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Critiques filtrées sur 1 étoiles  
Le superlatif est mort. Et tout dans ce roman fini par hanter. Les camps. Rosa. Lamond. Auschwitz. Les fours. Les Sonderkommandos, l'odeur des crémations, l'odeur de la mort. La lutte, les luttes. On lit, relit, pour être certain de saisir, d'attraper un mot brulant, qui brûle le cœur, qui fait cesser la lecture, qui fait penser aux hommes, femmes et enfants, tués, ailleurs, partout, là plus qu'ici. Envie de vomir. Envie de sauver Rosa et elles, lui et lui, et encore lui et eux, et les autres aussi...
Vingt mille lieux, vingt mille pages, au bas mots. Monticules de sang d'encre, d'odeurs, de regards, de voix. Des livres comme autant de vies parti en fumée. Pour retrouver un instant encore, le goût sur les lèvres du premier amour. Celui qui montre lucide le monde. Celui qui dit aussi d'autres rêves. Sous acide. Entre les barbelés d’un camp. Exterminer les mots. Et ne jamais y arriver. Dites leurs ce qui s’est passé ici... Dites leur.... Crie Rosa. Encore et encore...
Un lecteur est un toxicomane de voix muettes, qui hurlent dans le silence des phrases; Les existences. Et parfois une vie reste en travers. Là dans la cervelle. Trop de mots calcinés. Trop violent. On lit pour être au monde.
Un jour vous qui êtes là, tout comme moi, vous avez soupiré, vous vous êtes exalté, avait senti le cœur tressaillir devant un paragraphe qui vous accouchait. Là devant la ligne qui s'arrête à un point. Vous relevez la tête. Le sang pulse, vous êtes vivant, vous vous sentez appartenir à une histoire commune. Vous avez la colère, la tristesse à fleur de peau. Et voilà que vous replongez, à la ligne. Encore une. Qui dit le silence, le bruit, la fureur et le rire parfois…
L'histoire de ce roman en particulier ? Mmmm. Je me gratte le front. Oui. Connu. C'est tout un siècle barbare, comme ils le sont tous, probablement peut-être celui-là plus qu'un autre, qui est pris à bras le corps. Le sujet ? Ambitieux. La vie, la mort, l'amour. Un résumé ? Presque impossible. Ou alors en oubliant le plus important ; le style.
Ce style qui rend vivant chaque paragraphe. Flot. Qui raconte le génocide des différences. Juifs, noirs. Comme un mariage des plus opprimés. Le style rend vivant le passé. Il fait revivre le tragique. Il appui ou ça fait mal. Tic tac, tic tac... La bombe d’une narration maitrisée va bientôt exploser. Tout est là sous le manteau d'une construction qui prend à la gorge. Qui fait son trou d'obus. Et il y a ces répétitions qui semblent être des battements de cœur, boum boum qui font vibrer la membrane des mots. Cette ponctuation, ces phrases hachées par la virgule, le virage d'une pensée dans une pensée. Poupée gigogne de la réflexion. Chicane. Une image qui détaille un fait. Arrêt sur image. Ligne droite. Accélération. Coup de frein. Demi-tour. Une phrase est répétée. Elle est le souffle qui va et vient. Ressac. Et soudain le drame brule la cornée. La larme coule, le cœur se serre. Ça fait mal. Vraiment mal. On se souvient de ces vies qu'on n'a jamais connues...
Puis il y a la traduction fabuleuse de Johan-Frederik Hel Guedj. Un travail d'orfèvre. Rien qu'à la prise de position par rapport au titre, on comprend. Au lieu de Street Sweeper, il préfère un bout écorché d'une des premières phrases ; La mémoire est une chienne indocile.
Est-ce un choix du traducteur ou de l'éditeur? On s'en fout.
Quant à Elliot Perlman ? Qui m'a raconté une sortie de cauchemar de cette manière, un avant réveil où le passé et le présent s'épouse, où le meurtre atroce du jeune Emmet Hill côtoie la mort de quatre jeunes filles dans une église en 1963 à Birmingham, Alabama? Combat des droits civiques. Le cœur en écharpe. le cœur qui bat. Qui fait mal. Encore. Qui cogne dans la cage thoracique. Encore. Qui m'a raconté l'angoisse de perdre un soldat Shogun ? figurine. Détail infime d'incompréhension. Basculement d'amitié. Qui pour parler ainsi d'une rencontre amoureuse défectueuse ? La famille fragmenté dans le drame. Qui pour parler ainsi de la paternité en miette ? L'enfance et les pensées diffuses ? Qui pour s'arrêter ainsi sur le détail, personnel, universel, ce morceau infime d'intimités retrouvés en maintes vies ? Auschwitz, les survivants. Et ceux qui ne survivent pas. Qui sont là vivant dans les fours où leurs corps se consument. Impossible d'en parler. Faut lire pour y être. Ce n’est pas possible de dire. Faut le lire pour l'entendre. L'intérieur. Les hommes, femmes, les enfants, frères et sœurs, nus rentrant dans les chambres à gaz. Faut le lire pour savoir.
