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Critique de Bequelune


Testo Junkie est un livre au format très original, un peu foutraque : l'auteur-e (qui, depuis, se fait genrer au masculin mais ce n'tait pas le cas en 2008) raconte sa prise de testostérone hors de tout accompagnement médical, mais aussi des considérations théoriques sur le capitalisme et la pharmacologie, sans oublier de nombreux passages autobiographiques qui font la part belle aux scènes de sexe racontées très directement. On est donc à la fois sur un essai, une autobiographie, un récit porno lesbien.

Au niveau du contenu, prenons les choses une par une. La partie autobiographique est celle qui m'a le plus intéressée. Parce que Preciado y raconte son enfance de gamine, déjà lesbienne, dans une société très patriarcale (on est dans l'Espagne de Franco). Aussi parce qu'elle s'y étend sur sa relation avec Virginie Despentes, qui était sa compagne à l'époque, et il y a un petit coté fascinant à entrer ainsi leur intimité passée. La partie porno est étonnante, mais ça m'a amusé que l'auteure ose écrire ces passages dans un livre de philosophie, discipline en général beaucoup plus prude. Je note une fascination pour le godemiché, déjà présente dans le Manifeste Contra-Sexuel du même auteur-e.

La partie théorique est plus ardue, parce que très confuse. Sa thèse principale est qu'on aurait changé de régime de subjectivation. En mélangeant la biopolitique de Michel Foucault et la construction performative du genre de Judith Butler, Preciado théorise l'idée d'un capitalisme qui fabrique et contrôle les corps via la commercialisation d'hormones synthétiques d'une part, et la pornographie d'autre part. Un contrôle qui n'est pas imposé par un pouvoir extérieur donc, mais produit depuis et par les individus eux mêmes. En résistance à ce régime de pouvoir, elle décrit plusieurs pratiques, notamment du « Gender hacking » comme les ateliers drags qui permettent de se réapproprier la production d'un rôle de genre et de jouer avec lui.

Preciado multiplie les références, sans prendre le temps de définir clairement de quoi elle parle. Elle aime bien également inventer des mots, comme ce régime « phamacopornographique » qu'elle théorise. Ça donne parfois l'impression d'un travail assez superficiel. D'autres fois, elle a des trouvailles intéressantes. J'aime beaucoup par exemple l'utilisation du vocable bio-femmes / techno femmes, qui me parle beaucoup plus et me semble plus pertinent que la formule classique cis / trans. Par contre, sa façon de penser sa transition comme une résistance politique est assez étonnante. Certes elle le fait en dehors d'un accompagnement médical ou psychanalytique, mais elle finira par adopter un genre et un état civil masculin, une apparence assez classique, dans un processus en soi très banal. Je comprends mal en quoi ses pratiques perturbent l'ordre hétérosexuel.

En résumé, voilà un livre qui a été écrit de façon inutilement compliqué car la thèse défendue ne l'est pas tant que ça. C'est peut être volontaire, comme une façon de noyer le poisson.
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