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Citations sur Le chemin de longue étude (15)

La beauté de [celui-ci], si je voulais la décrire, dépasserait mes capacités ; cent mille ans ne me suffiraient pas à la mettre par écrit, car son clair visage rayonne d'une splendeur qui illumine tout, que la chose soit obscure ou limpide. Bref, toutes les autres beautés sont ternes et communes comparées à la sienne ; elles pâlissent devant son éclat.
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Le mariage de Christine à quinze ans resserra ses liens avec la cour royale et prolongea la période de son bonheur. Son union avec Etienne de Castel, secrétaire royal, ne dura pourtant que dix ans, avant qu'une maladie n'emporte le jeune mari en 1390. Veuve, Christine fut accablée de tristesse et d'amertume. Elle avait aimé son époux d'amour, comme le début du Chemin de long estude l'attestera treize ans plus tard. Maintenant elle se trouvait seule, à la tête d'un foyer qui comprenait ses trois enfants, sa mère, et une nièce. Son père était mort deux ans plus tôt, et Charles V, son protecteur, en 1380.
Elle se fit poète. Le décès d'Etienne l'avait laissée dans la gêne; écrivant pour gagner sa vie, elle devint, au dire de ses lecteurs modernes, "la première femme de lettres professionnelle" en France. Mais la composition littéraire n'aurait pas pu subvenir à ses besoins, en tout cas dans un premier temps. Peut-être fut-elle également copiste, le travail de secrétaire d'Etienne de Castel l'ayant familiarisée avec les formules et les différentes graphies en usage. ce qui est certain , lorsqu'on considère son oeuvre dans son ensemble, c'est qu'elle acquit au fil du temps d'impressionnantes connaissances en matière de production livresque; elle transcrivait ses propres textes, les annotait, prévoyait leurs illustrations, et rassemblait ses ouvrages dans des collections fort belles, destinées à plaire à des mécènes importants.

