Le dragon était particulièrement prisé, comme nous l’avons vu, par les pompiers de l’époque Edo. Contrôlant le vent et la pluie, soufflant le feu et vivant dans l’eau, il symbolise la synthèse des extrêmes, la destruction et la renaissance.
Cet esthétisme du plaisir teinté de désespérance, celui de l’amour-goût opposé à l’amour-passion qui autrefois conduisait les amants au double suicide, eut pour pendant dans le petit peuple l’attirance pour le tatouage, expression d’une bravoure plébéienne, d’un dandysme du gagne-petit se donnant fière allure en décorant son seul bien : sa peau.
Bien qu’il fasse partie de l’héritage culturel national, l’art du tatouage est dédaigné, sinon rejeté par le Japon officiel.
Avec l’engouement pour le tatouage patchwork d’influences diverses du début du XXIe siècle, l’expression wabori (« gravure à la japonaise ») est devenue courante pour désigner le tatouage traditionnel et le démarquer du yôbori (« gravure à l’occidentale »), en d’autres termes le tatouage mondialisé.
Chaque maître a ses secrets pour ces somptueux dégradés de bleu. Certains tatouages traditionnels sont monochromes, jouant de la luminosité de la peau et de la teinte bleu sombre que prend l’encre sous l’épiderme.
Puisant dans le corpus des mythes et du folklore ainsi que dans l’Histoire, le tatouage fut étroitement lié au monde l’estampe : les premiers maîtres tatoueurs étaient des graveurs sur bois reproduisant sur la peau humaine les œuvres des grands illustrateurs.