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Critique de Bernardbre


Comme tous les «grands» livres (quelle qu'en soit l'épaisseur...), «Un homme qui dort», dans ses premières pages, résiste à son lecteur. Ainsi doit-on s'accrocher avant d'être embarqué et de se laisser porter par le talent de l'auteur. Ici, le narrateur, proprement désincarné, se met lui-même à distance en s'exprimant à la deuxième personne. Son expérience, forme d'apprentissage voulue, est celle de l'indifférence à laquelle il cherche à se vouer comme à un art – en quoi ce livre ne relate pas à proprement parler la chronique d'une dépression ; car ce «héros» agit au lieu de subir, sa volonté est délibérément arrêtée (devenir imperméable à tout sentiment, par exemple) et il ne souffre pas : «Tu dois oublier d'espérer, d'entreprendre, de persévérer [...] tout ce que tu vois n'a pas d'importance, tout ce que tu fais est vain, tout ce que tu cherches est faux.» Y arriverait-il ? On peut le croire ("Tu te déprends de tout"...) jusqu'aux dernières pages dans lesquelles va être dressé le sévère constat de son échec : «L'indifférence est inutile. Tu peux vouloir ou ne pas vouloir, qu'importe! [...] Mais rien ne s'est passé: nul miracle, nulle explosion.» Il y a, dans ce livre (de 1967) qui happe son lecteur, le ferment de toute l'oeuvre à venir de Perec : la description clinique jusqu'aux détails apparemment les plus insignifiants («Tentative d'épuisement d'un lieu parisien», 1975), les énumérations et anaphores («Je me souviens», 1978, etc.), le désir d'exhaustivité («La Vie mode d'emploi », 1978), les jeux avec les mots («Les mots croisés», 1979), etc. Cette magie de faire d'une forme et d'un sujet a priori ingrats un livre qu'on n'arrive pas à lâcher garde, pour moi, quelque chose de mystérieux ; je ne saurais peut-être jamais d'où me vient cette fascination-aimantation pour les textes de Perec; et c'est peut-être tant mieux.
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