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Critique de frandj


Pour moi, c'est un chef d'oeuvre dont le style est inimitable et qui a le mérite de la densité et de la concision. Je l'ai relu avec un immense plaisir.
Comme chacun sait, l'histoire se passe en France, au XVIIème siècle. Sainte-Colombe, un grand violiste blessé par la vie et retiré à la campagne, accepte à contrecoeur de donner des leçons à Marin Marais, un jeune homme qui espère devenir musicien du roi Louis XIV. Cette confrontation se révèle très conflictuelle. Madeleine, la fille aînée de Sainte-Colombe tombe amoureuse de Marin Marais, mais ce sera le début de sa perte; elle se verra préférer sa soeur cadette Toinette. Plus tard, le jeune musicien, ayant obtenu la consécration royale, reviendra régulièrement pour écouter en secret les "rêveries musicales" de son ancien maître.
Ce simple synopsis ne rend absolument pas l'atmosphère intense créée par P. Quignard. Il n'y a pas trace de mièvrerie ou de complaisance dans ce roman. On y trouve de la violence: Sainte-Colombe est un misanthrope, brutalement maladroit, très dur avec Marin Marais qui, de son côté, se comporte cruellement avec Madeleine. Mais il y a aussi de la tendresse presque surnaturelle, surtout celle du même Sainte-Colombe, devant son épouse morte qui lui apparait mystérieusement. Il avoue calmement au fantôme: « Je ne sais comment vous dire, Madame. Douze ans ont passé, mais les draps de notre lit ne sont pas encore froids »: tout est dit sur le chagrin de cet homme obstinément fidèle à sa disparue. Mais il y a aussi la dignité malheureuse de Madeleine abandonnée, qui est bouleversante; et je trouve très émouvante la fidélité de Marin Marais qui ne peut pas tout à fait oublier son vieux maître, alors qu'il l'a rejeté. Aux états d'âme des personnages, il faut ajouter cet amour fou de la musique, que Sainte-Colombe élève au plus haut des valeurs humaines, au risque de paraitre ridicule aux yeux des imbéciles.
En fait, il y aurait encore beaucoup à commenter sur le contenu de ce petit bijou littéraire. Mais ce qui le rend vraiment unique, c'est l'écriture de. P. Quignard. La phrase est courte et dépouillée, les mots sont simples et précis, le rythme est maîtrisé même au cours des péripéties les plus difficiles, les dialogues sont concis et vont à l'essentiel; et le lecteur décèle parfois une sorte de gaucherie (volontaire) qui fleure le Grand Siècle. Pour faire court, le style est empreint d'un vrai classicisme, sobre et net, que je qualifierais de "janséniste".
C'est sans conteste le meilleur livre que j'aie lu de P. Quignard, un des plus grands écrivains français, qui possède une immense maîtrise littéraire et une érudition approfondie. J'ajoute que le film éponyme qu'Alain Corneau a tourné, idéalement fidèle au roman, est également un pur chef d'oeuvre.
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