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Citations sur La police des fleurs, des arbres et des forêts (86)

– Que construisent-ils ?
– Monsieur l’maire veut ériger un monument à la mémoire de Joël. Pour qu’on l’oublie pas. Il était très aimé ici. À ce propos, il s’excuse de pas pouvoir vous recevoir aujourd’hui. Il est pris à l’usine. Il vous recevra demain à 15 heures. En attendant, il m’a demandé de bien m’occuper de vous.
– Un monument ! Alors que la victime n’est pas encore enterrée ! Dites donc, vous allez sacrément vite, à P. ! Et moi qui pensais que l’on prenait son temps à la campagne.
– Au contraire, on a rien d’autre à faire, inspecteur. Et puis, Joël a été enterré.
– Comment ça ?
– Ce matin, à 9 h 30.
Je tombe des nues.
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Je lève la main pour arrêter mon interlocuteur et signer là la fin de ce sujet ô combien didactique, car mon attention vient d’être attirée par deux ouvriers en débardeur, agenouillés, spatule dans une main, brique dans l’autre et cigarette au coin des lèvres, qui s’affairent au milieu de la place du village sur laquelle nous venons d’entrer, alors qu’une bétonnière tourne paisiblement à leurs côtés.
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Mais pour rendre cette conversation un brin plus intéressante, disons que je suis toujours un peu révolté lorsque j’entends quelqu’un s’exclamer « Hitler était inhumain ! », alors que ce qu’il a fait, sans l’approuver cela va sans dire, est, au contraire, très humain. Incontestablement humain même ! Vous connaissez beaucoup d’animaux, vous, qui construiraient des camps de concentration pour y exterminer d’autres animaux à cause de leur couleur de peau ou leur religion ?
– Maintenant que vous le dites, inspecteur… Mais ça me fait bien bizarre de penser qu’Hitler était un type très hum…
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– On ne dit plus inspecteur mais officier de police depuis 1954, mais je préfère moi aussi le terme inspecteur, que je vous autorise donc à utiliser à mon égard. Quant à mon pain quotidien, vous avez raison, chef, d’une certaine façon, reconnaissons-le, à M., on en voit de toutes les couleurs.
– J’me demande quel est l’animal qui a fait ça, dit-il en secouant la tête d’un air triste, sans que son regard quitte une seule fois la route.
– Sans vouloir être tatillon, un animal ne découpe pas ses pairs en morceaux avant de les emballer dans des sacs en papier…
– Façon de parler, inspecteur.
– J’avais compris.
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Il a quelque chose du gendarme de Guignol, brun, grande moustache, des manières que je qualifierais de bourrues, que son accent du terroir n’arrange guère. Il porte des chaussures de montagne, un pantalon kaki et une vareuse de même couleur avec des épaulettes vertes surmontées d’un épi de blé et d’une fleur cousus en fil d’argent. Il a une plaque dorée au bras droit, tenue par une bande élastique, sur laquelle est écrit « LA LOI ». Un revolver pend à sa ceinture dans un vieil étui en cuir qui semble revenir de la guerre.
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– Bénie soit madame la procureur de la République (vous voilà presque sanctifiée !) pour avoir envoyé aussi vite un inspecteur de police de la grande ville ! s’exclame le garde champêtre chef Jean-Charles Provincio, les mains crispées sur le volant. On n’a pas l’habitude de ce genre d’horreurs. Ici, c’est plutôt la police des fleurs, des arbres et des forêts, si vous voyez ce que je veux dire. Les braconniers, les querelles entre paysans pour un centimètre de terre, les incendies provoqués par des pique-niqueurs insouciants. C’est bien la première fois de ma carrière que je vois une atrocité pareille. D’ailleurs, en y pensant bien, y a jamais eu de crime à P., que des morts naturelles, quelques suicides à la rigueur. Pour notre premier meurtre, on n’a pas fait dans la demi-mesure. J’imagine que ça doit être votre pain quotidien, inspecteur.
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Les enregistrements audio seront toujours plus fiables. Ils conservent les inflexions de la voix, on peut y entendre les choses telles qu’elles se sont déroulées, les réécouter à outrance sans que jamais le souvenir ne soit altéré. Et pour plus de fidélité encore dans cette recherche de la vérité, je suis ce que l’on pourrait nommer un graphomane. J’écris continuellement, partout. Sur des emballages de chewing-gums, sur le menu cartonné des restaurants, en marge de mes livres. Un jour, manquant de papier, j’ai même écrit sur un pan de ma chemise blanche. Je vous laisse seule juge de ma folie.
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En chemin, dans une vieille Renault 4CV verte (de 1947, une des premières !), sale et dont les amortisseurs grincent comme un sommier mal huilé, j’ai reçu de sa part un compte rendu de la situation que je me propose de vous exposer dans les moindres détails, dialogues et commentaires personnels à l’appui, dans l’Annexe 1 de cette lettre. J’ai dernièrement fait l’acquisition d’un magnétophone à bande magnétique portable dont je ne peux plus me passer. Activé en permanence dans ma serviette en cuir (j’ai voyagé avec une quantité de piles et de bandes que mon sens du ridicule m’empêche de vous révéler), il me permettra d’enregistrer toutes les conversations d’intérêt avec une précision dont aucune mémoire humaine, pas même celle du meilleur officier de police qui soit, ne pourrait se vanter.
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Je ne sais pas si mon âge (j’aurai vingt-cinq ans dans quatre mois) a surpris le chef Provincio qui, lui, frise la quarantaine. Je ne sais pas non plus s’il voit d’un mauvais œil de se faire commander pendant quelques jours par un homme plus jeune, mais il a aussitôt adopté envers ma personne une forme de respect, ma foi fort agréable, dont j’ai peu souvent été témoin dans la grande ville.
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Un garde champêtre, d’après ce que j’ai compris le garde champêtre chef de P., un chef qui ne commande personne, est venu m’accueillir à la gare. À noter qu’il s’est tout de suite dirigé vers moi sur le quai, comme si nous nous connaissions de longue date, ce qui n’a laissé de m’étonner. Parce que je portais un imperméable, m’a-t-il appris par la suite. Cet habit, pas très commun à la campagne, rendrait ma silhouette identifiable de loin, au moins autant que si je portais un képi bleu, une pucelle siglée Police sur la poitrine et une matraque à la ceinture. C’est un peu mal parti en ce qui concerne la discrétion que vous m’avez imposée. Inutile de vous préciser qu’à l’heure où j’écris ces lignes, je me suis débarrassé du pardessus délateur. Il ne quittera plus ma chambre pendant toute la durée de mon séjour. La chaleur étant étouffante dans cette partie de la région (P. se trouve dans une cuvette entre deux montagnes escarpées), je ne devrais avoir aucun problème à m’en tenir à cette décision. Je garderai cependant ma veste de costume en toutes circonstances, ne serait-ce que pour dissimuler mon pistolet automatique et préserver un semblant d’élégance dans ce nouveau décor qui en est particulièrement dénué.
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