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4.34/5 (sur 72 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Gabrielle Richard est illustratrice pour enfants, diplômée d'Arts Graphiques à l'ESAG /Penninghen en Juin 2003. Ouverte d'esprit, son travail artistique est une sorte de puzzle, un foisonnement d'images, de graphisme, d'art, d'illustrations et de pensées. Elle tente de retranscrire ce qui vient du plus profond de son âme. Elle se nourrit de tout ce que lui apporte la vie. Gabrielle aime aller lentement mais vite. Elle se sent inclassable. Elle voudrait quitter tout, laisser la rumeur dans le lointain mais elle a choisi le lotus sous la lune, la tendresse de la vie. Elle est un portrait en fuite qui n'a pas encore trouvé son cadre. Elle pense que pour gagner une partie mieux vaut jouer cœur que de tricher. Gabrielle est africaine dans l'âme, elle ne porte plus le boubou mais écoute Fela en dévorant "l'aloco", en songeant à son baobab qu'elle ne quittera jamais des yeux.


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Source : http://www.lasourisquiraconte.com
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Café littéraire des jeunes avec une table ronde autour de Gabrielle Richard (France). Hétéro, l'école ? - Les éditions du remue-ménage - 2019 L'école enseigne-t-elle l'hétérosexualité ? Y apprend-on les bonnes et les mauvaises manières d'être une fille ou un garçon ? Dans la cour de récréation comme en classe, les jeunes ont tôt fait de comprendre quels corps, quels comportements et quelles attirances sont admissibles. Et c'est peut-être dans les cours d'éducation à la sexualité que ces messages sont transmis le plus directement. Ce livre passe au crible une culture scolaire qui contribue à reconduire des normes de genre et de sexualité, souvent à son insu. Il montre comment les programmes, les manuels et les pratiques enseignantes peuvent maintenir les élèves dans l'ignorance quant à leur identité et leurs désirs, voire alimenter la violence. Dressant un portrait sans complaisance de l'éducation à la sexualité en France et au Québec, il propose des pistes d'intervention afin de rendre les contenus scolaires véritablement inclusifs, positifs et anti-oppressifs. Gabrielle Richard est sociologue du genre et chercheure associée au laboratoire LIRTES de l'Université de Paris-Est Créteil et à la Chaire de recherche sur l'homophobie de l'Université du Québec à Montréal. Elle étudie depuis 2006 les normes liées au genre, à l'expression de genre et à l'orientation sexuelle en milieu scolaire.

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Citations et extraits (51) Voir plus Ajouter une citation
Queerer la famille, c'est d'abord poser un regard critique sur l'impératif de filiation biologique. L'existence d'un lien biologique entre parents et enfants est en effet vu comme souhaitable, voire pris pour acquis par la plupart des gens. Ce modèle est globalement peu interrogé, et rarement par les personnes cisgenres et hétérosexuelles qui souhaitent devenir parents. Il est par exemple atypique qu'une femme et un homme cisgenres en couple choisissent en première instance d'accéder à la parentalité par adoption ou en co-parentalité avec une autre personne ou un autre couple. C'est quand la reproduction hétérosexuelle tarde à advenir qu'on va considérer ses alternatives, presque par dépit. Il en va tout autrement pour bien des personnes queer qui ne pourront pas, sauf exception, procéder par procréation traditionnelle et qui doivent donc interroger d'emblée l'importance qu'elles accordent à la filiation biologique. Or, on va le voir à travers plusieurs cas de figure, le lien biologique ne fait pas le parent : d'abord, il n'est pas indispensable. Et lorsqu'il existe, il n'établit pas nécessairement la filiation.
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Les personnes hétérosexuelles et cisgenres ont des familles. Les personnes queers, elles, font famille. Leurs familles ne sont pas toujours liées par le sang, parfois même pas reconnues juridiquement. La famille n’est, sauf exception, pas quelque chose qui leur arrive, mais au contraire, le fruit d’une réflexion étayée, d’un travail, d’une série de choix. Parce que pour elles, faire famille se faire toujours contre vents et marées. Il faut s’aménager des espaces de liberté, voire d’émancipation, au sein d’institution contraignantes, très fortement axée sur l’hétérosexualité et la binarité du genre.
