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Andrea Tarnowski (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253066712
476 pages
Le Livre de Poche (01/12/1999)
4.07/5   14 notes
Résumé :

La collection Lettres gothiques se propose d'ouvrir au public le plus large un accès à la fois direct, aisé et sûr à la littérature du Moyen Age. Un accès direct en mettant chaque fois sous les yeux du lec-teur le texte original. Un accès aisé grâce à la traduction en français moderne proposée en regard, à l'introduction et aux notes qui l'accompagnent. Un accès sûr grâce... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La collection « Lettres gothiques » offre, une fois de plus, un magnifique ouvrage et un splendide témoignage d'une période médiévale (fin du Moyen-Age) avec cette auteure méconnue qu'est Christine de Pizan. Cette collection présente le texte dans son intégralité, dans une nouvelle édition et traduction. En effet, il ne s'agit pas d'un roman, le terme n'existe pas à cette époque, l'on parle plutôt de poème en vers : 6398 au total. Celui-ci est en ancien français traduit en langue française. C'est intéressant de découvrir le langage qui construisit le nôtre et la vie à cette époque. La collection donne, également, des clés de lecture pour une meilleure compréhension du texte et de la période historique grâce à une introduction et une préface richement documentées permettant de découvrir l'auteure de ces vers, les circonstances de sa production, la mentalité du 15e siècle au plan historique (politique et vie quotidienne). Enfin, les notes et références en bas de page enrichissent notre culture au plan historique, culturelle et littéraire. Les sources sont beaucoup empruntées à l'antiquité.

Que racontent t'ils ces vers ? Ils ont été écrit en 1402-1403. Christine de Pizan est la première femme de son temps à écrire et à vivre de son écriture. Veuve très jeune et mère de trois enfants, il lui faut gagner son pain. Erudite grâce à son père italien, homme de sciences et astrologue de Charles V, ayant accès à la cour du roi de France et à sa bibliothèque personnelle, Christine de Pizan donne de sa voix à ce siècle en fin de vie et à celui arrivant. En 1402, la France est engluée dans la guerre de cent ans depuis 1337, Jeanne d'Arc n'est pas encore là, Charles V a cédé sa place à son fils Charles VI qui sombre dans la folie, justifiant des guerres intestines pour accéder aux commandes du royaume, ses oncles ayant de grands appétits de pouvoir, menaçant une guerre civile. A l'extérieur, la dernière croisade de 1396 contre l'empire ottoman est un fiasco (bataille de Nicopolis), le sultan Bajazet est défait à Ankara par Tamerlan, et l'Eglise subit le schisme en 1378. C'est dans ce contexte troublé que Christine écrit.

S'appuyant sur son Savoir (Consolation de Boèce, Dante, Homère, Plutarque, Boccace ou encore Ovide et Virgile…), elle entreprend le chemin de longue étude, un long poème en vers, épique qui lui fait découvrir de monde à travers ses voyages en Europe, Orient et Asie. Un moment de découverte et de conquêtes à l'instars des grands conquistadors du siècle suivant ou précédents : Colomb, Magellan, Gama ou Cartier, Polo ou Ibn Battûta. le lecteur s'émerveille par son style et ses descriptions. le voyage est initiatique. Aidée et guidée par Sybille, la sage (une femme : mère et enseignante à la fois) comme nous le sommes par Christine de Pizan, nous sommes là pour voir et apprendre. Christine est en quête de savoir, d'apprentissage, de compréhension de son monde. Elle a soif de connaissances. L'étude est un chemin, une quête, une entreprise qu'il faut avoir et assouvir durant sa vie. C'est le message que délivre l'auteure, celui de toujours apprendre, comprendre, s'enrichir, évoluer, grandir. Elle se bat pour la condition féminine, en particulier, l'éducation des jeunes filles et femmes de son temps considérant que celle-ci à un rôle à jouer, pas seulement celle de donner la vie. Elle vouera une grande admiration à la fin de sa vie pour Jeanne d'Arc. Elle reste très moderne en cela et l'on pourrait la considérer comme étant la première féministe de l'Histoire. Ce penchant est accentué dans la seconde partie de son poème par le long débat qui oppose les principales vertus ou vices de l'Humanité. Elle pose, aussi, les conditions et les valeurs que doivent posséder un Prince pour gouverner un pays comme le monde. En cela, elle donne sa voix à la situation politique de son pays, la folie du roi Charles VI. L'époque est sombre et déclinante : fastes et fêtes de la cour de France, triomphe du mensonge, de la tricherie et de la manipulation, guerres et lâcheté, perversion…

