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Critique de Arimbo


Ce cinquième tome de A la recherche du temps perdu est le premier des tomes de l'oeuvre de Proust qui fut publié après sa mort et qui ne fut donc pas complètement revu par l'auteur.
De ce fait, certaines incohérences mineures y subsistent telles le fait que l'un des protagonistes y évoque la mort du Dr Cottard, l'un des fidèles de « l'Eglise » des Verdurin alors que, quelques pages plus loin, ce dernier, toujours bien vivant, vient au secours du pauvre Saniette qui vient d'avoir une attaque à la sortie de la matinée organisée par les mêmes Verdurin. Aussi, la mention erronée des 10 musiciens du septuor de Vinteuil, ou celle de la tante Octave, en réalité la tante Léonie, etc....

Mais ce sont des détails qui n'altèrent en rien, en ce qui me concerne, la beauté et la profondeur du récit.
Et cela bien qu'il ne s'y passe pas grand chose, et qu'après des moments radieux de matins égayés par les cris des artisans et commerçants ambulants de Paris, des tendres partages amoureux avec sa « prisonnière » Albertine, l'enfermement jaloux dans lequel s'installe le narrateur, les affres de ses soupçons maladifs, rendent progressivement l'atmosphère pesante, jusqu'au départ subit d'Albertine qui clôt le récit.

Cependant la matinée chez les Verdurin, organisée par un Charlus toujours aussi hors normes et complètement inconscient de l'affront qu'il fait à ses hôtes (qui lui feront payer cruellement, de manière détournée), va nous conduire vers d'autres horizons. Elle va amener le narrateur à nous faire ressentir de façon forte l'émotion que lui procure l'écoute musicale du septuor du compositeur Vinteuil (mort lors du premier tome, « du coté de chez Swann » ). Et nous faire la suggestion que la sensation artistique, l'art en général, représentent un chemin vers l'appréhension du monde différent et plus fort que l'approche par « l'intelligence », c'est-à-dire la connaissance par la raison.
Tout aussi remarquable est la discussion passionnante que le narrateur va avoir avec Albertine sur la création littéraire et sur les écrivains, dont Dostoïevski. Discussion qui fait écho à la mort brutale de l'écrivain Bergotte, dans laquelle est évoqué douloureusement par ce romancier, à la vue du tableau La vue de Delft de Veermer, le sentiment de son propre échec de n'avoir pas réussi à atteindre l'absolu dans son activité créatrice.

Proust, c'est tout un monde qu'il faut savoir appréhender, ce n'est pas toujours facile, la lecture est exigeante.
Mais ce monde complexe dans lequel un narrateur, qui n'est pas Proust, ne l'oublions pas, nous emmène, est pour moi tout à la fois une analyse profonde et sans concession des comportements humains, une méditation sur la vie, aussi une réflexion sur le temps et la mémoire, sur la fonction de l'art, sur les rapports entre raison et émotion. Et tout cela sans être nullement l'habillage romancé d'une prétention philosophique. Il me semble que c'est sans équivalent dans la littérature et je ressens que je suis loin d'en avoir fait le tour.
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