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Enceinte, tu avais même l'impression d'avoir atteint une sorte d'acmé. "Tu rayonnes", "Tu es superbe", "Tu as l'air si épanouie". Jamais cela n'avait été aussi facile d'être une femme. Pour la première fois de ta vie, tu te sentais légitime. Plus que jamais reine en ton royaume. Plus de drague, plus de reproches, plus d'injonction à rester mince. Enfin à toi, le droit de bouffer, d'être de mauvais poil, de ne rien faire de tes journées. Peut-être n'as-tu désiré un enfant que pour cela : être enceinte, et qu'on te foute enfin la paix. Être enceinte, et avoir le droit d'être libre autant qu'un homme.
Mais te voilà ce matin, l'enfant sorti de ton ventre. Et cette intuition déjà que la paix est finie. Désormais, tu es mère. Et les griffes du patriarcat se jetteront sur toi de plus belle.
Pour l'instant, personne encore n'est venu te voir. Personne encore pour te dire comment tenir ton enfant, comment le nourrir ou l'éduquer comme il se doit. Mais même dans cette solitude, tu le sens, cet inquisiteur tapi au fond de toi. Cette voix où se mêlent toutes celles qui se sont plantées en toi depuis que tu as conscience d'être une fille : mères, amies, hommes, corps médical, médias. Cette voix qui t'a harcelée pour que tu sois plus belle, pour que tu sois plus sage, pour que tu ne te plaignes pas. A peine ta fille est-elle née que l'inquisiteur est là, de nouveau. A scruter chacun de tes gestes. A guetter le moindre faux pas. Cette phrase dans ta tête, alors que le bébé est dans tes bras, et qu'au lieu de l'amour c'est l'angoisse qui t'envahit : "Tu l'abîmes."
Cette phrase va te poursuivre des semaines, des mois, des années. Tes seins sans lait, les biberons donnés dans un aveu d'échec : Tu l'abîmes. Ton visage sans sourire au-dessus du tapis d'éveil, tes yeux éteints alors qu'ils devraient s'émerveiller : Tu l'abîmes. Ton impuissance à la calmer lorsque son corps se vrille et qu'elle hurle toute la nuit : Tu l'abîmes. Ta rage et tes poings qui se serrent pour ne pas la secouer. Tu l'abîmes. Le psychiatre qui t'annonce que tu fais une dépression du post-partum, que tu dois prendre des médicaments, que peut-être même tu devras aller à l'hôpital : Tu l'abîmes. Tes petits pots industriels alors que tes copines font des purées maison : Tu l'abîmes. La télé allumée parce que tu ne sais plus comment l'occuper : Tu l'abîmes. Tes "non", tes chantages, tes punitions, ta voix qui se lève, tes émotions comme des tempêtes, ton incapacité à rester calme et à accueillir les siennes : Tu l'abîmes. Tes ras-le-bol, tes regrets, ta patience en miettes : Tu l'abîmes.
Pour l'heure, ce petit bout de vie est encore lisse. Comme une promesse de douceur et de pureté. Mais il y aura des accrocs. Il y aura des défaites. Toutes ces fois où tu te diras que c'est foutu, que tu gâches sa vie, que tu ruines son potentiel. Qu'un jour elle te détestera et que, comme on te l'avait prédit, tu finiras toute seule. Toutes ces fois où tu penseras : "Je n'ai pas réussi."
Tu ne le sais pas encore, mais en donnant raison à l'inquisiteur, c'est toi-même que tu abîmeras.
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Les prénoms ne sont pas en reste. Là où les parents cis- hétéros vont trouver un où plusieurs prénoms qui leurs plaisent, voir qui rendent hommage à un ancêtre, plusieurs parents queers à qui j'ai parlé m'ont confié avoir choisi les prénoms en considérant la possibilité que ces derniers puissent ne pas s'identifier en conformité avec le sexe qui leur a été assigné à la naissance.
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C'est la première chose qui te sauvera : oser dire la rage qui t'habite. Oser dire ce que les braves mères n'avouent jamais : la fatigue, la fureur, l'amour qui ne se lève pas.
