Le dialogue était instauré, la partie d'échec pouvait commencer. Elle était la Dame, il était le Roi. Le sol en damier sous leurs pieds comme autant de possibilités d'avenir.
Il avait découvert que , contrairement à ce que l'on pense, il n'y avait rien de plus trompeur que les aiguilles d'une horloge. Car le temps est une matière on ne peut plus malléable qui évolue au gré des humeurs : il passe lentement quand on s'ennuie, il s'accélère quand on vit un bon moment. L'horloge ne devient alors qu'un cadre, un simple repère pour que chacun s'y retrouve, mais surtout pas une indication de temps. Pour évaluer le temps, il aurait fallu inventer une horloge à émotions, qui varie selon qu'on est dans la contemplation ou l'empressement, et dont la cadence fluctuerait si l'on ressent de la colère ou de la joie.
Il était incroyable de songer qu'une minute de discussion suffi à balayer près de vingt années d'amitié. Une goutte d'eau empoisonnée avait contaminé l'océan tout entier.
Une femme qui vous quitte, ça ne peut pas rien faire du tout, sinon ça serait trop facile.
On ne choisit pas dans quelle famille on vient au monde, mais Manon était tombée du bon côté, dans un milieu où l'on ne manquait de rien.
Cependant, sans qu'elle réussisse réellement à déterminer pourquoi, elle ne s'était jamais retrouvée dans cette bourgeoisie qui l'avait vue naître. Elle s'était toujours réclamée d'autre part, sans vraiment savoir d'où.
Émile se souvenait encore de la première phrase qu'elle avait prononcée lors de leur rencontre à propos de sa famille. Elle avait dit, avec ce cynisme qui la caractérisait tant :
- Je me sens plus proche de bouseux comme toi que de culs serrés comme eux.
Ils ne se connaissaient que peu à l'époque où elle lui avait asséné cette vérité tranchante, et il était impressionnant avec le recul de voir à quel point ses premiers mots reflétaient la personne qu'elle était. Quelqu'un qui ne se sentait jamais à sa place, quelqu'un qui jugeait tout le monde et donc personne, quelqu'un qui abusait de la provocation pour cacher sa pudeur, et une solitude encombrante.
Le couple était avant tout une histoire de toucher, d'ouïe, d'odorat. Une histoire de chair, quelque chose de concret, une matière palpable, rien qui puisse passer à travers l'écran d'un ordinateur.
Ils continueraient quoiqu'il arrive à projeter leurs éclats de rire vers les étoiles.
Mille vérités engendrent toujours moins de dégâts qu'un seul mensonge.
Quand on a eu une enfance heureuse, le futur devient un ennemi qu'il faut affronter chaque jour.
La meilleure solution pour annuler la sensation de vertige, c'est de sauter dans le vide.