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sur 641 notes
Qui n'a pas eu un jour ou l'autre l'idée fugace, le désir insensé, de disparaître pour toujours, de partir pour ne jamais revenir?
Fermer la porte un beau matin, irrévocablement. Marcher sans se retourner. Aller droit devant. Et s'évaporer tout doucement, comme la rosée du matin sous le souffle tiède d'un soleil naissant. Disséminer aux quatre vents les choses qui vous parlaient de vous, devenir un autre, sans passé, sans mémoire, étranger à vous-même et aux autres, repartir de zéro dépouillé de tout ce qui faisait votre identité. Votre nom, votre maison, votre travail, votre famille…à jamais effacés.

Au Japon, nombreux sont ceux qui prennent la fuite sans explication. On les appelle « les Johatsu », les évaporés.
Considérée comme une fugue, leur disparition n'entraîne aucune enquête policière et pour les familles, le silence qui entoure cet acte déshonorant les décourage bien souvent d'entreprendre des recherches.
Pourtant, les motifs qui poussent un individu à abandonner son foyer incombent rarement à un désir impérieux de changement.
La récession des années 1990, l'endettement auprès d'organismes criminels, la crise, le chômage ainsi que l'ampleur du désastre de Fukushima, ont accru cette pratique ancestrale remontant à l'époque Edo, quand voleurs et criminels venaient se purifier aux sources du Mont Fuji et disparaissaient dans les vapeurs d'eau chaude.
Depuis le tsunami et la catastrophe nucléaire de 2012, de nombreux japonais accablés de dettes, à la dérive, jetés sur les routes, n'ont eu d'autre choix que celui de l'exil.

« Parfois, pour survivre, il faut partir ».
Partir, c'est ce que se résout à faire Kaze, honorable salaryman de Tokyo, après avoir été l'intervenant involontaire de scandaleuses spéculations pour la grosse société d'investissements pour laquelle il travaille. Devenu gênant, il est mis sur la touche et licencié. Menacé par la pègre, il comprend que pour protéger sa femme et préserver sa vie, il lui faut désormais devenir l'un des nombreux fantômes sans nom et sans passé qui hantent le Japon.
Lorsqu'elle apprend la nouvelle de sa disparition sa fille Yukiko, installée aux Etats-Unis depuis dix ans, s'envole immédiatement pour le Japon. Elle est accompagnée de son ancien compagnon, le détective et poète Richard B., qui, dans l'espoir de la reconquérir, a accepté de l'aider à retrouver son père.
A Tokyo, alors que Yukiko renoue avec ses racines, Richard lui, découvre la complexité d'un monde intrigant et fascinant, tandis que dans son errance anonyme, Kaze croise la route d'Akainu - un jeune garçon qui a perdu sa famille dans le chaos du tsunami - et qu'ensemble, ils entreprennent de gagner le nord du pays.
Richard, Kaze, Yukiko, Akainu, ces quatre personnages qui incarnent chacun à leur manière une forme de fuite, entre espoir et peur, quête d'amour, de justice ou des origines, vont nous faire approcher la civilisation japonaise dans toutes ses énigmes et tous ses paradoxes, dans toute la fantasmagorie que cette société mystérieuse et déconcertante inspire.

