacé. Il s'agit d'un roman polyphonique, on y suit non seulement le personnage principal mais d'autres personnages également et ils sont toujours identifiés au début de chacune des parties. Ça, c'est bien. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi la narration des parties centrées sur Mevlut Karatas est assurée à la troisième personne alors que toutes les autres (Samiha, Rayiha, Vediha, Korkut, Süleyman, Abdurrahmane, Ferhat, etc.) sont à la première personne ? Ça n'aurait pas dû être l'inverse, afin que l'on connecte plus facilement avec le héros de cette histoire ? Mais bon, pour tout le reste, je suis preneur.
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Cher Orhan,
J'ai dû garder un an ton livre sous les yeux, à portée de mains, comme un gosse qui garde la friandise pour la fin.
Je n'ai pas été déçu. A travers la vie de Mevlut, vendeur de Boza dans l'Istanbul qui t'a vu naître, tu as brossé 50 ans de la vie de ta cité , son évolution, sa croissance , ses contradictions. Tu en as profité pour nous parler de politique , toujours sur la pointe des pieds, sans prendre vraiment parti . Tu nous parles d'hommes qui confinent leurs femmes à la maison , ne jurent que par Allah, mais tombent du raki comme d'autres enfilent les perles. Tu nous parles des "gauchistes" , défenseurs des kurdes et de la liberté mais tu leur confères un rôle peu gratifiant dans ton pavé.
Finalement , tu fais de Mevlut ton héros. . Il semble être un peu comme toi. Il aime tout le monde modérément : Allah, le raki, la liberté des femmes ...Mais il est juste et ne veut léser personne .
Tu nous décris donc sa vie depuis son arrivée à Istanbul à 12 ans , et même un peu avant, jusqu'à ses 55 ans . Avec lui, la ville va se métamorphoser, les mentalités évoluer. Mais il y aura toujours cette hésitation entre occident et orient qui a toujours caractérisé Istanbul.
Ton roman m'est apparu comme une synthèse d'autres que j'ai pu lire . Cevdet Bey faisait lui aussi la part belle aux traditions turques et la difficulté à les faire perdurer aujourd'hui, Neige avait ce regard politique depuis Kars où tu nous amènes encore et le musée de l'innocence nous amenait déjà dans l'Istanbul des années 70 en pleine mutation .
Il y a aussi cette propension aux histoires d'amour qui pourraient être simples mais ne le sont jamais chez toi .

Il y a encore beaucoup de choses dans cette saga familiale. C'est un roman qu'il faut prendre le temps d'apprécier, tu ne vas que rarement à l'essentiel avouons le , mais dont on ressort avec un désir d'Istanbul immense, et une approche, originale certes, de l'histoire contemporaine de ce pays.

Bravo Orhan et merci. Continue à écrire de beaux romans (si tu peux les condenser un peu, c'est bien aussi !) , à soutenir les opprimés et à exhorter ton pays à reconnaitre le génocide arménien.
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Voici un roman que j'ai envie de qualifier d'exceptionnel. Ohran Pamuk a réussi à écrire, sous une forme très personnelle et géniale, une épopée poétique sur la vie des petites gens quittant leur campagne de l'est de la Turquie et sur l'évolution d'Istanbul. Il m'a fallu vaincre une certaine appréhension due au grand nombre de pages (j'ai aussi eu ce sentiment pour La montagne magique de Thomas Mann). Pourtant rien n'a été plus facile et agréable que de m'immerger dans le récit – j'aimerais même une suite... Qui mieux que Orhan Pamuk aura réussi à fixer sur le papier les évolutions d'un pays à la fascination séculaire et d'Istanbul, ville coupée en deux par la Corne d'Or, avec une partie en Europe et une autre en Asie ?

Ce livre est composé comme une symphonie avec introduction, récit d'une journée en 1982, puis en se projetant, une journée en 1994 (où Mevlut se fait voler sa montre Suisse offerte par son protecteur… Je viens tout juste de remarquer que 1994 est l'année où Erdogan devient maire d'Istanbul, début d'une ascension qui le mènera à la présidence…). Ensuite l'histoire de Mevlut, marchand de boza, se déroule sur la période 1968 à 2002. La conclusion aborde une journée de 2009 puis une autre de 2012. le récit est polyphonique, Orhan Pamuk alterne les points de vue et quand le narrateur parle, on a un petit dessin du vendeur de boza avec sa perche (boisson fermentée turque, faiblement alcoolisée).

C'est à la fois un roman d'apprentissage, un roman d'amour, une grande saga familiale avec un cadre historique précis, très documenté (et prudent... l'auteur a été qualifié de terroriste par le despote au pouvoir depuis plus de vingt ans, après l'obtention du prix Nobel de littérature en 2006. Il aurait un garde du corps en permanence...). Facile à suivre, c'est un récit de conteur comme j'aime. Côté personnages, on peut s'aider de l'arbre généalogique placé au tout début et éventuellement d'un index très complet avec pages des principales scènes où ils apparaissent. Enfin, le livre se termine par une chronologie parcourant la période de 1954 à 2012 avec les évènements historiques (coups d'état de 1960 ou 1980 par exemple et évènements internationaux majeurs tels que la guerre du golfe en 1991 ou l'attaque des tours jumelles à New-York…), ceux-ci mêlés avec les évènements familiaux liés au héros Mevlut. J'ai plutôt regretté que les mots turcs en italique ne soient pas expliqués dans des notes, cela oblige à rechercher par soi-même et coupe un peu la lecture (à la fois c'est un plus d'avoir les définitions, images, voire les recettes de toutes ces bonnes choses concernant une cuisine orientale très raffinée, souvent à l'honneur).