A travers son ouvrage, elle cherche l'intégrité, le renouveau, la force, la grandeur pour ses contemporains comme pour son pays, elle, qui connut le grand siècle de Charles V et pose, ici, un regard féminin, lucide, intelligent, analytique, froid et maternelle sur son époque troublée.

Très belle lecture de ce livre. Une femme, un écrivain intéressant et impressionnant, d'une grandeur d'âme sans pareille.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Charles V avait adopté des pratiques intellectuelles et politiques qui porteraient pleinement leur fruit au moment de la Renaissance, un siècle plus tard : l'attachement particulier aux livres; les commandes de traduction d'oeuvres en langue vulgaire; la recherche de l'érudition au service de la morale plus qu'à celui de la spéculation théologique; la consolidation du territoire, le développement d'une administration centralisée et laique -les choix vers lesquels penche Christine dessinent l'avenir. Si elle reste un auteur médiéval, aussi bien dans sa mentalité que dans son style, elle explore, de fait, maints aspects de l'humanisme naissant. Ses origines italiennes la mettent en bonne position pour apprécier les apports culturels transalpins, cruciaux pour le renouveau; le Chemin de long estude est d'ailleurs le premier texte français auquel la Divine Comédie de Dante a servi de prototype. Christine n'a pas encore le sentiment typiquement humaniste de pouvoir dépasser ses prédécesseurs, de se servir du passé pour faire mieux, mais ses écrits refondent et réorientent incontestablement leurs sources : Boccace dans la Cité des dames, Valère Maxime dans Le Livre du corps de Policie, Végèce dans Le Livre des faits d'armes et de chevalerie, sont, non seulement repris, mais réencadrés, réenvisagés. On ne peut pas non plus attribuer à Christine la conviction "renaissante" que le monde fourmille de possibilités, et que le plaisir et le privilège de l'homme le poussent à les exploiter; elle demeure toujours consciente des contraintes que Dieu, et la Nature, imposent aux hommes- et que les hommes imposent aux femmes. Pourtant ses ouvrages la représentent souvent dans l'acte de découvrir, d'apprendre : dans La Mutacion de Fortune, un voyage au château de dame Fortune donne lieu à un examen de cette allégorie, et par là même, de la question capitale de l'influence que l'être humain peut exercer sur son propre destin. (...) Mais le meilleur exemple de la curiosité de Christine, de sa soif de science, demeure sans doute l'ouvrage que nous présentons ici. Le Chemin fait parcourir le monde à son héroine, offrant à son regard les merveilles des villes et des campagnes, des peuples exotiques et de leurs richesses. Tout le voyage se fait dans le désir de savoir. Christine, en 1402, nous fait penser à ces explorateurs du siècle suivant, qui rentraient chez eux avec des spécimens étonnants cueillis dans des pays lointains- sauf que ses collections à elle ne consistent pas en objets, mais en connaissances uniquement. Les plus beaux trésors, ainsi qu'elle ne cesse de le répéter.
Préface
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Le mariage de Christine à quinze ans resserra ses liens avec la cour royale et prolongea la période de son bonheur. Son union avec Etienne de Castel, secrétaire royal, ne dura pourtant que dix ans, avant qu'une maladie n'emporte le jeune mari en 1390. Veuve, Christine fut accablée de tristesse et d'amertume. Elle avait aimé son époux d'amour, comme le début du Chemin de long estude l'attestera treize ans plus tard. Maintenant elle se trouvait seule, à la tête d'un foyer qui comprenait ses trois enfants, sa mère, et une nièce. Son père était mort deux ans plus tôt, et Charles V, son protecteur, en 1380.
Elle se fit poète. Le décès d'Etienne l'avait laissée dans la gêne; écrivant pour gagner sa vie, elle devint, au dire de ses lecteurs modernes, "la première femme de lettres professionnelle" en France. Mais la composition littéraire n'aurait pas pu subvenir à ses besoins, en tout cas dans un premier temps. Peut-être fut-elle également copiste, le travail de secrétaire d'Etienne de Castel l'ayant familiarisée avec les formules et les différentes graphies en usage. ce qui est certain , lorsqu'on considère son oeuvre dans son ensemble, c'est qu'elle acquit au fil du temps d'impressionnantes connaissances en matière de production livresque; elle transcrivait ses propres textes, les annotait, prévoyait leurs illustrations, et rassemblait ses ouvrages dans des collections fort belles, destinées à plaire à des mécènes importants.

