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EAN : 9782070387731
116 pages
Gallimard (16/11/1993)
3.67/5   1294 notes
Résumé :
"Il poussa la porte qui donnait sur la balustrade et le jardin de derrière et il vit soudain l'ombre de sa femme morte qui se tenait à ses côtés. Ils marchèrent sur la pelouse.
Il se prit de nouveau à pleurer doucement. Ils allèrent jusqu'à la barque. L'ombre de Madame de Sainte Colombe monta dans la barque blanche tandis qu'il en retenait le bord et la maintenait près de la rive. Elle avait retroussé sa robe pour poser le pied sur le plancher humide de la ba... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (187) Voir plus Ajouter une critique
3,67

sur 1294 notes
Qu'il est bon que la littérature nous rappelle que « tous les matins du monde sont sans retour » (page 107 de l'édition folio N° 2533) !
J'ai vu hier soir le magnifique film d'Alain Corneau, réalisé à partir de ce livre en 1991 et j'ai voulu comparer. Une centaine de pages à lire en un peu plus d'une heure et presque deux heures de film, quel ravissement des sens ! La concision du livre est remarquable. C'est un plaidoyer pour la vie avec comme fil conducteur une réflexion sur les affres de la création artistique (la musique et la peinture avec les natures mortes que Sainte Colombe commande), sur le deuil, sur la nature et sur l'amour.
Je termine mon modeste éloge par cette citation symbolique (page 90) :  « Ne soyez pas dans l'inquiétude. Votre barque est pourrie depuis longtemps dans la rivière. L'autre monde n'est pas plus étanche que ne l'était votre embarcation. »
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Dans ce bref roman, écrit sans fioriture à la façon d'une nouvelle, Pascal Quignard nous donne à imaginer l'étrange relation qui s'est établie entre le musicien baroque de Louis XIV Marin Marais et celui qui est considéré comme son maître de viole, Jean de Sainte-Colombe.

Époque baroque mais style de l'auteur qui ne l'est absolument pas, tellement il est allé chercher loin dans l'épure. Il tente de recréer un peu de la façon de s'exprimer de cette époque, avec notamment des personnages désignés comme " Monsieur de Ceci, Monsieur de Cela ".

Pascal Quignard établit assez fréquemment des ellipses, destinées, je pense, à secouer un peu son lecteur, à le rendre attentif et même actif. Il agrémente également sa narration volontairement compassée de quelques éclairs érotiques ou de formules situées au-dessous de la ceinture histoire qu'on n'oublie pas qu'il est bien un écrivain de son temps.

Il est évident que le personnage énigmatique de Sainte-Colombe aimante notre curiosité. Présenté comme un taiseux qui fuit les mondanités, sorte de vieux maître asiatique d'arts martiaux terré dans sa forêt, parfois victime d'hallucinations et qui s'exprime en brandissant sa viole et son archet comme un moine Shaolin s'élancerait dans une série de cabrioles en faisant virevolter son bâton.

L'auteur nous y présente Marin Marais comme un musicien talentueux mais un tantinet malhonnête et intéressé, désireux de briller à la cour de Louis XIV tout en subtilisant les innovations musicales de de Sainte-Colombe.

Ayant été rapidement congédié par le vieux maître, le jeune Marais tente de s'introduire en cachette dans la maison de de Sainte-Colombe, en soudoyant notamment les deux filles de ce dernier dans un but clairement intéressé. de la viole au viol, n'y aurait-il qu'un pas ?…

