AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Lucilou


Je dois ma rencontre avec Félix Radu à Instagram et à une collègue.
Il y a quelques mois, alors que je vitupérais contre la coupe du monde au Qatar, son non-sens écologique, sa violence politique et tout le reste, au lieu de me faire taire (parce que râler avant huit heures du matin est un crime, il faut le concéder!), C. que je connaissais alors à peine m'a demandée si je connaissais Félix Radu et face à mon ignorance m'a aiguillée vers le billet de ce dernier quant à la coupe du monde pour rtbf et relayé sur son compte instagram. J'ai écouté et j'ai tout aimé de cette chronique: son engagement bien sûr mais aussi son désespoir, sa lucidité, sa profonde humanité enfin, les valeurs ainsi véhiculées. Emue et happée, j'ai fini par suivre le compte de ce comédien et chroniqueur si percutant, talentueux et engagé. Alors non, je n'ai pas liké d'un doigt fébrile toutes ses publications et il en est auprès desquelles je suis passée à côté mais les chroniques, je les ai toutes écoutées religieusement. Et récemment, j'ai vu passer l'annonce d'un livre, d'une pièce de théâtre... Une histoire d'amour apparemment, folle et tragique... Qui écrit encore des drames, des tragédies de nos jours? Qui ose encore le faire? du temps de Rostand, c'était déjà démodé et aujourd'hui, il n'y a bien qu'un Michalik pour en avoir l'audace... "Rose et Massimo" m'intriguait mais je n'y serai peut-être pas allée tout de suite malgré tout -trop de livres à lire et peu de temps dans ce mois de juin carnassier- si C., la collègue devenue bonne copine, n'avait pas exhibé le livre et si elle n'avait consenti à me le prêter pour occuper mon interminable surveillance d'une épreuve de mathématiques, fort obscure à mes yeux de profane au demeurant.
C'est une jolie préface d'Alexis Michalik qui ouvre le bal et le dramaturge n'est pas avare de compliments quand il compare Félix Radu à Edmond Rostand, à Alfred de Musset et cela m'intrigue autant que cela m'agace. Après tout, ces deux là sont parmi mes préférés, j'ai du mal à leur trouver des égaux et je n'aime pas trop qu'on galvaude les noms de mes idoles...
M'enfin..., un acte et une douzaine de scènes, s'ouvre dans un contexte dont on ne sait pas grand chose, un rêve de metteur-en-scène et une séduisante page blanche pour le lecteur. Il est question d'une princesse à qui l'on doit donner des leçons d'italien, d'un mariage et d'une guerre. D'un port et de l'océan. Sur scène, Aldo qui pleure le départ de la femme qu'il aime tente de convaincre son ami Massimo, poète désargenté et romantique, d'aller donner à sa place sa leçon d'italien à la princesse afin de lui laisser le temps de faire ses adieux.
Pendant ce temps, la belle attend en compagnie de son serviteur et confident, le mystérieux Rubus. Il y a du Musset dans ce prélude et cette sensation baignera toute la pièce tant on y trouve le reflet lunaire et argenté de "On ne badine pas avec l'Amour" mais un peu de Victor Hugo pastiché avec brio: "Et si L Univers a permis aux hommes d'aimer les étoiles, il est impossible pour eux de les tutoyer".
Bien sûr que le poète accepte de se faire professeur et bien sûr que la belle découvrira l'imposture.
Bien sûr que le troubadour et la princesse tombent fous amoureux en un coup de foudre qui les saisit et leur fait parler d'amour et de désir.
Bien sûr qu'ils n'en ont pas le droit et que tout se mettra en travers de leur histoire, de l'ami éploré au confident dont on ne sait rien, du roi cruel et lointain au destin tout aussi implacable.
Bien sûr qu'on devine l'issue de cet amour là et qu'il ne pourra être que tragique.
L'oeuvre n'est pas foncièrement originale, c'est vrai et si le début et la fin de la pièce sont particulièrement brillantes et poétiques, les scènes centrales sont quant à elles un peu longues... mais il ressort de "Rose et Massimo" une poésie véritable, un lyrisme poignant et décalé, un éloge à l'amour fou et à l'intensité des sentiments comme on n'en fait plus et qui rapproche en effet Félix Radu de Musset, de Rostand et même de Shakespeare plus que son talent véritable de pasticheur, plus que son désir de leur adresser un vibrant hommage.
Il en ressort des émotions un peu adolescentes, fougueuses qui touchent, cognent, bouleversent et font du bien; un drame romantique qui a le charme désuet des rêves que l'on n'ose plus raconter de peur d'être moqué jusqu'à la blessure. Un peu de magie en somme et de l'amour fou, un peu de ce dix-neuvième siècle et de ses passions mortelles qui faisaient rêver plus fort... Un baume, peut-être, pour notre modernité désenchantée couronné par une "Lettre au lecteur" absolument géniale: clairvoyante, engagée, plaidoyer pour la culture autant que pour la jeunesse, pour la poésie autant que pour le rêve et qui tente de réconcilier les classiques à 2023. Beau et brillant comme Camille et Perdican.
Commenter  J’apprécie          170



Ont apprécié cette critique (15)voir plus




{* *}