Sous l'égide du poète et écrivain Richard Brautigan, auquel il rend hommage à travers le détective amoureux Richard B., Thomas B. Reverdy nous fait partager un peu du mystère nippon. Il nous ouvre les portes d'une terre pleine de séduction et de singularité, nous fait pénétrer au coeur d'une société en perpétuel équilibre entre tradition et modernité, sur la ligne de faille entre le raffinement et l'élégance de son cérémonial et la violence de ses règles, entre la soumission à des codes sociaux ancestraux et l'attrait du mouvement et du modernisme. Deux univers parallèles qui se superposent, cohabitent, s'entremêlent sans jamais toutefois se confondre ou se rejoindre tout à fait.
Des Familles disloquées, des maisons en ruine, des recruteurs de main d'oeuvre bon-marché, des quartiers miséreux, des camps de réfugiés, des montagnes de détritus radioactifs dans la zone sinistrée de Fukushima, des entreprises de sous-traitance, des hommes corrompus pour qui « la misère est une énergie renouvelable »… Thomas B. Reverdy nous donne une vision pourtant bien sombre et terrible du Japon un an après la triple tragédie.
Malgré tout, le récit baigne dans une ambiance évanescente et délicate qui a la douceur crépusculaire et la puissance d'envoûtement d'un songe doux-amer.
Nimbé d'opalescente beauté, d'une poésie claire et mélodieuse, le roman est ainsi comme un voyage au coeur d'un monde flottant, à la fois fortement ambivalent et vivement enchanteur.
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"Je ne mettrai plus les chaussons"... C'est la seule phrase qui lui vient à l'esprit en cette nuit froide. Kazehiro ne trouve pas d'autres mots pour expliquer à sa femme qu'il ne rentrera plus à la maison. Il dépose ses clés et son portefeuille, prend l'argent qu'il a retiré, ses trois cartons qui contiennent toute sa vie et s'enfonce dans la nuit noire, à l'heure où tout le monde dort encore. Il s'en va. Tout simplement. Il s'évapore dans la nature. Comme tant d'autres l'ont fait avant lui, pour échapper à leurs dettes. Mais, Kaze, comme il se fait appeler maintenant, va essayer de comprendre pourquoi son patron l'a viré du jour au lendemain. En chemin, il rencontrera le jeune Akainu, victime de Fukushima et qui a perdu ses parents...
A des milliers de kilomètres de là, Richard B., détective privé et poète à ses heures perdues, s'apprête à quitter son quartier de North Beach. Parce qu'il n'a pas su dire non à Yukiko, son ancienne petite amie qui lui a demandé de l'accompagner au Japon, son pays natal qu'elle n'a pas revu depuis une dizaine années. Il va l'aider à retrouver son papa qui a disparu sans crier gare et essayer de comprendre son geste...

Dans ce roman empreint de nostalgie et de rêverie, Thomas B. Reverdy décrit une société japonaise où les évaporés semblent tenir une place importante. Déshonorant les leurs et fuyant leurs responsabilités, ces hommes et ces femmes sont souvent rejetés par la société. L'auteur aborde ici des thèmes essentiels tels que la tragédie de Fukushima, la fuite en avant ou bien encore la recherche d'identité en la personne de Yukiko qui a bien du mal à se trouver une place en ce monde. Kaze, Yukiko, Akainu ou Richard, chacun à leur manière incarne une fuite. L'auteur nous emmène loin de nos contrées familières. Porté par une écriture sobre, tout à la fois poétique et tragique, ce voyage au bout du monde se révèle bien mystérieux.

Les évaporés... tout en légèreté...
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C'est l'histoire du Japon d'aujourd'hui. C'est l'histoire d'un homme qui choisit de disparaître. C'est l'histoire d'un pays en pleine mutation. C'est l'histoire d'un homme qui décide de changer de vie. C'est l'histoire d'un pays dévasté par la catastrophe de Fukushima. C'est l'histoire d'une fille qui veut retrouver son père. C'est l'histoire d'un pays gangréné par les yakusas. C'est l'histoire d'un homme qui décide de tout quitter. C'est l'histoire d'un amour terminé. C'est l'histoire d'un détective américain qui part au Japon sur les traces du père de son ancien amour. C'est l'histoire d'un gamin désoeuvré. C'est l'histoire de plusieurs solitudes. C'est l'histoire d'hommes et de femmes qui tentent de se reconstruire. C'est l'histoire d'hommes qui ont choisi de devenir des évaporés…

"Il faut que vous sachiez d'abord qu'ici, au Japon, un adulte a légalement le droit de disparaître.
- Il n'y a pas d'enquêtes de police.
- C'est comme une fugue. On dit yonige, ça veut dire "fuite de nuit". Dans le fond, c'est une sorte de déménagement, mais sans laisser d'adresse."

