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Citations sur Long séjour (6)

Tirant sur la poche de sa veste pour la défroisser et se préparer à les accueillir, il répétait avec une telle conviction qu'ils allaient venir, que je m'attendais à les voir monter le grand escalier de la Maison Eugénie. Les morts, alors, devenaient plus vivants que les vivants; et il me semblait, à mon tour, que ressuscitaient tous ceux que j'avais aimés, qu'ils emplissaient, peu à peu, le couloir du long séjour et venaient m'entourer avec le calme sombre d'une foule s'apprêtant à embarquer un après-midi d'hiver, certains s'appelant de loin en loin pour ne pas se perdre ou se promettre de se garder une place pour faire ensemble la traversée.
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Si je restais enfin quelques jours auprès de lui, je pourrais peut-être l'aider à mieux s'orienter dans le couloir du long séjour, à se nourrir, à retrouver le goût du pain. Je me levais, traversais le désert d'Ajaccio, à cinq heures du matin, allais m'asseoir dans le square, devant la Maison Eugénie encore fermée. Je regardais s'éteindre, l'un après l'autre, les lampadaires du front de mer puis l'arc des lumières du casino du Diamant; un cargo venant de Sardaigne apparaissait dans le silence gris et rose des flots; et, là-bas, de l'autre côté de la baie, dans le vert épais des montagnes, se mettaient à scintiller les fins de glaciers, les clochers, les pierres des belvédères, les croix et les torrents de cette île que je commençais peut-être à aimer vraiment, à côté de laquelle j'étais trop longtemps passé, (...)
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Peut-être n'étais-je pour lui, quand j'allais à la Maison Eugénie et m'approchais de son lit, que le sosie involontaire de ce fils dont il m'avait dit, un jour, en me regardant, qu'il devait lui rendre bientôt visite, ou simplement l'ombre d'un infirmier, du masseur qui, pendant quelques minutes, chaque matin, venait, sans qu'il s'en aperçût, lui prendre sa main qui, raidie sur le côté, tremblait tellement parfois qu'on aurait dit, lorsqu'elle heurtait le mur, le choc entre-eux de plusieurs osselets secoués dans un même sac de peau.
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Je retrouvais la tendresse que j'avais eue pour l'île, du temps de ma jeunesse, quand je m'abandonnais à l'illusion de revenir vers une terre natale, me donnais un leurre de racines grâce à la longueur des étés immobiles passés entre les murs de la Vaccareccia dans l'odeur des persiennes usées et brûlantes, des cartes tièdes des réussites d'après-midi, à la douceur rituelle des promenades du soir avec Juliette dans la brume des feux mal éteints et à la gaieté cérémonieuse du banquet de septembre autour du sanglier tué par Antoine dans la vallée de la Gravona et dont on conservait comme un talisman le lit de fougères ensanglantées où il s'était écroulé.
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« Je vous l'enlève … », me disait, avec un accent un peu ironique, l'infirmière qui, en lui prenant le bras, l'emmenait se baigner. Elle le descendait dans l'une des grandes baignoires vertes. Il était si léger, ses épaules étaient si fluettes et son torse, où se fondaient les côtes incertaines, si mince qu'on aurait dit que sa taille n'était pas encore vraiment formée. Il jouait, en riant doucement, avec les coques vides des étuis à savon qui dérivaient dans les remous et qu'il ramenait vers sa poitrine comme une ceinture de petits bateaux désarmés. J'avais l'impression, en l'attendant avec le pyjama que j'avais acheté au rayon cadet des Galeries ajacciennes et qui lui donnerait une allure de lutin rouge lorsque je l'en habillerais après le bain, qu'il était devenu mon enfant, le seul que j'avais eu dans ma vie et que j'aurais jamais.
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(Puis) il se laissait conduire dans le couloir du long séjour; les infirmières, que nous croisions, me disaient: "il ne demande jamais rien, vous savez... C'est le moins embêtant de tous... Le plus gentil... Parfois, il nous suit... Il veut nous accompagner jusqu'au deuxième étage...", l'une d'elle ajoutant, une fois, avec une sorte de compassion grivoise: "Un soir, il m'a pris la main, m'a demandé s'il pouvait venir dormir avec moi... Ca m'a fait de la peine de le laisser dans le couloir..."
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