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Critique de MarcelP


Que nous raconte ce petit roman sorti des limbes (dont le tapuscrit a été retrouvé dans une vieille valise, trente ans après) ? Que nous apprend-il sur l'homme et l'écrivain Perec ?

Gaspard Winckler est un faussaire de génie (puisque personne ne sait qu'il est faussaire). Il est depuis 12 années l'esclave consentant d'un certain Anatole Madera pour qui il fabrique à la chaîne des faux (Cézanne, Chardin, Bellini, Corot...)

La dernière commande en date, recréer un Antonello da Messina, sera celle de trop : face à son impuissance à donner vie à un nouveau Condottiere (l'une des oeuvres majeures du peintre), Gaspard préfère rompre le fil de sa vie : il tue Madera et s'enfuit à la recherche d'un nouveau destin.

Deux parties dans ce court roman :

La première, discours logorrhéique de Winkler, mêlant le "tu" du courant de conscience au "il" de Perec marionnettiste, nous fait ressentir l'affolement du héros une fois son crime perpétré et son obstination à creuser un tunnel pour s'évader de l'atelier où il est enfermé.

La seconde est l'interrogatoire de Winckler par un mystérieux Streten, entrecoupé des réflexions du faussaire. Un retour vers les origines.

Winckler pour exister (ou tenter de) sera donc passé par trois étapes initiatiques :

le meurtre du "père" (aux allures de rite sacrificiel dans le roman) ;
l'abandon des modèles (pour devenir peintre -ou écrivain-, il faut cesser de "se parer des plumes du paon" et creuser sa route ou son tunnel en trouvant son style) ; la possibilité de signer son oeuvre (Antonellus Messaneus Martinus Wincklerus me pinxit ou Georgius Perecus me scribsit)
et la recherche de son identité (le tunnel que creuse Winckler et le questionnement de l'habile maïeuticien Streten comme métaphores de la psychanalyse).

On trouve dans cet opuscule tout ce qui fait la richesse de l'oeuvre perecquienne : le goût du faux (faux-semblant, faux-fuyant, vrai-faux, fausses pistes...), les jeux de mot/jeux de piste (on retrouvera Winckler dans "W ou le souvenir d'enfance" et dans le génialissime "La vie mode d'emploi" ; le goût, déjà, des anagrammes : Anatole/Antonello ; la cicatrice sur la lèvre supérieure commune au Condottière et à Perec...), la culpabilité du survivant Winckler (Perec est un enfant de la Shoah), etc.

Ce brouillon (très abouti) de l'oeuvre à venir m'a ému et a ravivé en moi l'envie de re(re,re)lire ce cher Georges.

Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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