L'auteur donne la parole aux uns et aux autres pour relater les mêmes évènements familiaux à travers lesquels se dessinent l'histoire récente de la Turquie. le père et l'oncle de Mevlut ont quitté leur village de la province conservatrice de Konya pour s'installer à Istanbul. Ils ont vécu pauvrement en vendant de la boza et du yaourt dans la rue et en se construisant eux mêmes des maisons dans les collines non encore occupées. Installations précaires et anarchiques appelées gecekondu (signifie construits la nuit), une sorte de bidonville. Quartiers à forte population kurde et pauvre, avec des « gauchistes-communistes » souvent confrontés à des « nationalistes » organisés et influents au niveau politique, opposition entre les quartiers imaginaires (alors que tous les autres lieux sont réels) de Duttepe (famille de l'oncle Hasan) et Kültepe (famille de Melvut et son père). Mevlut va, lui aussi, vendre de la boza et du yaourt, entre autres. Je ne vais pas raconter toutes ces histoires, il faut lire ce livre où les péripéties s'enchaînent sans faiblir jusqu'à la dernière page.

J'ai pensé aux Mille et Une Nuits, aux grands romans de Tolstoï peignant si bien la Russie de son temps, aussi à aziyadé et Fantôme d'Orient de Pierre Loti. L'homme au visage d'ange de la couverture pourrait être Mevlut quand il se laisse pousser la moustache. Dans ces deux récits tout part du regard. Loti aperçoit aziyadé au balcon : « L'expression du regard était un mélange d'énergie et de naïveté ; on eut dit un regard d'enfant, tant il avait de fraîcheur et de jeunesse. » Chez Pamuk, Mevlut croise Samiha au mariage de son ami Korkut « Elle avait de grands yeux noirs, candides et profonds, d'où émanait une grande franchise. » Mevlut n'oubliera pas ses yeux, écrivant des lettres pendant trois ans à la belle entrevue ce jour fatidique.

Amoureux de la vie malgré la pauvreté, malgré les risques quotidien d'un marchand ambulant à une période où les chiens errants l'épouvante, Melvut n'est certainement pas ce garçon naïf, indécis et manipulable qu'il paraît être par moment. Il me semble au contraire très intelligent, lucide et ayant pris le parti d'être heureux sans faire de concession morale, en restant lui-même, quitte à vivre des choses difficiles. Son cousin paternel, Süleyman, est un des personnages pétri de tradition et de religion, développant ce que Kant appelait des passions tristes, un croyant et un pratiquant de façade, par calcul de vie facile et conforme à son entourage.

Ohran Pamuk a certainement mis beaucoup de lui-même dans son personnage principal qui, je dois le dire, m'a entraîné dans son sillage d'un bout à l'autre de ce magnifique roman. Il est celui qui, par son activité de marchand de rue, va au contact des gens (on l'appelle souvent dans les étages pour discuter, il découvre la loge de Son excellence où il fait un chemin spirituel personnel et sincère). A travers le vendeur de boza, l'auteur, ancien étudiant en architecture et en journalisme, observe les mutations d'Istanbul sur une quarantaine d'années, une ville passée de trois millions d'habitants (à l'arrivée de Mevlut) à treize millions (et plus de quatorze actuellement).
Déambulation à la recherche du passé, en cherchant les traces des générations anciennes dans les rues et des vieux métiers, émerveillement face aux vieilles pierres des cimetières. L'auteur cite Rousseau : « Je ne puis méditer qu'en marchant; sitôt que je m'arrête, je ne pense plus, et ma tête ne va qu'avec mes pieds. » Cette chose étrange en moi est un bien beau titre, exprimant amour et mélancolie, une intense soif de bonheur malgré la dure réalité de la vie, la peur du mensonge, la tristesse et la solitude. La réflexion sur le sens de la vie m'a plu, elle me correspond et il est curieux pour moi de dire que ce livre sur cette ville lointaine, sur cette famille exotique, est exactement le récit que j'attendais à ce moment, une littérature bienveillante et critique dans un monde en mouvement où les valeurs humanistes, malmenées et réprimées, cherchent à trouver un chemin.