De ces mots sortis de toi, tu rencontreras d'autres femmes qui te diront "moi aussi". Et leurs récits feront écho au tien. Et tu découvriras ce que tu n'avais jamais connu avant cela : la sororité. Jusqu'à présent, tu n'avais envisagé tes amitiés féminines que sous l'angle de la comparaison et de la compétition. Toi qui te croyais seule, minable, mauvaise mère, tu prendras conscience que non : ton histoire n'est pas celle d'un échec individuel. C'est l'histoire de toutes les femmes à qui on a fait croire à une perfection impossible. C'est l'histoire d'un système qui les invisibilise et qui les broie. Avec elles, autour du feu, enfin tu trouveras ta place. Tu reliras Beauvoir, tu reliras Woolf, puis d'autres voix encore, des femmes d'aujourd'hui. Et cette force que tu espérais trouver en donnant naissance, c'est finalement auprès d'elles que tu la sentiras battre.
Tu réapprendras la colère. Celle qu'on t'interdisait d'exprimer, sous prétexte qu'elle te rendait laide, qu'elle te rendait méchante. De nouveau, tu la sentiras, bruissant au creux de toi. Tu n'en auras plus honte. Tu la dompteras. Tu la chériras. C'est grâce à elle que tu oseras te lever. Dire "non" aux inquisiteurs qui guettent le moindre de tes faux pas. [...] Plus jamais tu ne confondras la colère avec la violence qui humilie. Plus jamais tu ne laisseras quelqu'un enfreindre ton territoire.
Et cela, tu l'apprendras à tes filles.
Tu renonceras à la perfection, à la maison toujours propre et bien rangée, aux repas toujours maison, bio et équilibrés. Tu accepteras le désordre, les paniers à linge qui débordent, les goûters trop sucrés, la poussière qui s'accumule sur les étagères, les vêtements un peu froissés. Tu diras à Julien : "Maintenant nous sommes à armes égales." Et tu le laisseras prendre sa part.
Tu pardonneras à ton corps affaissé par les maternités, les nuits sans sommeil et le manque de volonté. Après des années de désamour, tu oseras poser sur lui des yeux indulgents. L'estimer comme un indéfectible compagnon de route. Parfois même, tu t'autoriseras à le trouver beau. Et cela, tu l'apprendras à tes filles.
Tu t'accorderas un temps et un lieu rien qu'à toi, et ce sera non négociable. Dans l'urgence des semaines, tu te tresseras un cocon, pour écrire, lire, penser. Parfois même pour ne rien faire. Simplement reprendre ton souffle. Tu ne craindras plus de passer pour une égoïste, car tu le sauras : il est des égoïsmes qui sauvent.
Tu apprendras à te conquérir, comme un royaume perdu il y a longtemps.
Et à ton tour, tu l'apprendras à tes filles.
Tu refuseras l'histoire qu'on te raconte depuis toute petite : celle des mères courage qu'on porte aux nues. Celle des mères dont on n'accorde de la valeur que parce qu'elles ont été des saintes et qu'elles se sont sacrifiées. Tu prendras conscience des travers de ce récit : c'est qu'il nous prive du droit d'être fragiles et d'être soutenues. C'est qu'il nous ligue les unes contre les autres, d'un côté celles qui triomphent, de l'autre celles qui échouent, au lieu d'unir nos forces et de nous légitimer. Tu décideras que plus jamais tu ne te sacrifieras. Car tu comprendras que le revers du sacrifice, c'est l'aigreur. L'attente d'un impossible dû. Et de cette dette, tu libèreras tes filles. Jamais tu ne voudras qu'elles s'empêchent d'être faibles, par loyauté envers la lignée qui les précède.
Alors un jour, tu invoqueras l'esprit de tes aïeules, avec leurs mouchoirs roulés en boule, leurs tabliers et leurs savates, et tu leur diras : "Je salue votre force. Mais c'est décidé : je ne serai pas des vôtres." Et pour toujours, tu briseras la chaîne.
Tu renonceras à être une mère réussie et à avoir des enfants réussis. Tu apprendras la beauté des ratures, de l'inachevé, de l'ambigu. Et que même du chaos le plus total, l'amour peut se lever.
Tu connaîtras la joie, celle qui vrille le ventre et qui emporte. Tu verras tes filles semer autour d'elles des éclats de rire et des bonheurs grands comme des soleils. Dans les brèches de ton cœur pousseront des herbes folles.
Année après année, tu les verras grandir, s'affirmer, tomber, hurler, se relever. Et brique après brique, construire le royaume qui sera le leur. Sans crainte, tu les laisseras te quitter parfois, pour mieux se l'approprier. Tu comprendras que, malgré l'amour et les épreuves, elles ne te doivent rien. Qu'elles sont libres et qu'un jour viendra où, loin d'elles peut-être, comme on te l'avait prédit, tu finiras toute seule.
