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Critique de Atarah




J'ai cru m'apercevoir qu'à peu près tous ses commentateurs dans l'histoire de la critique, ont été circonvenus par Pascal, et se sont, me semble-t-il, toujours très mal prononcés sur Les Provinciales. Parce que l'on y cherchait une pensée générale sur l'Homme, on lisait Les Provinciales comme on lisait Les Pensées, lorsqu'il fallait y chercher l'oeuvre polémique, qu'elle est effectivement, pamprée de l'étoffe même de la provocation et du piège.
Le piège ne fonctionne plus pour les hommes d'aujourd'hui, pourriez-vous m'opposer, l'appât n'a plus le goût de nôtre époque, pour qui, grâce suffisante et pouvoir prochain ne pourraient moins chaloir...
Et bien, justement, le piège qui a été dressé pour les jésuites, nous le retrouvons, si j'ose dire, aux dimensions de l'Homme dans Les pensées-dont le procédé est rigoureusement identique.
Pascal alpague les esprits forts: "Vous courrez à la folie, vous courrez à la mort, soyez raisonnables, revenez à vous !" La conduite de l'esprit fort véritable serait de ne pas moufter. Un Cyrano de Bergerac eût très bien compris à quoi s'en tenir, s'épandant en une sorte de rire nietzschéen avant de s'en tourner les talons. Contre ceux là, Pascal ne peut rien. Cependant, dès lors que l'esprit fort a accepté de répondre à la provocation, le voilà perdu: soit il affirme la grandeur de l'Homme et Pascal le cingle (renversement du pour au contre) "Tout ce que vous prouvez c'est la petitesse de l'homme, car en montant sur vos ergos vous ne prouvez que vos propres ridicules. En affirmant la grandeur de l'homme, vous ne prouvez que ses misères".
Ou bien-ou bien, autre type d'interlocuteur, Pascal s'adresse à un Montaigne lui ayant tenu à peu près ce langage: " L'homme est ridicule, l'homme est petit" Pascal de lui répondre: "La pensée de l'homme est peut-être basse, mais c'est là la grande marque de sa noblesse !". À nouveau, renversement du pour au contre: ce que Montaigne affirme, c'est la grandeur de l'homme quand il croit affirmer sa bassesse. Et ainsi de suite, le cercle de grandeur et de misère est une quadrature infinie (et participe aussi du traquenard). Quoi que l'esprit fort puisse alléguer, il plaidera contre lui même et n'aura de cesse de prouver, "avec agreste" la thèse de Pascal.

Que ce soit dans les sciences, dans Les Provinciales comme dans Les Pensées, toujours s'est-il échiné à affirmer sa maîtrise, calculant au comput comment être certain de l'emporter. Comment peut-on à la fois être si humble devant Dieu et prétendre avoir toujours raison sur les hommes ? Volonté de sauver ses semblables, style biblique de Pascal ne pouvant faire valoir qu'avec autorité la sagesse de Dieu et puis, au fond, Pascal a mis son terrible esprit de maîtrise-que l'on pourrait appeler son esprit de principauté-au service d'une cause qu'i l dépasse.
Nietzsche, Rousseau, eux aussi étaient déterminés à avoir raison contre tous, et c'est bien l'entreprise philosophique la plus intéressante qui soit.
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