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Citations sur La fugitive de l'autre côté du pont de fil (24)

On ne rit pas dans la maison du quartier du fleuve. Pas comme ça. Pas ce rire franc comme une fanfare. Et maman ne riait pas là-bas, rivée à son bout de table. Elle observait Bernard, l’air de penser que le rire était un vice à ranger sur la même étagère que l’intempérance où l’addiction au jeu. S’y adonner était source de danger. Une fantaisie que nous n’avions pas les moyens de nous autoriser. Celui qui rit sa vigilance se relâche, et des gens comme nous étaient condamnés pour survivre à demeurer sans cesse sur nos gardes. Le moindre faux pas nous était interdit.
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C’est ainsi que cela se passe chez nous, on ne dit jamais les mots qu’il faudrait, les mots dont on aurait secrètement envie, alors on se contente d’un oui qui s’étrangle au fond de la gorge jusqu’à ce que la voix parte dans l’aigu.
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Oui, un fil invisible m’unissait à cette petite paysanne qui aimait s’enduire les lèvres d’une belle couche de rouge et dans les palaces sentir sous ses pieds l’épaisseur des tapis, qu’importait si la fête se faisait avec l’occupant.
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Quand ils m’ont dit que je ne serai plus l’assistant du directeur et que j’ai été nommé à l’accueil, j’ai fait semblant que c’était normal. J’aurais pu leur dire que j’exerçais ma mission depuis vingt ans, que je connaissais mon métier à la perfection, je pouvais réciter par cœur la liste des agents généraux, je savais réserver les salles de congrès pour les séminaires, les chambres d’hôtel pour les cadres convoqué au siège, je rappelais au directeur d’aller chercher ses enfants à l’école et ses rdv chez le dentiste, on ne m’avait jamais prise en défaut. Mais je n’ai rien dit et j’ai laissé faire. J’ai prétendu trouver cela normal. J’ai toujours procédé ainsi faire comme si tout était normal. C’est la seule façon qu’on ait aucune prise sur moi. Si vous vous plaignez, il ne faut pas croire que les autres nous porterons secours.
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« Je ne partirai pas l’année prochaine. Je vais rester là. J’ai trop voulu y être. Parce que je ne voulais pas porter de blouse. Ma mère en portait pour faire le ménage chez le chanoine du quartier. Ma sœur pour travailler dans son atelier de farces et attrapes. Mes tante à la ferme. Moi, j’ai voulu être une femme sans blouse. Mon bureau, mon fauteuil, mon téléphone délimitent mon territoire. Le seul que j’aie jamais senti à moi
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Nos regards se croisaient. Il se rappelait une voisine, son sourire, le pli que faisait sa jupe quand elle descendait la rue, un mouvement d’une grâce singulière qui rachetait tout chez cette femme plutôt laide, et qu’il n’avait revu chez personne depuis, comme si ce mouvement, une seule femme au monde avait été capable de l’accomplir, une seule et unique fois dans l’histoire de l’humanité.
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Le téléviseur diffusait maintenant des images du couple Ceaușescu fusillé dans une cour d’école. Les images étaient ternes. Il semblait impossible que ce couple soit un couple d’aujourd’hui, il paraissait plutôt sorti d’une bande d’actualité de la Seconde Guerre mondiale ou des années qui avaient immédiatement précédé, d’un passé d’hommes en manteaux et chapeaux sombres.
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Au fond j’ai passé ma vie à me rendre méconnaissable. Comme ceux qui après avoir commis un attentat ou avoir trahi, basculent dans la clandestinité. Quelques accessoires suffisent, une paire de lunettes, un postiche, une longueur de cheveux. Il n’en faut pas davantage, parce qu’au final, ce que les autres savent de vous se limite à ces détails.
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Je n’avais vu que ses yeux. Je n’aurais même pas su dire à quoi il ressemblait maintenant. Sans doute avait-il la quarantaine. J’avais quinze ans et lui huit quand nous avions fait halte chez ses parents, lors du voyage de noces de Solange.
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La vie était comme tenue à distance, sa sauvagerie et sa beauté derrière les volets mi-clos. La lumière qui flambait, les armées d’insectes à l’assaut des collines, l’arbre qui se tordait de douleur au soleil, tout cela j’en étais protégée par une vitre invisible.
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