Kaze fait le choix de disparaitre en pleine nuit, comme le font des milliers de japonais chaque année. Sa fille, Yukiko, comédienne serveuse exilée aux États-Unis, décide de retourner au Japon pour retrouver sa trace. Pour ça, elle compte sur l'aide de son ex amant, le détective poète Richard B, toute ressemblance avec un auteur américain n'est pas purement fortuite. Des destins qui se croisent, des vies parallèles, des gens qui s'éloignent, pour ne plus jamais se recroiser…

"Un rêve passe derrière ses paupières, au fond de ses yeux noirs, comme un reflet d'obscurité dans l'eau d'un puits."

Avec Les Evaporés, Thomas B. Reverdy nous livre un roman magnifique, étonnamment actuel, porté par une écriture sobre et pleine de poésie, nimbé de l'ombre bienveillante de Richard Brautigan. A la fois polar, histoire d'amour et état des lieux du Japon post-Fukushima, une vraie belle surprise comme je les aime.

Ces temps-ci, je dois bien reconnaitre qu'il m'arrive parfois d'avoir d'irrépressibles envies de m'évaporer…

Un très grand merci à Babelio et aux éditions Flammarion.

Lien : http://bouquins-de-poches-en..
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Kazechiro travaille dans une banque, où il gère les portefeuilles de gros clients. Il a toute la confiance de son supérieur qui le convoque un jour pour déjeuner dans un endroit raffiné. Il pense qu'il va recevoir une promotion et au lieu de cela, le patron le licencie.

Il cherche à comprendre quelle faute il a pu commettre pour expliquer la situation et fouille dans ses dossiers. Il comprend bientôt que ce n'est pas lui qui a commis des erreurs mais qu'on le soupçonne d'avoir mis à jours des actions frauduleuses, comme le confirme les menaces qu'il reçoit des Yakusas.

Il décide de disparaître en emportant ses dossiers et devient ainsi un « évaporé » Johatsu en japonais. Il quitte tout, famille, maison change de nom. Sa femme inquiète appelle leur fille Yukiko partie, il y a plusieurs années en Californie.

En même temps, Akainu, un adolescent de quatorze ans qui a fui le nord du Japon à la suite du tsunami où sa famille a disparu, est témoin d'un meurtre : le gérant d'un magasin qui ne voulait pas payer la « protection » des Yakusa se fait assassiner. Akainu est obligé de fuir car sa vie est en danger. Il s'évapore lui-aussi et fait la connaissance de Kaze (la nouvelle identité de Kazechiro.

Yukiko décide de revenir au Japon et emmène avec elle son ancien petit ami toujours amoureux d'elle, poète et détective Richard B pour qu'il l'aide à retrouver son père.

Nous allons donc suivre le destin de cet homme et du jeune garçon et leur aventure vers la recherche de la vérité sur fond de Mafia japonaise, tsunami catastrophe nucléaire tandis que Richard B essaie de les retrouver……





Ce que j'en pense :



Ce roman est époustouflant à plus d'un titre. D'abord la notion d « évaporation » qui serait impossible chez nous. On peut d'évanouir dans la nature sans que personne ne fasse quoi que ce soit : la police ne fait pas de recherche car la famille se sent déshonorée donc ne demande pas d'aide. C'est une solution qui permet d'échapper aux dettes pour les personnes qui ont tout perdu lors du tsunami et ont encore les traites de la maison à payer alors qu'ils n'ont plus rien.

On peut faire le parallèle avec le deuil : peut-on oublier quelqu'un qui a disparu, on ne sait rien il peut être vivant ou mort donc comment entamer un travail de deuil.

Il y a le deuil de l'identité : un évaporé n'est plus rien, il a changé de nom, tout un pan de sa vie est partie et sa famille avec.

