Zombies Néchronologies, tome 3 : La Peste

J'aime, que dis-je..., j'adore les histoires de zombies.
Je ne me l'explique pas, c'est comme ça.
Et j'en ai lu des récits sur les morts-vivants, beaucoup.
Alors, je suis exigeante. Et au vu de tout ce qui sort en la matière, privilégier la qualité m'évite d'avoir des comptes à rendre à ma banquière...

Avec Olivier Peru au scénario, je ne prends aucun risque, je le sais.
Et ce 3ème volume de Zombies néchronologies ne me fait pas dédire, il est excellent. Après la France et la Suède, la Peste sévit ici au Japon, où des survivants ont réussi à fuir sur différentes îles, les protégeant momentanément du virus. L'intrigue de ce 3ème opus n'est pas axée sur comment survivre mais sur la recherche d'un moyen d'éradiquer l'épidémie pour permettre aux humains de prendre un nouveau départ. Et l'espoir est permis grâce à un scientifique qui offre la possibilité d'un remède conçu à partir d'un ADN vieux de plusieurs millénaires. Et quel est le meilleur moyen de tester le vaccin, dites-moi ?
Le graphisme très réaliste de Stéphane Bervas porte et illustre magnifiquement bien l'histoire, les couleurs sont superbes, développées dans les gammes de vert, marron et gris.
Et je ne me lasse pas...

Déjà esquissée dans les deux premiers tomes, la thématique de la survie individuelle versus la survie collective est au centre du tome 3. Peru pose intelligemment, et tout à fait cyniquement, la question de ce que la société est prête à accepter pour mettre fin au fléau. le tome 2 avait largement abordé la question de ce que les gens sont prêts à accepter individuellement...

Un préambule nous montre l'origine de l'épidémie au temps des hommes préhistoriques. Situé dans les Carpates, ce prologue effleure en même temps la question des vampires. Et tout démarre du corps momifié d'un enfant néandertalien.

Peru situe son action dans les îles japonaises, et nous présente un duo de scientifiques, un Japonais et un Américain... Officiellement, aidé de l'armée, le scientifique japonais a organisé une retraite dans le village dont son ex-femme est maire, afin de trouver un antidote au virus. Mais l'organisation du village, avec ses postes de gardes et ses zones tampon ne convainc pas certains soldats, ni les civils.

Puis surviennent d'étranges événements où les zombies commencent à se libérer "seuls" et à envahir des zones peuplés de gens sains...

On découvre alors une immense machination perverse. le village est en fait un laboratoire à ciel ouvert, où on ne teste aucun antidote, mais une souche modifiée du virus. Les zombies (des enfants) ayant reçu ce nouveau virus gardent une partie de leur intelligence et de leur mémoire, et peuvent se nourrir d'autres zombies... Une arme biologique imbattable. Quelques super zombies suffisent pour nettoyer une zone. Au lieu de devoir tuer 1000 zombies, le nombre d'opposants est alors réduit à quelques unités... On a là un raisonnement cynique qui a déjà été appliqué par le passé (quand Reagan considérait qu'il ne fallait pas soigner les porteurs du VIH, de telle manière qu'ils meurent rapidement et contaminent moins de personnes).

L'éthique scientifique mais également l'honneur individuel sont abordés. Péru ne répond pas... On ne fait pas d'omelette sans casser d'oeufs dira en substance le scientifique japonais. Ce n'est évidemment pas étonnant que l'action se déroule au Japon, pays où l'abnégation de soi est portée à son paroxysme.

Comme dans le tome 2, Peru multiplie les traits d'humour noir, tout particulièrement dans les dernières pages... Impressionnant, et novateur. Excellente mise en dessin et en couleur de Bervas.

Comme "La Peste" d'Albert Camus, "La Peste" d'Olivier Péru met en scène deux hommes savants, qui luttent contre une épidémie. En revanche, Rieux et Tarrou vivent avec les pestiférés dans la ville d'Oran soumise à la quarantaine, alors que nos héros de Péru sont réfugiés dans un village japonais tenu à l'écart, par la force et l'éloignement, de l'épidémie mondiale. Si les héros de Camus combattent la peste sans grand espoir, parce qu'il faut combattre par dignité humaine, le savant japonais de Péru ne recule devant rien pour obtenir des résultats, y compris par des moyens totalement immoraux. Il veut gagner la guerre. L'expérience de Fukushima l'a dépouillé de tout scrupule. Enfin, dernière analogie de cet album avec le roman de Camus : tous deux proposent une interrogation sur la nature humaine, de type philosophique et moral chez Camus, et liée à de la "préhistoire fiction" dans cet album. D'ailleurs, la première scène nous propulse aux abords d'une caverne habitée par des Cro-Magnon, en plein Néolithique. Une oeuvre riche, une narration bien construite et assez subtile, un progrès notable dans le récit global de cette apocalypse, un dessin assez vif et passable, des coloris sobres, bleutés, sépia, moins sinistres que dans l'opus précédent. En revanche, le dessin de couverture est hideux, peut-être inutilement.