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Critique de CeCedille


le fleuve Niger a longtemps plongé dans la perplexité les géographes. Partant de l'Ouest africain dans les monts Loma, il fait mine de traverser le continent, à travers le désert par Tombouctou, vers l'est et l'Océan Indien. Mais il change d'idée et de cours et revient par surprise, après un boucle vers le sud, en direction de l'Océan atlantique et du golfe de Guinée.
A la fin du 18e siècle, un jeune écossais, Mungo Park (24 ans), est assez hardi et aventureux pour répondre à la sollicitation de l'African association, société de géographie londonienne qui vient d'envoyer à un funeste destin le major Daniel Houghton parti pour la même mission. Il s'agit de tirer cette affaire au clair en suivant le cours du fleuve, pour vérifier s'il s'agit d'un affluent du Congo, comme on le croyait à l'époque.
Cette aventure, depuis la Gambie jusqu'à Ségo(u) dans le royaume de Bambara (Mali actuel), va profondément changer ce médecin à l'esprit curieux d'un monde qu'il découvre au point d'en apprendre les langues. Il relève systématiquement la consonance des mots utilisés pour désigner les chiffres dans chaque dialecte. Il adopte cette démarche méthodique pour recenser les cultures, les industries, les coutumes. Il décrit la flore et la faune, s'interroge sur les systèmes de gouvernement, les relie au système fiscal, analyse les causes de l'esclavage. En somme, c'est un voyage d'anthropologue autant que d'explorateur.
Les périls traversés ne le détournent pas de sa mission, qu'il remplit scrupuleusement au mépris de tous les dangers, avec une tranquille confiance en la protection divine et une bonne dose de fatalisme, même dans les moments les plus critiques, comme celui où il vient d'être dépouillé par des bandits.
Seule la crainte de la perte de toutes ses découvertes, soigneusement consignées et serrées dans son chapeau, le convainquent de faire demi tour, d'abandonner la mission et de tenter de revenir au pays pour faire connaitre les résultats de son exploration.
Son retour est un calvaire. Dépouillé de tous ses biens il est réduit à accompagner une caravane d'esclaves. Mungo Park doit voyager avec les «African association», marchand d'esclaves eux-mêmes noirs. Son regard est plein de compassion pour les misérables avec lesquels il chemine, et qui seront les seuls à lui venir en aide lorsqu'il se trouvera démuni.
Le parcours de l'explorateur conquérant devient le cheminement d'un sage, dont la vie dépend de la charité publique, à la manière orientale de Gandhi ou Vinoba, dans une sorte de Pélerinage aux sources. Il lit la bible et la comparant au Coran. Lorsqu'il fait admirer au musulmans la grammaire arabe de Richardson aux élégants caractères arabes imprimés, il rêve des bénéfices de la diffusion de la culture chrétienne par le livre, mais aussi celle du partage de la culture locale et des bienfaits de sa connaissance .
La fin du récit est un un parcours de souffrance, au bord de l'épuisement, toujours en pleine lucidité.
Son récit fascine encore le lecteur d'aujourd'hui, qui sait le halo tragique qui entoure la suite : Revenu au pays sur un transport négrier, il publie son récit, fonde une famille, devient l'ami de l'écrivain Walter Scott.
Le démon de l'aventure le reprend. Il repart pour une expédition officielle, militaire et conquérante, vite décimée par la maladie. Il finit massacré ou noyé, on ne sait. Son fils, qui partira à sa recherche connaitra le même sort.

Il faut lire ce Voyage à l'intérieur de l'Afrique, avec la même ferveur que le jeune Joseph Conrad, qui pointait d'un doigt rêveur une tache blanche au coeur de la carte de l'Afrique, où il imaginera sa célèbre nouvelle Au coeur des ténébres.
Lien : https://diacritiques.blogspo..
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