Reverdy évoque aussi les fugues des adolescents : celle de Yukiko qui a quitté la maison de ses parents quand elle était ado mais aussi sa grande fugue quand elle est partie vivre en Californie. En parallèle la fuite d'Akainu, il pense que se parents sont morts, donc il part loin des lieux du drame pour survivre et aussi pour ne pas connaître la vérité. « il faut que vous sachiez d'abord, qu'ici, au Japon un adulte a le droit de disparaître… c'est comme une fugue. On dit « yonige », ça veut dire « fuite de nuit ». Dans le fond, c'est une sorte de déménagement, mais sans laisser d'adresse. » P 173

D'un autre côté, qui n'a pas été tenté dans son existence de disparaître ainsi, sans laisser de traces, abandonnant un part de sa vie dont on ne veut plus. Mais, ici c'est une question de vie ou de mort, de survie alors qu'en Occident, c'est échapper à un mode de vie qui ne convient plus, donc deux univers totalement différents.

L'auteur décrit très bien l'évolution du Japon après le tsunami qui a emporté tout sur son passage, les biens matériels mais aussi le mode de vie, la culture, une civilisation qui s'envole elle-aussi. Les habitants qui ont tout perdu sont devenus des réfugiés dans leur propre pays.

Il y a d'un côté la gestion catastrophique du tsunami, car le gouvernement a tout minimiser, le nombre de morts, de disparus, mais aussi les malversations, les aides détournées, les spéculations. le pays croule sous l'eau, la boue, les ruines et certains ne pensent qu'à s'enrichir. Il y a aussi ceux qu'on envoie nettoyer, débarrasser les maisons et qui reçoivent des irradiations dont le taux rappelle Tchernobyl.

On note l'omniprésence des Yakusas que certains défendent car ils représentent une forme d'ordre, de famille toute puissante. (C'est tellement rassurant quelqu'un qui se conduit en dictateur et fait régner la terreur. «Au Japon, les sociétés de crédit sont détenues par les Yakusas. Quand les gens ne peuvent plus payer, ils exercent des pressions, ils menacent. E ne sont pas des banquiers, les gars… Les Yakusas sont partout. Les politiques leur ont vendu le pays. P 218

On pense toujours au Japon, comme à la patrie de la sagesse : les temples, les grands Maîtres de méditation (Deshimaru, Dôgen…) la cérémonie du thé, la lenteur et là on trouve la violence.

Il y a des chapitres savoureux par exemple un rêve de Kyoto où toute l'histoire du Japon défile, les Samouraïs, les femmes en Kimono… Ou un rêve de Fukushima, chapitre superbe sur la désolation les détritus la vision apocalyptique de fin du monde.

L'auteur nous montre l'évolution de Yukiko, avec son immense chevelure noire qui la recouvre comme une vague. Il y a une belle scène d'amour entre elle et Richard, mais y a-t-il un avenir pour eux. le détective fait des rencontres savoureuses en cherchant Kaze, il rencontre un journaliste qui a fait un travail sur « les évaporés » et également un vieux Fraçais qui lui explique la genèse des Yakusas.

Enfin, je retiendrai le clin d'oeil de Thomas B. Reverdy à un écrivain qu'il admire : le nom de notre détective américain Richard B fait référence à Richard Brautigan dont il cite au passage quelques vers qui sont écrits en italique dans le texte.

C'est le premier roman de Thomas B. Reverdy que je lis et c'est un festival, une pépite, tant il est plein de poésie malgré la violence de la situation. L'écriture est belle, déliée. Il nous entraîne avec lui dans ce Japon en ruine qui ne sait plus bien où son ses repères et quel son avenir. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur ce roman, donc foncez, lisez-le, vous ferez un voyage magnifique.

J'avoue une fascination pour ce pays, depuis que j'ai découvert les grands Maîtres de méditation et Kawabata mais que je connais si mal et l'auteur m'a confortée dans mon désir d'approfondir sa culture et son histoire.