- Dite leur ce qui s’est passé ici crie Rosa... On a le cœur accroché à du barbelé. Le cancer en bout de course. Ligne de mire. La mémoire. Survivre et dire…Qui pour me parler de mon siècle mort sous mes pieds ? Surtout parler le moins possible de ces vies. Vous laissez découvrir. Là le détail, martelé, sculpté. Qui pour ne parler qu'à moi ? Juste à moi. Ca vous est déjà arrivé de tomber sur un livre qui parle de vous, alors que ni le sujet, ni les décors, ni le milieu où vivent les protagonistes sont de près ou de loin proche de votre quotidien ? Oui, probablement…Qui pour écrire comme ça ?
Peut-être quelqu'un d'autre, il y a longtemps. Je ne sais plus, ou alors j'ai oublié…
Oui la première grande histoire d'amour avec le livre, vous marque au fer rouge. La dernière aussi. La sensation reste, là quelque part entre le myocarde et le cervelet. On repart. A l'assaut. D'autres romans, des lignes, des lignes. Jusqu'à la lie. Cocaïnomane d'encres séchés. On snife l'âme du monde… Et souvent. Mmmm. Rien d'autres que l'ennui. Overdose. Parfois. Oui. Oh oui. On retombe amoureux. Shoot. On aime. On déteste. On s'énerve. On se sépare. On se retrouve. On se fait infidèle. On oublie. On aime à nouveau. Lire pour vivre. Vivre pour dire.
Et rarement le plaisir de la première fois. Parce que mille lieux, mille voix, mille confidences sont passés. Pourtant, la passion est. Vivace. Comme une ombre qui reste en soi.
Puis on oublie le goût, lentement, des premiers émois, on l'a dans un coin de la tête, bien sûr, quelque part. Cet espoir. Qu'il revienne. Ce goût. Immaculé. On le guette sans se l'avouer. Lire pour la première fois, à nouveau. Avoir dix ans, entendre l'appel de la forêt, avoir quinze ans et contempler Moby Dick avec les yeux du capitaine Achab. Puis oui, lentement, le délitement. On oublie que la phrase puisse battre ainsi, comme une veine en plein effort. Pulsation. Boum. Boum. Boum.
Et un jour…
J'ai quinze ans à nouveau. Je me dis que je n'ai jamais rien lu de tel, ou alors il y a longtemps, je ne sais plus, ou alors j'ai oublié.
Et le souvenir revient. Oui. Ce goût sur la bouche. Le cœur qui fait mal. On écoute. On entend. Cette émotion diffuse un peu partout dans le corps. Ce mal au ventre. Cette sensation d'entendre pour la première fois. D'être vivant. Là juste dans le présent de la phrase. Juste sentir le battement du mot. Juste la ligne qui pulse contre la jugulaire. Lame aiguisé d'acier grammaticale, de syntaxes trempé à même le sang. Les tripes crispées sur la phrase. La phrase animale, viscérale, qui grouille, grimpe, court sous la peau. Qui laisse sa trace.
Hier encore j'avais quinze ans. Me souviendrais-je sans le moindre effort du goût sur les lèvres du premier amour ? Retrouverais-je la saveur de la première mangue verte ? du sel de mer sur la langue ? Des premières larmes devant les mots qu'un inconnu, qu'une inconnue aura récoltés pour les déposer sous mes yeux ? Retrouverais-je l'inconfort devant tant d'aveux, la joie devant tant de confiances, cette sensation d’entendre le murmure de nos mondes me parler du bout des lèvres ?
Oui. Je me souviens. Oui, le mot cogne, ricoche d'un muscle à l'autre. Et le monde à nouveau est nouveau. Aujourd'hui, j'ai quinze ans à peine, je n'ai rien lu, je ne connais rien, je n'ai attaqué aucun Olympe, fait l'amour à aucun dieu. Je suis puceau de mots. Je ne connais nulle étreinte. Rien. Tout s'offre à moi. Et chaque chapitre est un round. Echange d'émotions. Au plus juste. Sous la taille. Dans le ventre. Au menton. Uppercut. Gauche. Droit.
Le cœur vacille. Souffle coupé. Ça fait mal.
Le superlatif est mort… Et je suis à nouveau tombé amoureux pour la première fois…
La mémoire est une chienne indocile qui vous attrape au collet et vous mord jusqu'au sang… Pour que jamais vous ne puissiez oublier son passage… Cicatrice. Là. Au creux du poignet. Là au creux du cœur. Je suis vivant. La mémoire m'est revenue.... J'ai quinze ans…
Dite à tout le monde ce qui s’est passé ici !

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