Petit déjeuner compris

J’ai fini par manger mes macaronis collants et tièdes. Le chien grignotait un gros biscuit. Je n’avais rien trouvé à la télévision et à force de jouer avec la télécommande, j’ai arrêté mon choix sur Météomédia.

Comme chaque fois que je rentrais chez moi, j’ai été accueillie dans la joie. Quand on a un chien, on n’est jamais seule. En plus, il est toujours heureux de nous revoir.

Je suis maquilleuse pour le cinéma et la télévision. Mon plaisir, c’est tout simplement de donner confiance à ceux qui passent entre mes mains. Quand la personne se regarde dans le miroir, se sourit, relève la tête et que je vois ses yeux s’illuminer, alors mon travail est réussi.

Certains diront que c’est le summum du superficiel, mais selon moi c’est un art, et s’il est bien exécuté, il peut redonner l’estime à quelqu’un qui se sent mal dans sa peau, comme cette ancienne comédienne reconvertie à l’animation, qui voit les années s’incruster. L’écran est cruel, il vous rappelle constamment que votre temps passe trop vite.

Je ne pensais plus qu’à la chaleur de mon appartement, mon divan, mon pyjama et mon chien, Gauguin.

En ce début décembre, le froid cinglant battait des records et il faisait noir dès la fin de l’après-midi. Le vent s’engouffrait partout où il le pouvait: sous les vêtements, les manches, les bas de pantalon, ou dans cette ouverture de quelques millimètres entre le col et l’écharpe. L’hiver serait long et glacial cette année-là, et je déteste le froid.

Quand je suis sortie du studio, le gardien m’a avertie:

— Attention, mademoiselle Vaillancourt, il fait moins vingt avec le facteur de refroidissement…

Je fermai mon manteau, fis un deuxième tour avec mon foulard, mais il n’y a pas grand-chose à faire pour se protéger quand le mercure et le nordet décident de s’associer pour tout geler sur leur passage.

Le maquillage sert à créer la symétrie du visage et à lui redonner l’éclat de la jeunesse.

Sylvie Payette

C’est pourquoi, même ici-bas, il faut dire que la beauté consiste moins dans la symétrie que dans l’éclat qui brille en cette symétrie et c’est cet éclat qui est aimable.

Platon