Mais plus jamais tu n'en auras peur. Car tu auras appris à te suffire à toi-même.
Alors voilà. Je te regarde ce matin, dans la chambre rose de la maternité, avec ton bébé dans les bras. Je pense à tout ce qui t'attend, et que tu ne soupçonnes pas encore. Tu es au début d'une longue histoire. Tu as peur déjà de l'altérer, qu'elle ne soit pas aussi belle que ce que l'on exige. J'aimerais te dire : méfie-toi des histoires trop belles. Des histoires de mères heureuses et de devoir accompli. L'histoire qui t'attend sera parfois noueuse, bosselée, éraflée des grands coups de lame que tu jetteras dedans. Mais ce sera la tienne. Et elle fera de toi celle que je suis aujourd'hui.
A toi que j'étais ce matin-là, voilà tout ce que j'aurais aimé qu'on me dise. Si je pouvais, je m'assiérais près de toi. Je t'offrirais mes mots comme un onguent. Sur ton cœur brouillé, longtemps, je passerais mes paumes. Je te veillerais comme la sœur que tu n'as pas eue. Je t'envelopperais comme toi-même tu enveloppes ta petite fille. Car tu ne le sais pas encore. Mais ce matin, toi aussi, tu viens de naître.
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J'ai souvent entendu l'argument "Ça y est, elles l'ont, la parole." Comme si, parce que nous commencions à parler, le problème était résolu. Ce discours est malhonnête. Tout d'abord, même lorsque la parole est prise, nous sommes confrontées à des crispations, à de la violence symbolique et des critiques. Aussi, il est encore terriblement complexe de parler dans un système qui nous enjoint de nous taire. La parole n'est pas miraculeusement libérée. C'est le principe d'une injonction : imposer certaines normes, comportements, à un groupe de personnes, et tout ce qui en sort sera sanctionné socialement. Tant est si bien que le respect de cette norme sur un temps long va venir naturaliser les comportements collectifs. En se conformant à la résilience et aux sacrifices attendus de nous, nous finissons collectivement par croire que ces qualités sont "naturelles", "biologiques". Nous finissons par naturaliser le social. Nous serions par nature résilientes, par nature capables de tout endurer. Non. Si nous sommes silencieuses, ce n'est pas par choix, par instinct, mais par conformisme. Nous nous conformons, parce que parler, c'est transgresser et qu'il est coûteux de transgresser.
C'est coûteux mais je crois que ça en vaut la peine. Posons-nous la question : à qui profite le crime ? Lorsque nous portons ces silences, demandons-nous qui cela arrange. Nous ? Sûrement pas, la souffrance se paie, peu importe à quel point nous sommes résilientes ou capables de serrer les dents. Qui cela arrange-t-il ? Nos enfants ? Non plus. Quoi de plus délétère qu'une mère cocotte-minute, malheureuse, peu épanouie, non alignée sur ses émotions. Nos souffrances profitent à l'ordre établi et à alimenter les mythologies créées pour nous aliéner.
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Ce placenta défectueux a changé le rapport que j'entretiens avec mon corps. "Madame, votre bébé est tout petit." Oui, merci, c'est qu'on n'est pas très grands dans la famille. "Oui, mais... là, il est vraiment petit. Le placenta ne le nourrit pas assez." Je n'ai pas entendu "le placenta", j'ai entendu "vous ne nourrissez pas assez votre bébé" ; j'ai entendu "ah ouais ! il est même pas encore né et tu te loupes déjà, eh bah ! qu'est-ce que ce sera après" ; j'ai entendu : "son problème cardiaque, c'est à cause de toi" - " à cause de toi" a résonné longtemps. "Le placenta ne le nourrit pas assez, je sais que c'est contre-intuitif, mais il sera mieux à l'extérieur de votre ventre." Mon cœur se fissure. Pourquoi mon corps à moi s'est emmêlé les pinceaux ? Je sais que je n'y suis pour rien. J'en ai conscience, mais au fond de mon âme, tout au fond, je me sens quand même si coupable. Cette fameuse culpabilité qui rime avec maternité, elle a démarré là, dans les nervures obstruées de ce placenta, dans ce cordon ombilical trop petit qui empêchait mon petit chat de se retourner tête vers le bas. J'ai beau être féministe depuis bien longtemps - même avant MeToo, c'est vous dire -, j'ai beau lutter pour que les femmes se sentent moins coupables, soient plus libres de ressentir ce qu'elles souhaitent, j'ai beau vouloir tordre le cou aux injonctions à la maternité parfaite, épanouie, heureuse, sur le moment je n'ai appliqué aucun de ces engagements féministes et je suis tombée dans un trou noir, avec ce sentiment si triste, celui d'avoir failli.