Préface
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La France livrée aux Anglais,Christine a longtemps gardé le silence. Nous supposons qu'elle a vécu les années 1420 dans l'abbaye dominicaine de Poissy, au nord-ouest de Paris, où elle avait placé sa fille Marie. Sans doute Christine s'est-elle davantage tournée vers Dieu pendant cette période -par dévotion, par résignation, ou par désespoir devant les nouvelles qui venaient de la capitale. Elle a composé un recueil de méditations sur la Passion. Mais hormis ce texte, rien ne nous est plus parvenu de cette femme qui, au plus intense de son activité au début du siècle, écrivait des milliers de vers par mois. Coupée de la ville et de la cour, s'est-elle adonnée tout entière à la prière, à l'étude ?
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Charles V avait adopté des pratiques intellectuelles et politiques qui porteraient pleinement leur fruit au moment de la Renaissance, un siècle plus tard : l'attachement particulier aux livres; les commandes de traduction d'oeuvres en langue vulgaire; la recherche de l'érudition au service de la morale plus qu'à celui de la spéculation théologique; la consolidation du territoire, le développement d'une administration centralisée et laique -les choix vers lesquels penche Christine dessinent l'avenir. Si elle reste un auteur médiéval, aussi bien dans sa mentalité que dans son style, elle explore, de fait, maints aspects de l'humanisme naissant. Ses origines italiennes la mettent en bonne position pour apprécier les apports culturels transalpins, cruciaux pour le renouveau; le Chemin de long estude est d'ailleurs le premier texte français auquel la Divine Comédie de Dante a servi de prototype. Christine n'a pas encore le sentiment typiquement humaniste de pouvoir dépasser ses prédécesseurs, de se servir du passé pour faire mieux, mais ses écrits refondent et réorientent incontestablement leurs sources : Boccace dans la Cité des dames, Valère Maxime dans Le Livre du corps de Policie, Végèce dans Le Livre des faits d'armes et de chevalerie, sont, non seulement repris, mais réencadrés, réenvisagés. On ne peut pas non plus attribuer à Christine la conviction "renaissante" que le monde fourmille de possibilités, et que le plaisir et le privilège de l'homme le poussent à les exploiter; elle demeure toujours consciente des contraintes que Dieu, et la Nature, imposent aux hommes- et que les hommes imposent aux femmes. Pourtant ses ouvrages la représentent souvent dans l'acte de découvrir, d'apprendre : dans La Mutacion de Fortune, un voyage au château de dame Fortune donne lieu à un examen de cette allégorie, et par là même, de la question capitale de l'influence que l'être humain peut exercer sur son propre destin. (...) Mais le meilleur exemple de la curiosité de Christine, de sa soif de science, demeure sans doute l'ouvrage que nous présentons ici. Le Chemin fait parcourir le monde à son héroine, offrant à son regard les merveilles des villes et des campagnes, des peuples exotiques et de leurs richesses. Tout le voyage se fait dans le désir de savoir. Christine, en 1402, nous fait penser à ces explorateurs du siècle suivant, qui rentraient chez eux avec des spécimens étonnants cueillis dans des pays lointains- sauf que ses collections à elle ne consistent pas en objets, mais en connaissances uniquement. Les plus beaux trésors, ainsi qu'elle ne cesse de le répéter.
Préface
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Nous avons mentionné le fait que le poème s'ouvre sur un banquet, puis se prolonge dans l'intimité, la vie de société s'impose à l'orée des premiers poèmes. (...)
Il lui faut une mère spirituelle : son guide, la Sibylle, apparaît un soir à son chevet, ainsi que Loyauté s'était présentée à elle dans le Dit de la Rose. La Sibylle la protégera, la mènera voir le monde et les cieux; c'est donc à elle de parler la première.
La substitution de la Sibylle à Loyauté déplace cette narration du royaume courtois à celui de la science et de la spéculation philosophique. Lorsque Loyauté se présente devant Christine, elle l'appelle "amie", terme du registre courtois. (...)
Loyauté est une allégorie pure, dans la tradition des personnifications de qualités du Roman de la Rose de Guillaume de Lorris; c'est-à-dire qu'elle n'est ni plus ni moins qu'une notion, sans autre réalité. Envoyée du dieu Amour, elle incarne la vertu dont tous les membres du nouvel Ordre doivent faire preuve; elle représente ce à quoi les hommes du monde doivent aspirer. La Sibylle, en revanche, tire sa substance d'une autre lignée littéraire, notamment de celle de l'Enéide et de l'Enfer. Virgile et Dante nous l'ont déjà fait connaître; son personnage est connu, repérable; sa voix résonne de riches échos. (...)
La Sibylle dépend directement de Dieu, et non d'Amour- autre signe de la nature nouvelle des recherches de Christine. Celle-ci tente de comprendre le monde, et, dans la mesure de ses capacités, le divin; il n'est plus question d'évoluer dans l'univers clos de la cour.
C'est précisément à cause de son amour de l'étude que Christine est l'élue de la Sibylle, qui lu dit :"Pour le bien de ton memoire, / Que voy abile a concevoir,/ je t'aim, et vueil faire a savoir / De mes secrés une partie" (vv. 498-501). Christine possède donc déjà la qualité qui la rend digne de la visite de la Sibylle. Le désir de la science lui servira de motivation, de raison d'être, et aussi de droit d'entrée dans le royaume des écrivains; l'érudition donnera une assise aux prétentions qu'une femme élève au titre d'auteur.
Introduction
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(...) : nous avons déjà mentionné que Christine a tôt pratiqué le genre du miroir du prince, définissant dans l'Epistre Othea les qualités du monarque accompli. Cette oeuvre, destinée à l'usage de Louis d'Orléans, frère cadet de Charles, lui mettait devant les yeux des exemples à imiter, l'exhortant à adopter des comportements irréprochables. le Chemin de long estude participe lui aussi au genre du miroir, même si sa composition hybride -le songe, le voyage, le débat- l'inscrit en même temps dans d'autres grandes catégories de la littérature médiévale. L'intérêt que porte Christine à la description du prince parfait trouve sa meilleure expression dans le Livre des faits et bonnes meurs du sage roy Charles V, rédigé en 1404. Ce n'est pas la dernière fois dans sa carrière que Christine entreprend d'instruire des lecteurs royaux, mais c'est sans doute l'exemple qui en dit le plus long sur son esprit. Car Le Livre des fais est à la fois un catalogue de perfections, et le portrait d'un homme historique. (...)
Les souvenirs auxquels Christine se livre dans ces vers sont, il faut le signaler, presque tous liés à l'amour du roi pour le savoir : elle loue ses connaissances en philosophie et en astronomie, et s'attarde sur l'excellence de son idée de commanditer de nombreuses traductions du latin en français, "Pour les cuers des François attraire / A nobles meurs" (vv. 5024-5025). Les qualités de Charles correspondent à celles dont Christine voudrait se réclamer : les livres et l'étude l'ont formée, de telle sorte qu'elle peut, qu'elle pourrait maintenant agir sur la destinée de ses compatriotes, en les invitant à se pencher sur la question du meilleur gouvernement possible.
Introduction
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Le Dit de la Rose (février 1402), qui précède de quelques mois Le Chemin de long étude, présente une structure narrative que Christine reprendra, avec quelques modifications, dans celui-ci. Christine y est élue pour accomplir une mission. Le Dit de la Rose s'ouvre sur un banquet auquel Christine prend part; au cours du repas survient dame Loyauté, qui annonce à l'assistance la fondation d'un nouvel Ordre consacré à l'honneur et à la protection des dames. Tous y prêtent serment de fidélité. Mais, une fois le banquet terminé et l'assistance dispersée, quand Christine est couchée, Loyauté revient la voir dans sa solitude. Amour, le dieu suprême, l'a envoyée. Christine sera chargée de trouver des recrues pour le nouvel Ordre parmi les dames du monde; sa tâche sera donc celle de propagandiste, ou de missionnaire.
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Dans L'Epistre Othea (autour de 1400), elle s'essaie à un nouveau genre : celui du "miroir du prince", destiné à élever à la vertu de futurs rois.
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Puisqu'elle se sent d'un statut précaire, elle se réfugie dans la vieille idée que la vérité se trouve souvent dans la bouche des gens les plus humbles : "de simple personne / Puet bien venir vraie raison et bonne". Le Chemin de long estude, où la narratrice entreprend un voyage destiné à combler les lacunes de son savoir, est donc à la fois une mise en scène de son incertitude quant à sa compétence, ou à son droit, d'écrire à l'instar des érudits, et le remède à cette même incertitude : parcourir le chemin du voyage lui fournira la science, et donc la confiance, nécessaires à la production d'une oeuvre.
Ce voyage en quête de savoir, au cours duquel Christine visitera les différents pays du monde et leurs curiosités , puis grimpera dans les cieux et observera le cours des planètes, est en même temps une expérience, une réalité (fictionnelle) vécue.
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Ce n'est pas immédiatement que l'on foule le chemin de longue étude. L'auteur nous y mène doucement par trois sentiers, trois allées successives, qui nous offrent autant de perspectives, valables pour tout le voyage. La première de ces allées, le prologue, traverse le grand dilemme de Christine : celui d'être écrivain et femme à la fois. (...)
Veuve depuis l'âge de vingt-cinq ans (elle en a trente huit lorsqu'elle compose Le Chemin en 1402), elle a consacré sa vie à la lecture et à l'étude.

Introduction
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