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Critique de ktylauney


Dans ce volume, la prisonnière c'est Albertine. Malgré tout ce qu'elle a pu caché je l'ai plainte du début à la fin.
Qu'on ne me dise pas qu'il est question d'amour quand un homme fait escorter celle qu'il aime par Andrée, son amie, qui lui fait au retour de chaque sortie un compte-rendu détaillé. Où sont-elles allées ? Qui Albertine a-t-elle rencontré ?
Le narrateur, on sait enfin qu'il se nomme Marcel ( car son prénom est cité ici pour la première fois ), pense d'Albertine qu'elle a des désirs pervers, mais qui est le plus pervers des deux sinon lui ? Un homme qui se sert du corps de son amie, de sa présence, de son sommeil, pour atteindre l'apaisement sans tenir compte des sentiments de la jeune fille. Il est souvent indifférent, voire méprisant. Il l'attend impatiemment, s'imaginant à longueur de journées où il reste enfermé chez lui, s'emprisonnant lui-même, où elle peut être, ce qu'elle fait et avec qui. Plus il est jaloux moins il a envie de la quitter car il l'aime uniquement dans la jalousie, la tristesse et la souffrance. Enfin l'aimer, ce n'est pas le terme exact quant à ce qu'il ressent pour elle. La jalousie associée à la possession ne font pas bon ménage avec l'amour. Il ne supporte pas que la jeune fille puisse lui échapper et ne pas lui appartenir corps et âme. Il voudrait entrer en rivalité avec les amant(e)s d'Albertine, la leur arracher et sortir vainqueur du combat.
Cependant quand Albertine reprend une attitude soumise et plus ou moins tendre elle ne l'intéresse plus, elle l'ennuie. C'est dans ces moments qu'il aimerait rompre définitivement. D'ailleurs il fait preuve d'un certain sadisme en lui disant que tout est fini, qu'il faut en arrêter là, qu'elle doit partir et ne plus chercher à le revoir, jamais. Et il espère au final une réconciliation sur l'oreiller après lui avoir fait peur et que ça lui aura servi de leçon.

Cette relation entre eux ça ressemble à tout sauf à de l'amour. L'amour, inutile de dire qu'il est fait de passion, de tendresse profonde, de douceur, de partage, et surtout de confiance.
Le narrateur a tout du pervers manipulateur. Voilà c'est dit... Il ne la frapperait pas mais ses mots sont méchants, ses questions et ses accusations sont assassines. Même si Albertine a menti, même si elle a réussi à le tromper pendant son séjour où elle vit avec Marcel dans l'appartement familial déserté des parents, je serais tentée de dire que c'est bien fait pour lui, qu'il n'aurait que ce qu'il mérite en retour de ce qu'il lui fait subir quotidiennement, allant pousser le bouchon un peu trop loin en cherchant par tous les moyens à l'empêcher de se rendre où elle veut, seule ou accompagnée de lui, pour qu'elle ne rencontre pas ses anciennes amies.

A la recherche du temps perdu, tome 5 : La Prisonnière est tel un huis-clos étouffant. Marcel Proust développe la jalousie du narrateur qui livre ses états d'âme du début à la fin du récit.
Et à vrai dire ça m'a exaspérée de le voir obnubilé par Albertine jusqu'à chercher les plus petits indices de sa tromperie, vouloir en faire une femme-objet façonnée de ses mains à sa disposition, surveillant ses moindres faits, gestes et paroles. Pour lui elle a tous les vices, elle est menteuse, dit tout et son contraire. Mais il pense l'aimer à sa manière tout en enrageant de ne pas la posséder complètement car s'il dispose de son corps il n'a pas accès à ses pensées, à ses secrets.

Mis à part le couple Albertine/Marcel qui bat de l'aile, Mme Verdurin s'est chargée de détruire celui de Charlus avec Morel à l'issue d'un soirée où M. de Charlus a récolté tous les honneurs en mettant avec ses invités la Patronne de côté. Vexée, humiliée, elle décide de se venger sans attendre. Ses propos mensongers et diffamatoires font mouche et Mme Verdurin  arrive à retourner Morel contre Charlus qui, assommé, voit son bonheur s'effondrer.

Un volume au récit assez complexe de par les réflexions contradictoires du narrateur que je n'ai aucune envie d'appeler par son prénom parce que décidément je ne me sens pas du tout proche de lui, n'arrive pas à lui trouver d'excuses quant à son comportement envers Albertine. Il aurait dû partir de Balbec seul, la laisser mener une vie libre et quant à lui partir à Venise comme il en rêvait et s'y faire de nouvelles relations charnelles et éphèméres.

Ce cinquième tome fini nous laisse avec l'image de malles remplies et d'une hirondelle qui vient de s'envoler, laissant le narrateur seul avec sa conscience. Je ne suis d'ailleurs pas mécontente qu'elle l'ait quitté de sa propre initiative avant qu'il n'ait eu le plaisir de lui demander en premier de s'en aller. Bref il récolte le résultat logique de sa jalousie maladive et de sa possessivité.
Et elle, l'aimait-elle un peu ? Qu'attendait-elle de lui ? Des questions restent sans réponses. Voyant son amour sans réciprocité ou la rupture proche, ou les deux, ou un avenir commun avec un semblant de vie conjugale en restant prisonnière de lui et de sa jalousie morbide, tous ces paramètres ont certainement pesé dans la balance pour qu'elle le quitte aussi subitement.
Certainement qu'Albertine ( sans la rendre noire comme du charbon comme le fait le narrateur ) a des choses à se reprocher, et peu importe, on l'apprendra bien assez tôt, mais là le calvaire a assez duré pour elle. Il aurait dû se douter qu'une jeune fille qui était gaie et libre comme l'air iodé de Balbec finirait par devenir triste et par s'étioler comme une fleur en manque d'eau avec pour seul compagnon un jeune homme rigide, soupçonneux et morose flanqué d'une servante qui en plus la déteste, voyant en elle une enjôleuse et une intrigante, ayant prévenu le jeune homme " qu'elle lui ferait du chagrin ". du chagrin qu'il sait se provoquer lui-même. 
Les voilà tout deux libérés du piège mental qui les enfermaient dans une relation malsaine.
La liberté retrouvée pour Albertine qui pourra aller papillonner dans d'autres lieux et son malheureux compagnon qui peut-être s'apercevra de ses erreurs, peut-être même qu'elle lui manquera et qu'il réalisera qu'il l'aimait vraiment, mais trop tard pour lui. Je crains le pire dans le volume suivant vu qu'on va certainement le retrouver en train de faire son Calimero. A suivre donc...
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