Je ne vous en dis pas davantage car j'ai déjà très peur de frôler la fausse note. Un petit ouvrage que je trouve assez plaisant, mais sans plus, probablement pas un chef-d'oeuvre absolu de la littérature mais une facture très honnête. À vous de voir car, au demeurant, ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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Quel livre! Quelle merveille! J'ai lu avec grande émotion ce superbe texte, me remémorant le si beau film d'Alain Corneau. Une histoire toute simple en vérité, un Maître de musique, spécialiste de la viole de gambe, vivant en reclus après la mort de sa femme - décès dont il ne se remet pas - avec ses deux filles, et sa passion la musique. Monsieur de Sainte Colombe ayant refusé les honneurs de la cour du roi Louis XIV, ne vit que pour l'art musical, n'existe que par la musique. Amour de la musique qui transpire tout au long du roman, où le lecteur comprend qu'interpréter avec talent de la musique ne fait pas de l'exécutant, si habile soit-il, un musicien. Il faut vibrer avec son instrument, il faut que la musique soit capable de réveiller les morts. Ce roman très court est rédigé de main de maître par Pascal Quignard. Une bien belle oeuvre!
Lien : http://araucaria.20six.fr
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Tous les matins du monde, un petit livre de rien du tout (117 pages) mais grand
par son contenu. Monsieur de Sainte Colombe, musicien connu (on ne sait pas très bien si c'est le père ou le fils), violiste, né vers 1640 et mort vers 1700, et le fils né vers 1660 et mort vers 1720 (sources Wikipedia). L'histoire quant à elle débute en 1650, donc cela ne peut être le père car il n'aurait que 10 ans, ni le fils car il n'était pas né! Dans l'histoire, Monsieur de Ste Colombe n'est plus tout jeune. Il vient de perdre sa femme le laissant avec deux petites filles âgées à peine de deux et six ans(.On ne dit pas ici qu'il a eu un fils) Il ne se remet pas de la mort de sa femme et se réfugie dans la musique avec sa viole de gambe.
Il l'enseigne à ses filles et forment ainsi un trio brillant, dont la réputation parvient jusqu'au roi Louis XIV qui lui fait demander de se produire à la Cour. Mais il refuse catégoriquement cette invitation par deux fois, à la fureur du roi et son incompréhension d'un tel refus. Monsieur de Ste Colombe donne des cours de viole et devient durant quelque temps le professeur de Marin Marais, également connu. Mr de Ste colombe vit presque en reclus. Madeleine, fille aînée de Mr de Ste Colombe tombe amoureuse de Marin Marais mais celui-ci la délaisse après quelque temps, elle ne s'en remettra pas et mourra tragiquement. Cette histoire est pleine de poésie, en le lisant, j'avais par moment, le sentiment de me trouver au centre d'une peinture impressionniste.
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Ce court texte, austère et profond comme le son de la viole, est une pure merveille.

Il est rare que la lecture convoque aussi puissamment tous mes sens : l'ouïe bien sûr puisque ce roman parle de musique, seule à même d'exprimer l'insondable tristesse des âmes en peine et de dialoguer avec les morts; mais aussi l'odorat, avec la perception du délicat fumet de la brume sur la Bièvre et du bois humide aux abords de la chaumière retirée de Monsieur de Sainte Colombe ; ou encore la sensation du mouvement, celui de l'archet sur le crin ou du pas de Marin Marais crissant dans la neige.

Il est difficile de rester insensible à ce récit initiatique qui verra l'élève Marais, après avoir épuisé tous les ors et plaisirs du monde, revenir à son maître qui s'en est depuis bien longtemps retiré, pour entendre véritablement, ayant enfin appris à pleurer, la leçon de musique de ce dernier.

Tant de richesse sertie dans tant de sobriété : un moment de belle littérature qui laisse un délicieux vague à l'âme.
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Citations et extraits (150) Voir plus Ajouter une citation
« Monsieur, il y a longtemps que je souhaite vous poser une question.
— Oui.
— Pourquoi ne publiez-vous pas les airs que vous jouez ?
— Oh ! mes enfants, je ne compose pas ! Je n'ai jamais rien écrit. Ce sont des offrandes d'eau, des lentilles d'eau, de l'armoise, des petites chenilles vivantes que j'invente parfois en me souvenant d'un nom et des plaisirs.
— Mais où est la musique dans vos lentilles et vos chenilles ?
— Quand je tire mon archet, c'est un petit morceau de mon cœur vivant que je déchire. Ce que je fais, ce n'est que la discipline d'une vie où aucun jour n'est férié. J'accomplis mon destin. »

