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Citations sur Les Veuves du jeudi (36)

[ Le livre ] était creux. Il n'y avait pas de pages à l'intérieur, c'était juste une couverture rigide. Une boîte de fausse littérature. Sur la tranche, je lus "Faust "de Goethe. Je le remis à sa place. Entre "La vie est un songe "de Calderon de la Barca et "Crime et châtiments "de Dostoïevski. En allant vers la droite, deux ou trois autres classiques, puis cela se répétait : "La vie est un songe", "Faust", "Crime et châtiments", en lettres d'or en relief. La même série sur tous les rayonnages.
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Nous spéculions tous sur la valeur que prenaient chaque jour nos maisons et sur celle qu’elles finiraient par atteindre. Quand nous multipliions la surface de nos habitations par le prix au mètre carré, nous ressentions un plaisir que peu de choses peuvent vous procurer. Un plaisir provoqué par un algorithme. Car nous ne pensions vendre nos maisons à personne. C’était le calcul, cette simple multiplication, qui produisait cet effet.
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Les autres ne savaient pas s’il convenait d’en rire ou de s’en inquiéter, et personne ne se décidait pour l’un ni pour l’autre. Je croyais savoir, mais je n’osai pas. Ronie fit ce que je n’osais pas faire. Et cette complémentarité que nous entretenions bien que je ne comprisse pas pourquoi nous restions ensemble, me surprit. Nous fonctionnions comme si tout ce qui par le passé nous avait rapprochés s’était évanoui, à part la distribution de nos rôles et de nos tâches. Une distribution tacite mais très précise, qui faisait encore tenir debout ce que la volonté, plus que la passion ou tout autre sentiment, nous avait fait construire ensemble.
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Antonia [ la bonne à tout faire ] était déjà rentrée de l'école, elle avait fait sa chambre, laissé un plateau avec son petit-déjeuner sur sa table de chevet, et elle était en train de ramasser le linge qu'elle avait jeté en boule au pied de son lit. De toute évidence, ces femmes-là ont un biorythme différent du nôtre, pensa Mariana, ce sont de vraies bêtes de somme. Et elle se rallongea cinq minutes dans son lit.
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Mais, avec le temps, et même si on ne le disait pas tout haut, le critère de la religion commença à entrer en ligne de compte lorsque nous devions accepter un nouveau membre à La Cascada. Ce doit être l’une des choses que je n’ai jamais osé écrire dans mon petit carnet rouge : que les juifs ne sont pas les bienvenus pour certains de mes voisins. Je ne l’ai pas écrit mais je le sais, et cela fait de moi une de leurs complices.
(...) jadis, quand l’endroit fonctionnait plus comme un club de loisirs pour le week-end que comme un lieu de résidence permanente, il existait une disposition qui limitait à dix pour cent la part que chaque communauté pouvait représenter.
(...) Je ne crois pas que l’on ait demandé à quiconque s’il était musulman, bouddhiste ou anglican.
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Les odeurs du quartier changent avec les saisons. En septembre, tout sent le jasmin étoilé. Et cette phrase n'est pas de la poésie, elle est juste purement descriptive. Tous les jardins ont au moins un jasmin étoilé pour que l'on puisse admirer ses fleurs au printemps. Trois cents maisons avec trois cents jardins et trois cents jasmins étoilés, cloîtrées dans un domaine de deux cents hectares grillagé sur tout son périmètre, avec son propre service de sécurité, ce n'est pas une donnée poétique. C'est pour cette raison qu'au printemps, l'air semble lourd, sucré. Il entête ceux qui n'y sont pas habitués. Mais chez certains d'entre nous, il génère une sorte d'addiction, d'attraction ou de nostalgie et, à peine partis, nous avons déjà hâte de rentrer pour respirer à nouveau cette odeur de fleurs sucrées. Comme si nulle part ailleurs on ne pouvait aussi bien respirer. A Altos de la Cascada, l'air est lourd, ça se sent, et, si nous vivons tous ici, c'est parce que nous aimons respirer comme cela, en écoutant le bourdonnement des abeilles derrière les jasmins.
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Romina ne sait pas ce qu'Ernesto fait comme travail. On lui a demandé au collège une rédaction en anglais sur l'activité ou la profession de son père...
La réponse de Mariana, elle la connaît déjà : "Papa est avocat." C'est pour cela qu'elle ne prend même pas la peine de lui demander. A Altos de la Cascada, tout le monde croit qu'il est avocat, mais elle sait bien que non. Mariana doit aussi le savoir. C'est sa femme. Mais Mariana ment. On ne ment pas dans un essay, du moins, pas en répétant les mensonges des autres, c'est pour cela qu'on invente les siens. Son père se fait appeler "docteur". Et il n'est pas docteur, pas plus qu'il n'est son père. Quand quelqu'un vient le consulter sur des questions juridiques, il lance une ou deux généralités, il dit que ce point spécifique n'est pas sa spécialité, mais qu'il va se renseigner. Et il se renseigne. Personne ne pose de questions.
