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Critique de Yzou


Pour construire son essai, Gabrielle Richard, sociologue et chercheuse spécialiste des questions de genre et de sexualité est allée interroger de nombreuses personnes qui font famille autrement. Elle s'est également basée sur sa propre expérience puisqu'elle et sa conjointe non-binaire élèvent deux enfants. C'est donc un essai très personnel que nous livre ici cette sociologue.

L'étude commence avec la définition du queer, en tant que « terme parapluie » ou en terme plus politique, celui qui concernerait toutes et tous en participant à « construire un espace d'émancipation face aux normes dominantes en matières de genre et de sexualité – et face aux autres systèmes d'oppression comme le racisme, le validisme ou le capitalisme » en repensant les normes et ce(ux) qu'elles privilégient. Forte de cette expression, G. Richard propose ainsi de « queerer la famille » et de « queerer la société » en identifiant les différentes forces à l'oeuvre et en y repensant les fondements de nos institutions.

Ce texte nous amène à questionner beaucoup de concepts et de représentations très solidement ancrés dans notre société :
- Au sujet du corps des femmes qui serait automatiquement considéré comme un objet gestationnel : Quelle place pour les femmes qui ne se reconnaissent pas dans l'épanouissement du féminin sacré, de la grossesse et de l'enfantement ? Quelle place dans ce système là pour les hommes enceints ? La grossesse est si étroitement lié au féminin dans les imaginaires qu'elle peut induire chez certaines personnes trans ou non binaire une dysphorie lors de cette expérience. J'ai été surprise de lire que dans certains cas, lorsqu'une femme lesbienne est enceinte, elle peut de nouveau être validée par son entourage ou la société comme ayant recouvré sa nature de femme… Et sidérée de me souvenir que la stérilisation des personnes en parcours de transition était obligatoire jusqu'en 2017.
- Les liens du sang demeurent également une question cruciale dans la notion de famille. Où « l'appariement », proposé aux personnes en parcours de PMA, consiste à proposer dans les cas de dons de gamètes des donneurs ayant des caractéristiques physiques proches, créant ainsi une « fiction biologique ». Quelle importance sociale va-t-on accorder à cette ressemblance entre parents et enfants, dès lors qu'ils n'ont pas de liens sanguins ? Pourquoi l'adoption est-elle toujours vue comme un « dernier recours » ?
- Quand faire son coming-out (homo, trans, non-binaire, assexuel, etc.) est encore solidement associé au deuil de la parentalité, que ce soit du point de vue des personnes concernées ou de leurs proches.
- Quand la manif pour tous (laquelle s'est (mal) renommée récemment « le syndicat de la famille ») scande des slogans ou la complémentarité femme-homme serait indissociable de la famille, questionnant toutes les représentations genrées et les rôles assignés de chacun.e dans la parentalité.

Cet ouvrage est tout petit mais dense et passionnant ! En donnant à voir de multiples représentations du faire famille, G. Richard montre qu'il existe un faire famille différent pour chacun.e et que chaque vécu est légitime lorsqu'il est réfléchi, qu'il s'inscrive hors ou au coeur des clichés hétéronormés. Ce que je retiens de cet essai, de mon point de vue de personne cis-hetéro, c'est qu'on gagnerait tous et toutes à questionner les cases dans lesquelles nous sommes, afin de savoir si elles sont choisies ou subies. J'ai beaucoup aimé l'image du puzzle comme construction des familles « hors normes » ou chacun.e irait chercher les pièces dont iel a besoin pour son projet. J'ai senti dans cette lecture beaucoup d'amour dans ces témoignages de parentalité et je ressors de ma lecture avec une difficulté encore plus forte à entrer en empathie avec tous ces gens qui « militent » pour retirer des droits humains à d'autres.
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