Chapitre XIV.
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Vous pourrez aider à danser les gens qui dansent. Vous pourrez accompagner les acteurs qui chantent sur la scène. Vous gagnerez votre vie. Vous vivrez entouré de musique mais vous ne serez pas musicien.
Avez-vous un coeur pour sentir? Avez-vous un cerveau pour penser? Avez-vous idée de ce à quoi peuvent servir les sons quand il ne s'agit plus de danser ni de réjouir les oreilles du roi?
Cependant votre voix brisée m'a ému. Je vous garde pour votre douleur, non pour votre art.
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Monsieur de Sainte Colombe revint avec une bourse dont il dénouait le lacet. Il compta les louis qu'elle contenait, s'approcha, jeta la bourse aux pieds de Marin Marais et se retira. Marin Marais cria dans son dos en se remettant debout :
« Monsieur, vous pourriez rendre raison de ce que vous avez fait ! »
Monsieur de Sainte Colombe se retourna et dit avec calme :
« Monsieur, qu'est-ce qu'un instrument ? Un instrument n'est pas la musique. Vous avez là de quoi vous racheter un cheval de cirque pour pirouetter devant le roi. »
Madeleine pleurait dans sa manche en cherchant elle-même à se relever. Les sanglots faisaient frissonner son dos. Elle demeurait à genoux entre eux.
« Écoutez, Monsieur, les sanglots que la douleur arrache à ma fille : ils sont plus près de la musique que vos gammes. Quittez à jamais la place, Monsieur, vous êtes un très grand bateleur. Les assiettes volent au-dessus de votre tête et jamais vous ne perdez l'équilibre mais vous êtes un petit musicien. Vous êtes un musicien de la taille d'une prune ou bien d'un hanneton. Vous devriez jouer à Versailles, c'est-à-dire sur le Pont-Neuf, et on vous jetterait des pièces pour boire. »

Chapitre XIII.
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« Vous connaissez la position du corps. Votre jeu ne manque pas de sentiment. Votre archet est léger et bondit. Votre main gauche saute comme un écureuil et se faufile comme une souris sur les cordes. Vos ornements sont ingénieux et parfois charmants. Mais je n'ai pas entendu de musique. »
Le jeune Marin Marais éprouvait des sentiments mêlés en entendant les conclusions de son maître : il était heureux d'être accepté et il bouillait de colère devant les réserves que Monsieur de Sainte Colombe mettait en avant les unes après les autres sans marquer plus d'émotion que s'il s'était agi d'indiquer au jardinier les boutures et les semences. Ce dernier continuait :
« Vous pourrez aider à danser les gens qui dansent. Vous pourrez accompagner les acteurs qui chantent sur la scène. Vous gagnerez votre vie. Vous vivrez entouré de musique mais vous en serez pas musicien.
Avez-vous un cœur pour sentir ? Avez-vous un cerveau pour penser ? Avez-vous idée de ce à quoi peuvent servir les sons quand il ne s'agit plus de danser ni de réjouir les oreilles du roi ?
Cependant votre voix brisée m'a ému. Je vous garde pour votre douleur, non pour votre art. »

Chapitre X.
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Monsieur Marais approcha la chandelle du livre de musique. Ils regardèrent, refermèrent le livre, s'assirent, s'accordèrent. Monsieur de Sainte-Colombe compta la mesure vide et ils posèrent leurs doigts. C'est ainsi qu'ils jouèrent les Pleurs. A l'instant où le chant des deux violes monte, ils se regardèrent. Ils pleuraient. La lumière qui pénétrait dans la cabane par la lucarne qui y était percée était devenue jaune. Tandis que leurs larmes lentement coulaient sur leur nez, sur leurs joues, sur leurs lèvres, ils s'adressèrent en même temps un sourire. Ce n'est qu'à l'aube que Monsieur Marais s'en retourna à Versailles.
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Vidéo de Pascal Quignard
L'auteur Pascal Quignard a bâti une oeuvre érudite et sensible. Avec "Compléments à la théorie sexuelle et sur l'amour", il poursuit sa réflexion sur la sexualité et la relation amoureuse et nous parle d'art, de masochisme, ou encore de sirènes... Il est l'invité de Géraldine Mosna-Savoye et Nicolas Herbeaux.
Visuel de la vignette : Les Amants / René Magritte
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