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Critique de Stoffia


Ce livre de Paxton est souvent décrit comme LA bible sur le sujet, je comprends maintenant pourquoi.

Contrairement à Hannah Arendt ou Umberto Eco, Paxton refuse de voir le fascisme comme une idéologie. Il le voit plutôt comme une pratique. (D'où le titre de la traduction française : le Fascisme en action.)

Le fascisme est donc, d'abord, la créature d'une démocratie en crise, dont les institutions et les contre-pouvoirs sont pointés comme la source des problèmes. (Seules des démocraties peuvent donc devenir fascistes. L'URSS ne l'était pas.)

Il est alors naturel que seul un "leader incarnant la souveraineté populaire", assez fort pour dénoncer les élites causant la stagnation nationale, se présente comme la solution. Et c'est là la principale différence entre fascisme et conservatisme. le conservateur veut asseoir son pouvoir sur les traditions ("la famille, l'Église, le statut social, la propriété"). le fasciste veut que son pouvoir remplace et devienne la tradition. (En ce sens, Pétain, Salazar et même Franco dès les années 40, ne sont pas des fascistes, mais bien des conservateurs autoritaires.)

Mais cet anti-establishment a toujours été une performance. Une révolution perpétuelle dans le discours, mais pas en acte. Paxton présente même le fascisme comme relevant plus du domaine de l'esthétique que du politique. Malgré les apparences, le fasciste ne prend jamais le pouvoir démocratiquement, mais bien en pratiquant un blocage de la démocratie.

Le fascisme est d'abord un discours contre. Contre le capitalisme, contre la tradition, contre la démocratie, contre le communisme, le libéralisme, les institutions. le fascisme n'est pas "pour" quelque chose, il est contre ce qui va mal, lorsque tout va mal. C'est un bulldozer. C'est l'une des principales différences entre le fascisme avant et après la prise de pouvoir.

Avant la prise de pouvoir, le fascisme est un bulldozer.

Après, il doit gouverner. Les gouvernements fascistes sont tous, dès le départ, des coalitions auxquels participent d'abord les conservateurs, puis les libéraux. Ces groupes craignent plus les grèves et les mouvements ouvriers qui menacent leurs intérêts, qu'ils ne craignent l'érosion des droits et libertés à laquelle ils participent.

Mais le fascisme au pouvoir a un problème : son manque de substance. Les fascistes n'ont jamais aboli les constitutions qui les précédaient. Tout est resté identique au niveau du fonctionnement intérieur de l'État. Ils se sont contentés de doubler les organes de L'État de ceux du Parti, pour les moments où les contre-pouvoirs menaçaient encore leur suprématie. Les tribunaux bloquent une demande? Passons par un tribunal militaire. Un maître refuse une injonction? Passons par le préfet du Parti.

Mais au delà, sans même changer la loi, le principe fondamental du Droit sous le fascisme devient, sans même que personne ne me décrète, "La Volonté du chef." Il n'y a donc même pas besoin de changer ou d'abolir l'État de droit.

Cela leur permet de faire fonctionner le pouvoir. Mais la légitimité du pouvoir fasciste repose sur une soi-disant popularité et une image selon laquelle il "mène la nation à son destin." le maintien du statu quo ne permet pas cela. Et c'est la raison pour laquelle les fascistes "doivent" aller en guerre. Ils ont besoin de conquêtes pour être aimés et se financer.

Ultimement, dit Paxton : un leader fasciste que ne se convertit pas en conservateur autoritaire comme Franco est voué à l'échec. Il ne peut que perdre la guerre, ou la gagner jusqu'au point de manquer de choses à conquérir. Dans les deux cas, l'effondrement est garanti.

Le livre a été publié en 2004. le chapitre final sur l'actualité du fascisme est donc très teinté du zeitgeist post-11 Septembre 2001. Il pose quand même un diagnostic sur plusieurs pays. Un fascisme américain, part exemple, pourrait une forme religieuse, anti-noir, et anti-islam. Alors qu'un fascisme français se servirait un plutôt de la laïcité pour arriver aux mêmes fins.

À noter aussi que Paxton a ouvertement publié que Le Parti Républicain, depuis l'insurrection du 6 janvier 2021 à la Maison Blanche, était devenu un Parti fasciste, de par ses actions pour conquérir le pouvoir en passant par le blocage démocratique. (Il y a longtemps que le GOP est idéologiquement aligné sur le fascisme. Mais le fascisme étant pour Paxton une pratique et non une idéologie, c'est là qu'il trace la ligne dans le sable.)
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