Note : 9/10
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Le « monde flottant » désigne au japon une catégorie de personnes : les exclus de la société, les marginaux, les prostituées, les drogués, les brigands, les paumés en tout genre et les personnes disparues, appelées aussi les évaporés.
Les évaporés ne font pas l'objet d'une enquête de police, car il n'y a pas de corps à rechercher et les proches ne l'ébruitent pas car cela jette le déshonneur sur la famille.

Un an après la catastrophe de Fukushima, Kaze, un homme japonais proche de la retraite, disparaît subitement. Pour sa femme, il s'est comme évaporé, dissous dans la nuit. le roman se passe un an après la catastrophe (tsunami et catastrophe nucléaire) et nous emmène dans ces territoires abandonnés et contaminés.
Sa fille, Yukiko, qui vit depuis de nombreuses années aux Etats-Unis, rentre au Japon accompagnée d'un ex-petit ami, Richard B. détective de surcroit, afin d'enquêter.
Richard B. croit aux miracles et laisse les choses venir à lui et se faire ou pas, se révéler seules aux yeux de ceux qui savent les voir.

L'écriture est profonde et poétique, empreinte de délicatesse et d'une sorte d'évanescence, à l'image des romans japonais, bien que l'auteur soit français.
On oscille entre une enquête mais menée tout doucement, sans créer de remous, de heurts, sans rien bouleverser, et un voyage aux confins de l'inconnu, dans un no man's land détruit, ravagé et dangereux mais où la menace est invisible et silencieuse.
Est-ce en acceptant de se perdre totalement qu'on peut espérer se retrouver ?
Un roman magistral et bouleversant.
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Au Japon, les évaporés, ce sont ces milliers de personnes qui disparaissent volontairement chaque année. Ils quittent tout : maison, famille, travail et partent au bout du pays vivre des petits boulots de l'économie souterraine. Les raisons de cette fuite sont multiples, et pas toujours compréhensibles, pour nous Occidentaux : dettes qu'on ne parvient plus à rembourser, mise au chômage ou encore la honte de l'honneur perdu ou bafoué, pour ne citer que les raisons les plus fréquentes.

Évidemment avec la catastrophe de Fukushima et ses milliers de réfugiés, de déplacés et de chômeurs, le nombre de ces personnes évaporées a explosé (sans mauvais jeu de mot) et celles-ci, parfois, reviennent sur les lieux de la catastrophe pour déblayer les débris irradiés sans aucune protection sanitaire ou sociale. Une honte, une de plus pour ce pays qui se prétend être l'un des plus développés au monde.

Nous partons à la recherche de l'un d'eux, en compagnie de Richard B., boyfriend américain de la fille de la personne disparue. Richard est un mec à la cool, une espèce de détective raté qui à ses heures perdues écrit des poèmes, pêche à la truite et s'émerveille de la plus petite tempête de neige au monde.

C'est un roman tout en délicatesse et en légèreté, dans un Japon tantôt terriblement actuel tantôt onirique, avec en toile de fond le portrait d'un illustre auteur de la Beat Generation. Un bon moment de lecture.
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Joli titre... mais dans le genre évaporation là c'est mon attention qui s'est fait la malle. Comme l'impression d'avoir de la fuite dans les idées moi aussi.

Sans conviction j'ai tenté de suivre le fil d'une enquête trop survolée, et paradoxalement saturée de détails (toutefois instructifs) sur la civilisation nippone contemporaine, comme si l'auteur s'était saisi de l'intrigue dans le seul but d'y étaler sa culture quant au Pays du Soleil-Levant.

Au final un récit plutôt déséquilibré assorti d'une prose inégale, parfois poétique mais pas toujours très claire. Un petit glossaire des termes locaux maintes fois rencontrés dans le texte eut été bien utile d'ailleurs, sachant que pour ma part j'ai pas fait japonais deuxième langue, honte sur moi.

Déçue donc, car au vu du phénomène authentique et singulier qu'il était censé traiter, ce roman me tentait depuis longtemps.

