Citations sur Le temps des féminismes (69)
AVANT - PROPOS de Michelle Perrot
Refuse-t-on d'accéder à la demande d'un étudiant, surtout quand on a partagé avec lui le Jussieu lumineux et fraternel des années 1980 ? Voilà comment, au printemps 2022, j'ai accepté la proposition d'Eduardo Castillo d'une série d'entretiens autour de l'histoire des femmes, dont il avait vécu les premiers pas, suivi les premiers enseignements, et du féminisme...
Les seuils de sensibilité et de tolérance ont changé. Pourquoi ce qui a été accepté pendant des décennies voire des siècles ou des millénaires devient inacceptable?
C'est une question historique majeur difficile à saisir par ce qu'elle dit des changements de représentations, de sensibilité, de conscience démocratique.
Être tolérant, ce n'est pas tout admettre, tout mettre sur un même pied c'est commencer par écouter, tenter de comprendre avant de récuser un argument.
Les femmes ont raison de se penser libres et autonomes parce que ce sont des valeurs dynamiques et que se penser en victimes n'es pas stimulant.
Lorsqu'en 1967 la contraception a été légalisée, des hommes se sont demandé ce qui allait se passer avec la sexualité féminine. Le député à l'origine de la loi, Lucien Neuwirth s'est vu accusé de transformer la France en bordel...
Essayons de reconnaître l’autre, de le reconnaître dans toutes ses dimensions, avec ses différences. Et la différence est toujours douloureuse car, d’une certaine manière, elle nous remet en question. Or on a spontanément tendance à vouloir assimiler l’autre, à souhaiter qu’il soit comme nous. Cette voie qui parait douce, peut être violente et totalitaire. Accepter quelqu’un avec une autre histoire, avec son histoire, est compliqué.
« Refuser les mots « décolonial », « woke », « cancel culture », « intersectionnalité », dénoncer d’emblée leur caractère pervers, c’est refuser le débat, refuser qu’il ait lieu, refuser les mots pour disqualifier la discussion elle-même. Ce n’est ni une attitude historique, ni une attitude scientifique. Je ne suis pas totalement à l’aise avec ce vocabulaire qui n’est pas celui de ma génération mais j’ai envie d’en savoir plus sur ces concepts. Il faut les prendre au sérieux, les étudier historiquement, voir comment un mot est né, pourquoi, et quels sont les emplois successifs qui en sont faits. » P167-168
« Souvent, ces constructions religieuses, philosophiques, idéologiques, politiques, s’appuyaient justement sur des réflexions relatives à la différence des sexes et à leurs rôles respectifs. Pour parvenir à ébranler ces constructions, il a fallu des femmes autonomes, libres, qui pensent. Le féminisme, ce ne sont pas seulement des attitudes concrètes au quotidien. Comme on peut le voir depuis un demi-siècle ou un peu plus, le féminisme ne se veut pas seulement un mouvement de protestation, c’est une pensée. Le féminisme veut penser autrement pour agir autrement : au niveau politique et légal. Et aussi dans l’organisation quotidienne de la vie, dans la contestation des rôles, et des volontés masculines... » P72
« La domination masculine a été entérinée par les religions ( il n’existe pas de religion où le principe masculin ne soit dominant), et par les systèmes philosophiques (la pensée grecque notamment, Platon, et surtout Aristote). Les religions ont été des formes de domination des femmes, solides, organisées, argumentées, particulièrement subtiles parce qu’elles s’appuient sur le consentement de femmes valorisées dans leur féminité même. Être « enfants de Marie » était une gloire. C’est pourquoi se libérer des religions fait partie de la lutte féministe. La laïcité est une revendication du féminisme, du moins en France. Même si certaines sont venues au féminisme par la religion, et entendent conserver leurs croyances religieuses. » P71
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Pendant très longtemps, battre un enfant était presque normal. Une taloche..