Cette histoire poignante d'un homme déterminé à être heureux passe par des portraits de femmes inoubliables. Les trois soeurs, Rahiya (enlevée et épousée par Mevlut dans des conditions rocambolesques), Samiha et Vediha sont des femmes fortes dans une société patriarcale étouffante. Très bien décrites, avec des caractères affirmés, elles ont de l'énergie et du répondant, elles parviennent souvent à s'imposer. le monologue en forme d'anaphore de Vediha sur 3 pages, « Est-ce juste... », répété inlassablement et accusateur de l'ordre patriarcal, est époustouflant.
Ce livre est formidable sous tous les aspects et j'ai hâte de découvrir d'autres romans de cet auteur. Peut-être Cevdet Bey et ses fils pour vivre à la fin de l'empire et au début de la République ou bien à l'époque de la capitale ottomane dans Mon nom est rouge. Avez-vous lu cet auteur ?
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Lien ci-dessous pour la chronique avec photo de la couverture et lilas (introduit dans les jardins européens à la fin du XVIe siècle, depuis les jardins ottomans) ainsi qu'un titre de Cengiz özkan - Album Ah Istanbul, 2020 - parce que ce chant est beau et triste à la fois, parce que j'imagine Mevlut ou son père le chanter...
Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
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Long, très long, Cette chose étrange en moi, dernier roman d'Orhan Pamuk, le brillant écrivain natif d'Istanbul, l'intellectuel turc aux prises de position courageuses, titulaire de nombreuses distinctions, dont le Prix Nobel, qui salua en lui « l'écrivain de l'âme mélancolique de sa ville natale ».

Long, très long, le sous-titre de l'oeuvre, dont le mérite est d'en indiquer l'objet mieux que je n'aurais pu le faire : La vie, les aventures, les rêves du marchand de boza Mevlut Karataş et l'histoire de ses amis, et Tableau de la vie à Istanbul entre 1969 et 2012, vue par les yeux de nombreux personnages.

L'oeuvre se compose d'une narration classique entrecoupée d'interventions des personnages, qui racontent et commentent les événements à leur manière. Un parti littéraire original qui m'a surpris et finalement plu, même s'il m'a fait penser, dans les premières pages, aux fictions-réalités que l'on voit aujourd'hui sur des chaînes de télévision à petit budget.

Où se trouve-t-elle, l'âme mélancolique d'Istanbul, cette gigantesque métropole, dont la population passe entre le début et la fin du roman, de trois à treize millions d'habitants ? Au fil des années, les collines avoisinant le centre-ville se couvrent de bidonvilles, puis d'habitations individuelles non autorisées, sur des parcelles dont certains habitants parviennent, pots-de-vin aidant, à s'attribuer la propriété. Ils obtiendront en échange, quelques années plus tard, des appartements modernes dans des immeubles en béton, produits d'une urbanisation galopante et anarchique qui repoussera de plus en plus loin ceux qui auront été moins chanceux, ou moins malins.

La vie quotidienne n'est pas un long fleuve tranquille. La méfiance et l'intolérance imprègnent les nombreuses communautés ethniques et confessionnelles vivant côte à côte. Des confrontations violentes opposent les factions nationalistes, islamistes, libérales et extrémistes de gauche, toutes avides de prise du pouvoir. le paysage urbain des collines n'a rien à voir avec les merveilles patrimoniales des quartiers touristiques, ni avec les buildings ultramodernes des quartiers d'affaires.

En revanche, coutumes orientales et tentations occidentales s'efforcent de coexister, et c'est peut-être là, entre modernité et tradition, ou mieux, dans la modernité et la tradition réunies, qu'Ohran Pamuk situe l'âme d'Istanbul.

Pour paraphraser le titre du roman, quelle est donc cette chose étrange que porte en lui Mevlut, le personnage principal du roman, cet homme dont le beau visage resté enfantin est le reflet de sa gentillesse, de sa naïveté, de la pureté de son âme ?

Mevlut est vendeur ambulant dans les rues d'Istanbul. Portant sa perche sur l'épaule ou poussant une carriole, il a ainsi vendu du yaourt, du pilaf, des glaces, mais sa vraie vocation est de vendre de la boza, une boisson lactée fermentée appréciée autrefois. Il n'en a jamais tiré que des revenus insignifiants, mais il aime la liberté de déambuler à sa guise la nuit dans les rues d'Istanbul, avec l'impression, selon l'auteur, « de se promener dans sa propre tête ». Car s'il a du mal à comprendre la marche de la modernité, Mevlut s'interroge sans fin sur lui-même, sur ses intentions réelles et ses intentions rêvées. Tant pis, ou tant mieux. Dépourvu d'imagination et d'ambition, Mevlut dispose d'une aptitude inépuisable au bonheur. Là où la corruption et la magouille semblent être une issue, où l'incommunicabilité règne entre l'homme et la femme, Mevlut, pauvre, honnête, empathique, semble être seul à pouvoir rendre les femmes heureuses.

« Boo-zaa… Bonne boza !» Tel est l'appel du bozaci, la nuit à Istanbul... Tant que, dans les étages des immeubles modernes, il trouve encore un écho dans la mémoire stambouliote !...

Cette chose étrange en moi : une fresque impressionnante qu'apprécieront celles et ceux qui connaissent bien Istanbul ; des aventures humaines qui plairont à celles et ceux qui sauront faire preuve de la même sérénité placide que Mevlut.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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