Aux autres, et en particulier aux politiques, de faire le sale boulot, de conformer le monde à l’idéal de l’Économiste.
Si, aux États-Unis, le coût marginal pour émettre une tonne en oins est de 40 $, et s’il n’est en Chine que de 5$, les États-Unis peuvent trouver un accord mutuellement avantageux avec la Chine : ils augmentent d’une tonne leurs émissions et évitent ainsi de dépenser 40$, puis ils versent 5$ à la Chine pour qu’elle réduise se propres émissions d’une tonne. Cette transaction, qui suppose un transfert de fonds entre les deux pays, fait apparaître un surplus de 40-5=35 qui améliore globalement la situation, ici, au profit des États-Unis, mais qui pourrait être partagée entre les deux pays. Cette transaction ne modifie pas le climat car le niveau total des émissions n’a pas bougé mais diminue les coûts totaux.
L’argumentation en faveur d’un prix unique se fonde sur un monde de marchés parfaits et d’individus rationnels, qui ne connaît qu’une seule imperfection : le rejet de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
Le manque de courage des politiques n’est pas tant en cause que la paresse de l’Économiste : son idée simple est trop simple, et de fait impuissante ou impraticable selon les situations.
Ses défauts sont à la mesure de sa généralité : immenses.
Science de l’allocation efficace des ressources rares, l’économie analyse le changement climatique à partir du principe général suivant : lorsqu’une ressource, comme l’atmosphère, est mise à disposition gratuitement, elle subit une surexploitation ; en effet, les agents économiques, qui ne paient pas le prix de son utilisation, on tendance à trop solliciter cette ressource par rapport au niveau optimal. Le réchauffement climatique est considéré comme un symptôme de la surexploitation de la capacité de l’atmosphère à absorber des gaz à effet de serre. L’identification du problème dicte une solution toute trouvée :il faut rendre coûteuse l’utilisation de l’atmosphère, c’est-à-dire faire payer les émissions.
Organiser un marché mondial des quotas d’émissions, avec distribution généreuse pour les pays pauvres, est un remède impuissant, car l’accord sur la distribution est impossible et, sans une autorité mondiale, un tel marché est impossible à faire fonctionner. Obnubilé par l’efficacité théorique, l’Économiste a simplement oublié les conditions sociales et politiques qui permettent l’instauration et le fonctionnement d’un marché.
L’Économiste voit la paille dans l’œil du politique mais pas la poutre qui est dans le sien.
Comme l’analyse coût-bénéfice l’a montré, le discours économique donne du changement climatique une image rassurante : il en fait un phénomène de très faible importance économique qu’il est facile de surmonter.
L’Économiste est grisé par son cadre cognitif et la puissance de ses instruments analytiques. Il se prend pou un explorateur qui ferait confiance à la carte qu’il aurait rêvée. Rassuré sur la route à suivre par le discours économique, il se lance à la poursuite de chimères, sans prêter la moindre attention aux signes avant-coureurs de la tempête que son imprudence provoque.