Citations sur L'éveil (49)
C'était moi ce livre : j'étais juste en face ; c'est à moi qu'il lisait, et les lignes regardées, c'était moi, c'étaient les lignes de mon corps ; son souffle si près, sur les pages, c'était moi qui le ressentais, sur moi qu'il se posait. Et il l'aimait, ce livre. Il lisait. Les mots, je ne m'en souviens plus, et les phrases je ne les ai jamais vues ; sa voix seule, je me la rappelle, et comme une flamme, elle me brûle, pus vive encore dans le halo vibrant de ce lit, de cette chambre, de ce pays.
Personne n'a su. Ils ont cru que j'avais passé la nuit chez monsieur X à parler, à rire, à écouter. Personne n'a su que je l'avais suivi dans ces ruelles, sans parler, sans rire, sans écouter, sans voir même, aveuglément suivi, hypnotisée. Ils n'ont pas compris que j'étais rentrée avec cet éveil soudain en moi, sans que rien ne se soit produit pourtant, cet éveil provoqué par l'absence de son contact, à lui, lui... Je rêve de lui, je rêve de moi aussi. Je passe des journées entières à essayer de comprendre ce qu'il a déclenché, curieuse, je sais qu'il y a un abîme dans lequel je dois plonger, avec lui, que par lui seul je pourrais y plonger.
Il y a des vallées, des monts, des landes qui s'étalent sous le vent, que les fleuves caressés suivent en ondulant, il y a des bois entiers qui flambent en automne pour mourir l'hiver ; il y a les lacs, les mers, les océans, les plans d'eau sous lesquels des monstres marins s'endorment ; il y a tous ces paysages, ces espaces que les souffles parcourent et, au-dessus, dans le ciel, immobile, il y a ton visage-lune sous les nuages mouvants.
Mais son rire, ce n'était pas un rire de joie ni d'excitation : c'était un faux rire, d'emprunt, pour donner le change. C'est ce rire si particulier qui m'a retenu. Et seulement après avoir entendu ce rire, j'ai voulu voir le visage auquel le rattacher.
C'est toujours comme ça, tu vois, on n'y pense pas, on regarde les choses passivement, et soudain une image, sur un coup de tête, se déclare être la dernière.
J'aime la regarder bavarder, c'est une chose dont je suis incapable. C'est admirable ces lèvres qui bougent, murmurent, susurrent, au hasard, sans avoir peur des mots qui coulent.
je suis a l'orée de l'éveil
J'ai tout essoré de la tristesse. Je m'en suis lassée. Elle m'a trop asséchée. A elle, je me suis donnée, entière, et elle ne m'a rien rendu. Elle m'a épuisée.
" Je suis fatigué. Je t'aime. De loin, je t'aime. Je suis fatigué, je ne peux plus tenir ton corps et tes peines à bout de bras. Je suis fatigué et, je suis las, et je ne me reconnais plus (...) Je me suis trop donné, tendu à toi. Je ne me reconnais plus, je ne me vois plus. Je me suis oubliée, et je suis fatigué, fatigué. "
- Tu ne veux plus jouer ? j'ai demandé.
- A quoi ?
Je l'ai regardée encore. Je cherchais à comprendre comment elle avait pu s'éloigner autant.
- A la vie...
C'est un ton épuisé que je prends, très simple.
- Grand mot ! Vaste jeu ! (Elle a un rire cynique, puis elle boit.)
- Tu ne veux plus jouer, donc.
- Tu me barbes. Et puis je comprends pas les règles.