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Critique de Manetheren


Moi, Julia fait honneur au roman historique. Non seulement cette période d'instabilité impériale se prête à merveille à toute sorte de récit, mais l'approche centrée sur Julia est intéressante. Donner une telle ampleur à une impératrice qu'on connait surtout par ses actions après la mort de son mari est un pari. le tout est ficelé avec beaucoup de finesse. Initialement un peu effaré par la taille du livre (c'étaient les épreuves non corrigées avec du papier bien épais), je me surpris à courir derrière les pages, au gré des massacres d'arènes, des cursus honorum foudroyants et des charges de triplex acies.

Santiago Posteguillo, qui a aussi rédigé des séries de romans sur Scipion l'Africain et Trajan, nous livre ici le récit d'une des périodes troubles de la Rome antique : l'année des cinq empereurs. Pendant un an, cinq hommes vont lutter, obtenir et perdre le pouvoir absolu sur l'Empire romain. Et après ce temporaire crépuscule vient un court renouveau pour Rome, avec l'avènement de Septime Sévère (désolé, ce n'est pas ce qu'on appellerait un spoiler). C'est ce parcours que nous suivons dans ce roman.

Oh, cinq hommes et une femme. En vérité, une pour les gouverner tous. Et c'est peu dire que d'affirmer que Julia Domna veut le pouvoir absolu. Son objectif : faire de Septime Sévère, au début du roman Gouverneur de Pannonie Supérieure, le fondateur d'une nouvelle dynastie à la tête de l'Empire Romain.

Seulement, Julia est non seulement douée d'un courage à toute épreuve, comme en atteste son attitude face à ce taré de Joker... Euh, de Commode. Désolé, je confonds tous les rôles de Joaquim Phoenix, en même temps, c'est sa faute, il n'incarne que des cinglés, bon. Donc, non seulement elle fait preuve d'une ténacité sans faille, dans les moments de tension avec Septime, dans les moments de grand péril pour sa famille, mais elle est un personnage d'une intelligence redoutable.

Stratège sans pitié, elle défie et défait les rivaux de Septime et ses propres ennemies. Elle planifie à long terme son projet de dynastie, bâtit depuis son adolescence chaque marche vers la réalisation de sa prophétie : elle épousera un roi. Et comme Julia est une partisane de l'obligation de résultat, tout y passe. Élimination par poison, neutralisation des familles rivales (à force de lire l'actualité, on finit par utiliser le même lexique litotique), manipulation sur l'oreiller (bon, ça, est-ce vraiment de la manipulation, chacun fera son interprétation).

Julia Domna prouve à chaque chapitre sa sagacité et son "art de la guerre", parfois mis en lumière par des adversaires pugnaces, vifs mais moins retors qu'elle : Didier Juju, Sallinatrix ou le vilain Plautien. L'écriture donne un personnage qui surplombe totalement la scène, sauf à quelques moments cruciaux. On peut s'interroger sur le réalisme historique du personnage ainsi rédigé. D'ailleurs, la post-face du livre éclaire un peu sur la rédaction de Posteguillo. Embrassant globalement la vision du personnage par Dion Cassius et Hérodien, l'auteur a pris le parti de narrer un personnage "dramatique et puissant" comme le dit l'historienne Barbara Levick, mais surtout "une femme et une étrangère". Dès lors, cette vision vient avec force irriguer la narration comme la haine de Sallinatrix et ses comparses pour Julia.

Quelques personnages sympas à découvrir : le couple d'esclaves Calidius et Lucia, avec de remarques lignes de dialogues, et évidemment le narrateur, Galien et ses obsessions pour la dissection. Clairement, lui, il aurait toujours été à l'heure pour les cours de SVT.

Heureusement que d'autres tomes sont prévus, car on peut regretter certaines storylines en retrait dans le récit : le pauvre Laetus qui se fait victimiser par le fourbe Plautien (je ne l'aime vraiment pas celui-là), l'opposition qui sent la choucroute entre ce dernier et Julia, et les ferments de ce qui va arriver entre Geta et Bassien, que nous connaîtrons par la suite sous le nom de Caracalla.

Je n'ai pas beaucoup de contrepoints à apporter : le livre est bien fichu, ça se dévore, les personnages sont bien construits pour la grande majorité, le récit est rythmé et intéressant. Pour un ou une fan d'histoire, ce roman est une belle plongée dans la quasi fin du Haut-Empire romain. Pour tout autre amateur de politique, c'est un récit aussi palpitant. Pour ceux ou celles qui n'aiment ni l'histoire, ni la politique, ni les romans, ni rien, c'est dimanche, allez, on va boire un verre.

Merci à Babelio et les éditions du Cherche Midi pour le livre, pour la rencontre et pour ces beaux moments d'échange avec l'auteur.
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