Dewa shitsureishimasu* ( では失礼します ) par conséquent.



* Traduction : " Désolée pour le dérangement, sur ce je me retire "
(tout compte fait, je gère grave en japonais)



Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Kaze. Un nom de samouraï pour un homme qui a décidé de disparaître. Au Japon, tu as le droit de t'évaporer, de devenir un de ces « johatsu » – un homme décidé à s'effacer.

Yukiko. Un nom aux cheveux noirs et luisants, une belle japonaise vivant à San Francisco bien décidée à retrouver son père disparu, un certain Kazehiro.

Elle aussi a connu la fugue dans son adolescence, puis le changement de vie en quittant son Japon natale pour devenir comédienne ou serveuse sur la côte Ouest. Inquiète, elle ne peut que prendre ce long courrier à travers l'océan, retourner chez elle, pour retrouver ce père qu'elle a plus ou moins abandonné des années plus tôt. A son bord, un certain Richard B. qui l'accompagne, un ex-amant ou amoureux toujours.

Richard B., le non-héros du bouquin de Thomas B. Reverdy. de San Francisco, il n'hésite pas à suivre sa belle japonaise, parce qu'il l'aime encore et aussi parce qu'il est détective privé. Un de ces détectives privés à l'ancienne, avec grosse moustache et chemise à carreaux. Mais, il est surtout un peu paumé, lui qui se sent plus poète que détective, lui qui rêve plus de Babylone que de Kyoto, lui qui rêve de la pêche à la truite en Amérique plutôt que de sushis sur cette île où il ne comprend pas un mot.

Richard B., bien sûr, tu auras deviné l'hommage de l'auteur à ce grand écrivain américain…

Une nouvelle histoire japonaise. Un billet pour le Tokyo-Montana Express dans la poche de ma chemise à carreaux rouges, je déambule moi aussi sur les traces de ces évaporés. En fait, je les comprends parfaitement. Je ressens cette nécessité de disparaître, les aléas de la vie font que seul un nouveau départ peut s'ouvrir sur l'avenir. Sans se retourner et en allant de l'avant. Un gigantesque tsunami devient le complice parfait pour de nombreux évaporés. Complice, excuse, peu importe. Disparition provoquée par la Nature ou par soi-même. Une explosion nucléaire, une zone interdite, des contaminés, héros ou rebus, je navigue à flot dans ces eaux boueuses et ce désastre écologique. Lentement l'histoire dérive sur Fukushima, sur ses conséquences et sur cet après. Ceux qui ont eu la chance de lire ce bouquin ont peut-être reçu ce même frémissement à la lecture d'un chapitre particulier : Un rêve à Fukushima. J'aurais eu envie de te le citer. Mais je ne m'en sens pas le droit, ce passage m'appartient, je l'ai relu plusieurs fois, je le relirai encore. Il est puissant, envoutant.

« Les évaporés » ou l'art de ressusciter Brautigan à Fukushima.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Quel étrange roman... Mais est ce vraiment un roman ? J'ai vraiment eu l'impression d'être plongée dans la réalité, dans le quotidien du Japon.


Le père de Yukiko a disparu. Au Japon, disparaître du jour au lendemain est admis. Et personne, ni la police ni la famille, n'entreprend aucune recherche.
Alors Yukiko, résidente américaine depuis une quinzaine d'années, décide de retourner au pays en compagnie de Richard B. détective privé et toujours amoureux d'elle malgré leur ancienne rupture.

C'est un roman formidable dans lequel on pénètre au coeur du système économique du Japon tenu en partie par les Yakusas, dans lequel on découvre les ravages causés par les catastrophes de Fukushima et des environs, des kilomètres de terre dévastée, des milliers de vies brisées. le Japon ne sort pas grandi de ses observations. Mais ce qui le met à l'honneur, ce sont ses habitants, leur solidarité, leur culture, leurs coutumes.

