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Critique de JuliettePetitePlume


Anatomie d'un soldat relate l'histoire du capitaine britannique Tom Barnes qui perd ses deux jambes en sautant sur un engin explosif improvisé lors d'une mission. La grande originalité du roman est qu'il est raconté à chaque chapitre par des objets : instruments médicaux, matériel militaire, vélo, baskets, sac…

Certes, le point de vue des objets et la construction éclatée du roman sont perturbants et il faut le temps au lecteur pour s'y faire. J'ai eu parfois du mal à m'y retrouver, à identifier précisément l'objet dont il était question ou la chronologie des évènements. D'ailleurs, tous les chapitres ne m'ont pas captivée. Mais contrairement à ce que l'on pourrait craindre, le récit est loin d'être neutre ni dénué de sentiments. En exposant les faits, les objets apportent une certaine distance qui rend l'histoire d'autant plus bouleversante, car ils nous décrivent la scène de l'extérieure comme si l'on y assistait. de plus, pour ne pas tomber dans la froide objectivité, l'auteur a eu la bonne idée d'introduire beaucoup de dialogues et de faire dépeindre les pensées du personnage par ces objets qui l'accompagnent dans son quotidien de soldat et sa reconstruction. On le suit ainsi dans l'intimité de son vécu et de sa souffrance.

On va donc vivre avec Tom Barnes son amputation, ses douleurs et la pose de ses prothèses qui lui permettront de remarcher au prix d'immenses efforts. Je voudrais ici lancer un avertissement : âmes sensibles s'abstenir. La description des blessures, des opérations chirurgicales et des prothèses est parfois très cru et, même sans images, particulièrement frappante. En lisant le roman, on ne peut qu'être impressionné par le travail incroyable des médecins et touché par ce qu'endure le soldat au cours du long chemin de reconstruction. Car au-delà de l'aspect militaire, le roman nous parle du handicap, des choses de la vie quotidienne qui deviennent des obstacles, du regard des gens qui ne peuvent s'empêcher de dévisager et de poser des questions, des proches que l'on cherche à rassurer. La première étape pour le personnage va être d'accepter sa nouvelle situation. On ressent avec lui sa rage d'être dans cet état, sa faiblesse, sa vulnérabilité, sa dépendance. On imagine sa frustration, encore plus grande pour un sportif, de ne plus pouvoir courir, sauter, s'entrainer, et, en somme, de ne plus être un homme comme les autres. Dans les jours qui suivent ses opérations, il doit gérer le sentiment que cette prouesse technique accomplie par les médecins pour le ramener à la vie est contre-nature, qu'il n'aurait jamais du survivre à l'explosion. Il va devoir se battre pour retrouver sa dignité et son identité, pour ne plus être ce corps meurtri mais redevenir un humain à part entière.

Anatomie d'un soldat est largement autobiographique. Harry Parker, fils de militaire, a été officier dans la British Army. Lors d'une mission en Afghanistan en 2009, il saute sur une mine et doit être amputé des deux jambes. Il s'est depuis reconverti vers des occupations artistiques (écriture et arts plastiques). Alors certes, il s'agit d' un roman sur la guerre écrit par un militaire. Mais on est loin d'une vision fantasmée de la guerre. Pas d'héroïsme, pas de glorification, juste l'histoire d'un soldat gravement blessé qui raconte son calvaire. Et le personnage rejette précisément les hommages à son courage : car quel mérite y-a-t-il à avoir sauté sur un engin explosif et en être ressorti à moitié mort ? Rien de glorieux là-dedans. L'auteur ne tombe pas non plus dans l'apitoiement ou dans la dénonciation.

Le roman est construit en puzzle, les chapitres nous renvoyant tour à tour en Afghanistan aux côtés des soldats ou de la population, à l'hôpital où est soigné le capitaine, chez lui lors de son retour à la maison ou encore avec le kiné en charge de la rééducation. Ce procédé entretient le suspens et renforce l'aspect dramatique, puisque que ce n'est qu'à la fin que l'on apprend les circonstances exactes de la blessure et que l'on assiste à la scène.

On se projette réellement dans la réalité de ce que vivent les soldats en Afghanistan. On suit le quotidien des patrouilles et les moments à la base. On sent la fatigue des militaires et leur ras-le-bol de la chaleur et du double-jeu joué par certains habitants. Les objets nous décrivent l'adrénaline, la peur, la recherche des bombes et des mines, la vigilance constante et la méfiance envers les Afghans parmi lesquels se cachent des combattants. On a également le point de vue de la population et des talibans. C'est d'ailleurs sans doute avec cela que j'ai eu le plus de mal : être placé dans la peau des poseurs de bombe. Mais l'auteur ne cherche pas à porter un message idéologique, il nous livre les choses comme elles sont, souvent complexes, et sans conformisme.
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