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Tandis que la voiture roulait, je cherchais dans ma mémoire à quel moment je m'étais faite à l'idée de ne plus avoir d'enfants après Juani. Avant de nous marier, nous rêvions d'en avoir au moins trois mais, à partir du moment où Ronie s'était retrouvé sans travail, nos préoccupations s'étaient centrées avant toute chose sur les moyens de conserver ce que nous possédions. Et ce que nous possédions se comptait en mètres carrés, en voyages, en confort, en collège, en voiture, pas en nombre d'enfants. Tant qu'il y en avait un, c'était assez pour faire de nous une famille.
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Quand on prend le chemin qui mène à la route, on arrive à Santa Maria de los Tigrecitos, un quartier de maisons modestes, des constructions plus ou moins abouties ; leurs propriétaires les ont presque toutes bâties de leurs propres mains, en se faisant parfois aider par leur famille ou des amis. Tous les gens qui vivent là sont tributaires du travail que nous leur fournissons à Altos de la Cascada...
A Santa Maria de los Tigrecitos, les maisons poussent de façon aussi irrégulière que les arbustes à Altos de la Cascada, mais pas pour des raisons esthétiques inavouées, comme c'est le cas dans nos jardins. A los Tigrecitos, les gens font comme ils peuvent, ils construisent leur maison sans se soucier de celle du voisin ; dans les cas extrêmes, les pièces ne communiquent même pas entre elles. Les murs des maisons portent les traces des étapes de leur construction : la fenêtre qui a été ouverte après que la pièce a été construite et qui n'est pas centrée, le deuxième niveau que l'on a monté sur une dalle qui avait l'air définitive, la salle de bains qu'on a quand même pu faire, mais sans la ventilation adéquate... Une grille peut-être peinte en violet et le mur contigu en rouge, ou d'un bleu électrique. Et à côté, une autre maison en briques, à rénover. Les maisons les plus imposantes ont une entrée pour les voitures, tandis que les plus modestes gardent un sol en terre battue dans toutes les pièces en attendant que le travail tant attendu permette à leurs occupants d'acheter du ciment...
Des maisons dont le volume et le confort s'amenuisent lorsqu'on quitte l'asphalte et que l'on s'engage dans les rues perpendiculaires en terre battue inondées chaque fois que le ruisseau, qui coule dans une conduite jusqu'à la sortie de la Cascada, sort de son lit.
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Alfredo Insua l'avait quittée après vingt années de mariage dont quelques unes d'infidélité qu'elle avait stoïquement acceptées, toute seule, avec deux jumeaux adolescents qui allaient aussi l'abandonner dès qu'ils auraient fini le collège. Pour dire clairement les choses, il l'avait quittée pour la secrétaire de son associé. Au début, nous disions tous qu'Alfredo était un beau salaud. Mais, une fois passées les premières semaines, quelques maris qui continuaient à le voir nuançaient les choses en disant "qu'il fallait écouter les deux sons de cloche."...
Peu de temps après, Alfredo commença à revenir à Los Altos pour jouer au golf ou au tennis avec l'un ou l'autre d'entre nous, ou pour participer aux fêtes que nous organisions, auxquelles nous prenions soin de ne pas inviter Carmen. Deux ou trois mois après leur séparation, il n'y avait plus que les femmes pour le traiter de "beau salaud" ; de leur côté, les hommes se taisaient. Jusqu'au jour où plus personne ne dit rien. Plus tard, un jour, on commença à entendre les hommes dire certaines choses, quand ils étaient entre eux, en train de taquiner une petite balle de golf ou de boire un verre après un match de tennis. Par exemple : "Alfredo a eu bien raison". C'était peu de temps après qu'il fut apparu en société accompagné de sa nouvelle femme, une fille qui n'avait pas trente ans, avenante, belle, sympathique, "et avec une paire de seins à tomber par terre", comme l'avait dit l'un d'entre nous, sur le ton de la plaisanterie. Il l'avait amenée passer un week-end à Colonia sur le bateau des amis où Carmen avait vomi quelques mois plus tôt. Et sa nouvelle femme n'avait pas vomi. A partir de ce voyage, Alfredo et sa nouvelle compagne participèrent de plus en plus souvent aux réunions de La Cascada, tandis que Carmen restait recluse chez elle. Jusqu'à ce qu'on ne la vît presque plus.
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