Et surtout, ce qui m'a profondément touchée, ce sont ces disparus. D'abord, les disparus volontaires, devenus invisibles dans leur propre pays, comme le père de Yukiko qui veut fuir la pègre, ou d'autres touchés par les dettes, ceux encore qui fuient le chômage et la honte qui l'accompagne. Tous ces Johatsu qui se retrouvent du jour au lendemain sans avenir, mais aussi sans passé, et qui ne veulent pas faire supporter à leurs familles le poids du déshonneur.
Et puis, tous ces disparus, ces évaporés de la surface de la Terre suite aux catastrophes naturelle ou nucléaire. Tous ces anonymes qu'on ne peut plus nommer. "La misère est une énergie renouvelable".

Les situations décrites sont lourdes, pesantes, difficiles mais paradoxalement légères car l'écriture de Thomas B. Reverdy est ainsi. On sent l'empathie qu'il a pour les Japonais à travers ses personnages. On ressent son formidable respect face à tous ceux que le malheur frappe et qui se relèvent sans geindre, sans plier.

Et que dire aussi des sentiments amoureux qu'exprime, ou n'exprime pas son personnage de détective privé et poète. C'est beau, c'est touchant, c'est tendre et maladroit.


Un beau roman entre ombre et lumière, entre visible et invisible, entre partir et revenir. Et qui me fait dire que : Parfois, la vie ne tient qu'à un cheveu...
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Kazechiro, gère brillamment de gros portefeuilles dans une banque japonaise mais il a participé à son insu à des opérations frauduleuses. du jour au lendemain, son patron le licencie, il n'a pas le temps de mener l'enquête, il doit sauver sa peau et ne pas déshonorer sa famille. Il va simplement laisser un petit mot à sa femme :
« Je ne mettrai plus les chaussons. » Il n'avait trouvé que ça, n'avait pas su comment lui dire autrement qu'il ne rentrerait pas.
Désormais, il s'appellera Kaze, c'est un évaporé, un Johatsu. Au Japon, c'est ainsi que l'on nomme ceux qui décident de disparaître. Mais là-bas, on n'ouvre pas d'enquête dans l'intérêt des familles, ce qui rend le phénomène d'une grande ampleur tout à la fois fascinant et particulièrement sordide.
Son épouse appelle leur fille Yukiko partie depuis dix ans vivre aux États-Unis pour devenir actrice. Elle revient en compagnie de son ex petit ami, Richard B., un détective privé américain. Il est surtout poète et douloureusement amoureux de la belle Yukiko. Ils sont séparés depuis un an, il déteste voyager mais pour être auprès d'elle encore un peu, il irait au bout du monde, ce sera au Japon.
Richard B., mène l'enquête sans grande conviction et c'est à travers son regard poétique, souvent brouillé par l'alcool, que l'on découvre le Japon. Une plongée envoutante dans les splendeurs et les mystères de sa richesse culturelle, mais aussi la rude confrontation à une société impitoyable, coincée entre tradition et modernité. La crise économique, le tsunami, touchent durement les familles tandis que les Yakusas tiennent le pays d'une main de fer.
On suit pas à pas Kaze dans sa survie quotidienne et sa rencontre avec le jeune Akainu, victime du tsunami, fuyant l'annonce de la mort de ses parents. Comment faire l'impossible deuil d'une vie passée pour ceux qui disparaissent mais aussi pour ceux qui restent.
« Il savait que parfois, pour survivre, il faut partir. Ce qui veut dire aussi qu'il faut laisser les gens partir. Même ceux qu'on aime. »

Influencé par Richard Brautigan, l'univers poétique du roman de Thomas B. Reverdy frôle amoureusement le japon dans toute sa complexité et sa beauté.

« - Tu es une japonaise de la douceur de vivre et de la délicatesse, comme moi je suis un américain des grands espaces et de la pêche à la truite. Nos pays n'existent plus. » confesse Richard B à la belle Yukiko.

On est sous le charme, les mots ont le charme hypnotique des longs cheveux noirs du Yukiko ondulants soyeux, dans le creux de son dos.



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