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La pédagogie queer ne perçoit pas l’inconfort comme un sentiment négatif à éviter à tout prix. Il est plutôt considéré comme un outil à mobiliser, comme une porte d’entrée privilégiée permettant l’accès à des apprentissages considérés comme difficiles ou sensibles. Selon cette approche, l’inconfort dans l’apprentissage constitue l’une des conditions nécessaires pour obtenir une transformation sociale. Elle demande aux élèves et aux enseignants d’accepter de jeter un regard critique sur leurs propres habitudes et croyances.
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La maternité est un sport de combat et les mères, des gladiatrices jetées en pâture par une societe qui ne fait que peu de cas de leur santé physique et mentale.
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Un des autres aspects délétères de ce processus de silenciation, c'est qu'il place de fait les mères en concurrence les unes avec les autres. Je me souviens d'avoir haï de toutes mes forces restantes celles que je percevais comme des mères modèles. Alors qu'elles n'étaient sans doute absolument pas modèles pour la grande majorité. Alors que je devais ressembler à une de ces mères modèles pour d'autres. Alors que chacune vivait ses propres silences et mises en scène. Je me suis mise à les détester, autant qu'à les envier parce que je pensais qu'elles possédaient quelque chose dont j'étais dépourvue. Le logiciel adéquat, celui qui leur permettait d'être tout sourire du lever au coucher, auprès de leurs enfants. Elles réveillaient chez moi un sentiment d'échec diffus. Échec que je pensais individuel alors qu'il résultait d'un abandon collectif. Et, probablement de la même façon que moi, elles participaient à la mascarade en ne craquant pas, en maintenant le silence et le masque. Chacune partie prenante de ce mensonge collectif. C'est contre ce cercle vicieux que nous devons lutter, c'est contre le propre du silence qui est sa contagiosité. Nous nous passons le relais du silence. Il nous est d'abord imposé depuis le haut, par tous les rappels et conformations sociales, et, lorsque nous l'avons assimilé, nous nous l'appliquons à nous-mêmes, ainsi qu'à celles autour de nous. Nous devenons les gardiennes d'un système qui nous oppresse.
Dans le silence que l'on nous impose, on nous met à mort. C'est une condamnation que de ne nous donner droit qu'à une émotion en relation avec la maternité, c'est nier nos vies, nos expériences et leur complexité. On nous veut poupées, sans vie, des publicités ambulantes. En réalité, comme femmes, nous sommes abonnées au silence et à la façade. Les deux types d'injonctions principales pesant sur nous sont celles, d'une part, liées à notre apparence et, d'autre part, à notre statut de mère. Mais que ce soit pour notre apparence ou pour la maternité, nous devons en quelque sorte être désincarnées. Apparence figée, jeunesse éternelle, absence de marques visibles de nos expériences corporelles ou émotionnelles, des mannequins de cire au sourire accroché pour toujours. Il est démentiel de devoir se conformer à des scénarios et des cadres aussi restreints et tout cela sans jamais être considérées comme vivantes, mouvantes, complexes, êtres animés d'émotions ambivalentes, êtres dont les corps, les esprits, les pensées, les émotions, les contours sont complexes, multiples, riches Ces corsets corporels et psychiques sont insupportables et dévastateurs. Je suis pourtant tellement plus qu'une projection, qu'une idée de la maternité, je suis le réel, je suis l'irrégularité, l'aspérité. Pourtant, encore aujourd'hui, malgré ce qui semble être une prise de parole de plus en plus importante, la maternité reste un lieu qui éteint la lumière sur ce qui n'est pas lisse, ce qui ne correspond pas au fantasme imposé, qui ne met qu'un seul type de discours en avant et relègue le reste dans les coulisses, les abysses. Elle vous laisse aphone sur les questions qui fâchent, qui irritent, qui font mal.
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