Et comment leur en vouloir ? Lui-même n'avait véritablement saisi l'enfer du feu que le jour que le jour où il avait subi son premier bombardement. Avant cela, la guerre avait pour lui une aura de gloire, un peu abstraite. Il s'imaginait les batailles comme celles des tableaux du Louvre, épiques et éclatantes de bravoure. Mais non. La réalité, c'était les corps hachés par la mitraille, ensevelis et recrachés par les explosions. C'étaient les nerfs tendus à craquer par la peur des obus, la puanteur de la mort, la fatigue et la faim. Les chasses aux rats, les langues boueuses qui s'infiltraient, le grondement des canons partout autour, tout le temps.
C'était la première fois que Maximilien faisait l'expérience d'un tel silence. Un silence presque palpable. Un silence dense, étouffant, une sorte de créature lugubre bien décidée à prendre possession des lieux.
J'ai peur de mourir. Mais je crains encore plus de survivre.
Pourquoi ne pourrait-elle pas suivre sa passion et en vivre ? Plutôt que de rester entretenue par les hommes de sa famille ? C'est tellement absurde de priver quelqu'un de sa vocation sous prétexte que son milieu social ne lui permet pas.
Les repas pris en famille amenaient toujours Marceau à s'interroger sur sa perception du temps. Dès qu'il se plongeait dans le théâtre ou la danse, les heures filaient en un battement de paupières, à croire qu'une main invisible poussait les aiguilles des montres et des pendules pour en accélérer la course. En revanche, dès l'instant où il s'asseyait à la table de la salle à manger, les minutes devenaient des heures. Tout ralentissait, même ses gestes. Il s'engluait dans un engourdissement insupportable.