Citations sur Les dix gros Blancs (20)
Avec la mort de Mick, ses préposés allaient devoir retourner mendier à Saint-Vincent ou, pis encore, s’expatrier vers les plantations martiniquaises de canne tenues depuis des siècles par ces ordures de békés.
«Ces gens-là » ignoraient qu’une demeure s’entretient à long terme, en particulier aux Antilles, où le climat tourmentait les constructions.
Certains habitants par intermittence étaient toutefois redoutés des indigènes : il s’agissait surtout des «nouveaux riches», qui n’embauchaient que le temps du séjour et rendaient leur domesticité au chômage technique, c’est-à-dire sans revenus, au désœuvrement et à la consommation excessive de mauvais rhum.
Mick n’avait qu’un seul défaut : y résider en toutes saisons, quand certains voisins ne passaient qu’une quinzaine sur place. Préoccupés, pendant leur villégiature, par le sort de la nature à Saint-Moritz, Aspen, Saint-Tropez, Davos ou Monte-Carlo, ils foutaient la paix aux troupes, logées et nourries à longueur d’année.
Tous pensaient au chômage qui sévissait à Saint-Vincent-et-les-Grenadines et au privilège que représentait un job au sein de l’apartheid paradisiaque de Moustique. Chez qui la domesticité allait-elle pouvoir se recaser? L’inquiétude parcourait les rangs, de la soubrette au responsable du spa. Certes, il y avait de nombreux autres milliardaires sur l’île, dont un pourcentage élevé issu du showbiz. Les bonnes places restaient cependant rares. Mick n’avait qu’un seul défaut : y résider en toutes saisons, quand certains voisins ne passaient qu’une quinzaine sur place.
Le coach fit pivoter la matière en putréfaction et découvrit, pendant de la bouche de Mick, une langue énorme, d’une taille démesurée. Une araignée de mer, qui avait dû tourner dans un des multiples épisodes d’Alien, s’en détacha sans demander son reste. L’intrépide employé se tourna vers la rive et hurla : « Il est mort ! », ce dont chacun était déjà persuadé, mais que nul ne voulait croire.
« Marlon », né Isaac, devait son surnom à la première image qu’il avait vue d’un homme au corps athlétique. Par chance, il n’avait pas d’abord porté son regard sur un poster du futur gouverneur de Californie ou de l’immortel interprète de Rocky. Marlon avait donc échappé aux prénoms d’Arnold et de Sylvester. Il en avait gardé une distinction particulière, qui l’avait établi entraîneur préféré des stars, bien décidées à transpirer en soulevant de la fonte par un climat de 35 degrés, en moyenne. Alors qu’il suffisait de marcher cent mètres, vers midi, pour que d’énormes gouttes de sueur jaillissent sans effort.
Le prof de gym de Mick, Marlon, entra dans l’eau. Il chassa les «Nemo» – c’est ainsi qu’étaient désormais baptisés les poissons-clowns – qui suçaient avidement l’épiderme du cadavre. D’autres espèces bariolées, sorties de la torpeur nocturne et remontant en surface, s’étaient hâtées, attirées par ce petit déjeuner aux airs de festin. Les guides touristiques ne mentaient pas : à Moustique ainsi que partout ailleurs aux Antilles, le festival de couleurs affriolantes et de victuailles était permanent.
Pour l’heure, le personnel restait hébété, au fur et à mesure que le soleil de ce début d’automne gagnait en hauteur. Les garçons s’observaient, attendant que l’un d’entre eux saisît son courage à deux palmes.
Démentant le proverbe, Les Pierres roulantes avaient accumulé beaucoup de mousse sonnante et trébuchante ; et permis à leur leader d’embaucher, pour ses besoins et ceux de sa cour, une flopée d’employés afin d’entretenir ce qui allait devenir son port d’attache et le point de ralliement de ses inféodés comme de ses parasites.