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Critique de ElGatoMalo


Ma relation aux images de Claude Ponti fait des tours et des détours bizarres. Voilà des années que j'en ai un en face de moi à longueur de journée pour des raisons professionnelles, un fragment ou plutôt une citation, un hommage qui me touche beaucoup parce qu'il joue avec mon patronyme et mon caractère en représentant un soleil qui s'étire mollement sur un oreiller. Ceci dit, la personne qui a fait ce dessin m'a clairement expliqué d'où venait l'emprunt mais, jusqu'à présent du moins, impossible de me souvenir du nom de l'auteur. Bref : l'occasion où jamais de fixer définitivement ce souvenir en passant par la lecture de ce livret cartonné (un conseil sur un site de vente encourageait à éviter les versions poches quasi illisibles puisque les dessins sont quelquefois très fouillés). Mô-Namour, donc, titre emprunté au nom qu'un personnage brunâtre et pataud, Torlémo de son prénom - et n'est-ce pas que Claude Ponti tord les mots souvent - donne à l'héroïne après l'avoir rencontrée dans son champ de bois morts. Un ouvrage qui accumule la violence de manière systématique, en effet peu de scène où il n'y ait quelque brutalité : un accident sur la route des vacances, jeux de balle où la balle est systématiquement l'héroïne qui en prend pour son grade, désintégration des chairs du personnage secondaire dont il ne restera que les os dans lesquels un coup de pieds enverra le crâne valdinguer, empoisonnement - suicide ou assassinat - je passe sur la recette magique du gâteau qui ouvre les portes d'un nouveau monde. J'en viens à me poser la question de la destination de ce livre. Qui en est le vrai public ? Les enfants ? Vraiment ? J'ai parcouru des livres pour adultes qui contenaient largement moins de scènes traumatisantes. Alors, peut-être, est-ce une fable allégorique, ou un rêve, destiné à un public bien plus âgé, un public qui pourrait décrypter le symbolisme ainsi que les contenus virtuels, latents diraient les psychothérapeutes à tendance freudienne, de toutes ces images - de toute cette violence. Et si, en me laissant glisser sur le coin du zinc du bistrot le plus proche à l'interprétation du rêve, ce voyage, commencé avec les parents n'était pas plutôt une représentation symbolique de la vie de l'héroïne, Isée qui, par accident, est séparée de sa famille comme le fil habituel de la vie finit par éloigner la plupart des enfants de ceux qui ont pour tâche de les conduire - ici la voiture prend un sens - vers l'âge adulte. Voilà donc Isée, loin de ceux qui ont toujours été sa référence, les points cardinaux de ses choix. A la recherche de son autonomie, elle construit son abri toute seule. Vient le moment de la rencontre de l'autre. Ici, il prend les allures d'un Lennie digne Des souris et des hommes de John Steinbeck : lourd, front bas, cheveux en bataille, pas spécialement futé, habillé de peaux de bête - style red neck du pire endroit reculé d'un pays façon Délivrance à la John Boorman (le son du banjo ne s'entend que difficilement au travers du bruit des claques) ou du géant abruti dans les adaptations du jack et les haricots magiques façon Bugs Bunny - mais visiblement plus grand, peut-être plus âgé - certainement plus âgé - la différence de taille est importante dans le dessin. La relation qui s'établit est une relation de violence absurde. D'échanges où les valeurs sont inversées : coups et douleurs d'un coté, prétendument expression de l'amour, de plus en plus durs et violents, payés en retour par le plaisir de la bouche et des saveurs pâtissières de l'autre - les gâteaux à étages sont de plus en plus grands... Une chronique qui finit en queue de poisson mais que dire sur la fin de l'histoire ? Il y est question d'un rite de passage. L'héroïne est encore une fois obligée de faire appel à des choses qui ne sont pas d'une grande propreté : crotte de nez, rognures d'ongles sales, cérumen séché, bave, salive et poils, peluchons et cheveux gras. Une leçon de vie ? Ne pourrait-on pas mener sa barque vers le bonheur dans se salir un peu les mains ? On est loin de la lumière éclatante du conte de fée classique : pas de prince charmant ni de chevaux blancs ni de carrosse et aucune bétaillère remplie de marmaille piaillante n'est garantie pour l'avenir. Isée retrouve tout simplement ses parents. Oui... Bon... voilà.
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