Pierre, Jean, Jacques et les Autres...

Les humains sont ainsi faits que certaines de leurs blessures cicatrisent vite pour mieux leur donner envie de recommencer. C’est pour cela qu’on arrive à faire d’autres bébés après. Je sais que l’amour peut engendrer la douleur, mais que, parfois aussi, il nous la fait oublier. Je le sais parce que j’ai accouché et parce que j’ai aimé Louis. Une histoire d’amour dans laquelle je me suis fait mal plus d’une fois en oubliant la contraction précédente.

Je n’étais pas vraiment malheureuse, en fait. Je vivais en mode ver de terre. Le genre de ver de terre tellement bien chez lui qu’il préfère rester sous terre plutôt que de mettre le nez dehors, même les jours de pluie.

Je dis oui très souvent. Trop peut-être.
Ce n’est pas tant ma propension à toujours dire oui qui me dérange que ma difficulté à dire non. Je dis oui pour ne pas déplaire, pour qu’on m’aime, pour acheter la paix.

Comme bien des femmes de ma génération, je souffre d’un syndrome chronique de culpabilité, ce qui fait que j’ai dû prendre sur moi pour ne pas flancher, en me rappelant que pour une rare fois je me choisissais, moi. J’ai géré tout ça assez froidement, ce qui m’était nécessaire pour que je trouve le courage de me rendre jusqu’au bout. Tellement froidement en fait que des proches m’ont prévenue qu’une fois tout cela terminé je craquerais.

J’use souvent d’ironie pour dédramatiser certaines situations et je suis consciente que mon humour n’est pas apprécié ou compris de tous.

Dans le langage québécois, un Pierre Jean Jacques, c’est tout le monde et n’importe qui. C’est un homme avec qui on va au restaurant un samedi soir et dont le prénom nous échappe le dimanche. Ou cet autre qui nous déconcerte avec sa collection de clowns en porcelaine dans la salle à manger et ses toutous sur le lit. Cet autre encore à qui on enverra par erreur un texto dans lequel on le qualifiera de « pénible ». Ou ce dernier, enfin, qui nous foudroie, avec qui on imaginera le début d’une histoire, mais qui ne rappellera jamais.