Préface
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Nous avons mentionné le fait que le poème s'ouvre sur un banquet, puis se prolonge dans l'intimité, la vie de société s'impose à l'orée des premiers poèmes. (...)
Il lui faut une mère spirituelle : son guide, la Sibylle, apparaît un soir à son chevet, ainsi que Loyauté s'était présentée à elle dans le Dit de la Rose. La Sibylle la protégera, la mènera voir le monde et les cieux; c'est donc à elle de parler la première.
La substitution de la Sibylle à Loyauté déplace cette narration du royaume courtois à celui de la science et de la spéculation philosophique. Lorsque Loyauté se présente devant Christine, elle l'appelle "amie", terme du registre courtois. (...)
Loyauté est une allégorie pure, dans la tradition des personnifications de qualités du Roman de la Rose de Guillaume de Lorris; c'est-à-dire qu'elle n'est ni plus ni moins qu'une notion, sans autre réalité. Envoyée du dieu Amour, elle incarne la vertu dont tous les membres du nouvel Ordre doivent faire preuve; elle représente ce à quoi les hommes du monde doivent aspirer. La Sibylle, en revanche, tire sa substance d'une autre lignée littéraire, notamment de celle de l'Enéide et de l'Enfer. Virgile et Dante nous l'ont déjà fait connaître; son personnage est connu, repérable; sa voix résonne de riches échos. (...)
La Sibylle dépend directement de Dieu, et non d'Amour- autre signe de la nature nouvelle des recherches de Christine. Celle-ci tente de comprendre le monde, et, dans la mesure de ses capacités, le divin; il n'est plus question d'évoluer dans l'univers clos de la cour.
C'est précisément à cause de son amour de l'étude que Christine est l'élue de la Sibylle, qui lu dit :"Pour le bien de ton memoire, / Que voy abile a concevoir,/ je t'aim, et vueil faire a savoir / De mes secrés une partie" (vv. 498-501). Christine possède donc déjà la qualité qui la rend digne de la visite de la Sibylle. Le désir de la science lui servira de motivation, de raison d'être, et aussi de droit d'entrée dans le royaume des écrivains; l'érudition donnera une assise aux prétentions qu'une femme élève au titre d'auteur.
Introduction
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La France livrée aux Anglais,Christine a longtemps gardé le silence. Nous supposons qu'elle a vécu les années 1420 dans l'abbaye dominicaine de Poissy, au nord-ouest de Paris, où elle avait placé sa fille Marie. Sans doute Christine s'est-elle davantage tournée vers Dieu pendant cette période -par dévotion, par résignation, ou par désespoir devant les nouvelles qui venaient de la capitale. Elle a composé un recueil de méditations sur la Passion. Mais hormis ce texte, rien ne nous est plus parvenu de cette femme qui, au plus intense de son activité au début du siècle, écrivait des milliers de vers par mois. Coupée de la ville et de la cour, s'est-elle adonnée tout entière à la prière, à l'étude ?
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La beauté de [celui-ci], si je voulais la décrire, dépasserait mes capacités ; cent mille ans ne me suffiraient pas à la mettre par écrit, car son clair visage rayonne d'une splendeur qui illumine tout, que la chose soit obscure ou limpide. Bref, toutes les autres beautés sont ternes et communes comparées à la sienne ; elles pâlissent devant son éclat.
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CHRISTINE DE PIZAN / LE CHEMIN DE LONGUE ÉTUDE / LA P'TITE LIBRAIRIE
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