Les enquêtes de Charlotte Latourette : Meurtres-frites à la crème

L'influence des séries et l'engouement pour les faits divers rendent les gens suspicieux. Ils voient des crimes partout.

- Gendarmerie de Tarteville en mer.
- Je... il... il y a une vieille dame sur la terrasse.
- À cette heure ?
- Je veux dire... il y a un cadavre sur la terrasse. Venez tout de suite.
Le mot cadavre me met en mode panique, je ne sais pas comment il est sorti de ma bouche. J'ai les jambes qui se ramollissent et la gorge serrée tout à coup. Et si c'était un crime ? L'agresseur rôde peut-être encore ou je l'aurais dérangé au beau milieu de son larcin. J'en tremble.
- Pardon, vous pouvez répéter ?
La frousse me donne une logorrhée pleine d'agressivité.
- Mais monsieur, vous croyez que je n'ai que ça à faire ? Je suis la propriétaire du restaurant La Pompadour. Une vieille dame semble à moitié morte sur un banc en bord de mer.
- Elle est morte ou pas ?
- Je ne suis pas médecin.

Il n’y a pas de vide dans Paris, ce n’est que du plein de pierres, de véhicules, de gens et de bruits.

Mamie repose sa tasse.
— Elle était habillée comment ?
— En chemise de nuit, sans gilet, sans robe de chambre.
— Bordel de Dieu, pourquoi une petite vieille sortirait-elle de chez elle en nuisette en plein hiver ?
Je souris, Mamie à quatre-vingt-cinq ans et pour elle toutes les femmes de plus de soixante-dix sont des petites vieilles sauf elle.
— Elle est peut-être somnambule.
— Elle était coiffée ?
— Il faisait nuit, mais si tu veux dire brushing et tutti quanti… Non. Par contre, je me souviens qu’elle avait un pied nu.
— Sans chaussure ?
— Sans pantoufle.
— Elle était en pantoufles ?
— Oui.
— C’est pas catholique cette affaire.
— Serais-je vraiment le témoin d’une scène de crime ?
— Ce n’est pas impossible. Une chose est sûre, si on l’a assassinée, on ne l’a pas fait pour son argent. Elle n’en avait pas. À moins qu’un rôdeur de passage comptait sur son porte-monnaie… Le pauvre, il est mal tombé !