AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de larmordbm


Eloignée de Pascal Quignard depuis Tous les matins du monde et Villa Amalia, des livres somme toute assez accessibles, je le redécouvre avec L'amour la mer, un livre plus dense, plus ésotérique, composé de multiples fragments, comme autant de focus sur des moments-clés de la vie d'une poignée de musiciens du XVIIème siècle pendant les guerres de religion qui ont embrasé l'Europe.
Nous sommes d'entrée de jeu plongés dans une scène qui évoque un tableau de Georges de la Tour. Une écriture reproduisant les jeux de clair-obscur du peintre nous invite à partager une séance de jeu de cartes, un rassemblement de musiciens s'apprêtant à donner un concert. Les lumières vacillent, mettant en valeur des détails, rejetant dans l'ombre certains personnages.
Point de linéarité, ni de chronologie dans la construction du roman, mais plutôt des aperçus, des éclairages successifs, par petites touches qui vont offrir au final une vision d'ensemble, celle que Pascal Quignard s'est construite, entremêlant éléments historiques et données liées à sa propre histoire. Musicien, érudit, doté d'une grande culture classique et philosophique, passionné de musique baroque, l'auteur revisite la vie de quelques compositeurs et copistes célèbres ou imaginaires, à l'aune de sa propre expérience de violoncelliste, et plus intimement d'enfant non attendu et aimé, ayant traversé, selon ses propos, des phases d'autisme et des difficultés à accéder au langage.
Il disserte de manière poétique, fait des détours, des embardées sur l'amour, la mort, la vie avant la naissance, en s'appuyant sur les trajectoires, les rencontres, les destinées de ces hommes et femmes qui sillonnent l'Europe du Nord pour jouer auprès des monarques de l'époque et qui, pour la plupart d'entre eux, sont peu à l'aise avec les codes sociaux, refusent de transcrire leurs compositions, et vivent souvent à l'écart du monde.
Et puis au centre du roman, il y a l'histoire d'amour magnifique et tragique entre Hatten et Thyssen, un amour impossible entre ces deux musiciens que tout rapproche, mais qui ne pourront s'aimer que deux fois neuf mois. Pour des raisons qu'ils ne comprennent pas, ils doivent se quitter et vivre éloignés l'un de l'autre, un attachement ne leur étant pas permis, abandonnés tous deux par leur mère dans leur enfance, et dépourvus d'une langue qui aurait pu les relier, la musique, antérieure au langage pour Quignard, ne suffisant pas.
C'est beau, émouvant, certes un peu hermétique parfois, mais cela donne envie de pénétrer plus avant l'univers passionnant de cet auteur.
Commenter  J’apprécie          378



Ont apprécié cette critique (35)voir plus




{* *}