AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782491260132
160 pages
Binge Audio (15/11/2022)
4.42/5   26 notes
Résumé :
La parentalité est le bastion le mieux gardé de l’hétérosexualité

Pour concevoir et élever un enfant, une seule configuration semble possible dans nos sociétés occidentales : un homme et une femme, en couple, monogames. Tous les écarts à cette norme sont proscrits, comme le rappellent les critiques incessantes adressées aux familles lesboparentales ou homoparentales, ou les commentaires scandalisés qui s’élèvent dès qu’on évoque les parentalités trans... >Voir plus
Que lire après Faire famille autrementVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Pour construire son essai, Gabrielle Richard, sociologue et chercheuse spécialiste des questions de genre et de sexualité est allée interroger de nombreuses personnes qui font famille autrement. Elle s'est également basée sur sa propre expérience puisqu'elle et sa conjointe non-binaire élèvent deux enfants. C'est donc un essai très personnel que nous livre ici cette sociologue.

L'étude commence avec la définition du queer, en tant que « terme parapluie » ou en terme plus politique, celui qui concernerait toutes et tous en participant à « construire un espace d'émancipation face aux normes dominantes en matières de genre et de sexualité – et face aux autres systèmes d'oppression comme le racisme, le validisme ou le capitalisme » en repensant les normes et ce(ux) qu'elles privilégient. Forte de cette expression, G. Richard propose ainsi de « queerer la famille » et de « queerer la société » en identifiant les différentes forces à l'oeuvre et en y repensant les fondements de nos institutions.

Ce texte nous amène à questionner beaucoup de concepts et de représentations très solidement ancrés dans notre société :
- Au sujet du corps des femmes qui serait automatiquement considéré comme un objet gestationnel : Quelle place pour les femmes qui ne se reconnaissent pas dans l'épanouissement du féminin sacré, de la grossesse et de l'enfantement ? Quelle place dans ce système là pour les hommes enceints ? La grossesse est si étroitement lié au féminin dans les imaginaires qu'elle peut induire chez certaines personnes trans ou non binaire une dysphorie lors de cette expérience. J'ai été surprise de lire que dans certains cas, lorsqu'une femme lesbienne est enceinte, elle peut de nouveau être validée par son entourage ou la société comme ayant recouvré sa nature de femme… Et sidérée de me souvenir que la stérilisation des personnes en parcours de transition était obligatoire jusqu'en 2017.
- Les liens du sang demeurent également une question cruciale dans la notion de famille. Où « l'appariement », proposé aux personnes en parcours de PMA, consiste à proposer dans les cas de dons de gamètes des donneurs ayant des caractéristiques physiques proches, créant ainsi une « fiction biologique ». Quelle importance sociale va-t-on accorder à cette ressemblance entre parents et enfants, dès lors qu'ils n'ont pas de liens sanguins ? Pourquoi l'adoption est-elle toujours vue comme un « dernier recours » ?
- Quand faire son coming-out (homo, trans, non-binaire, assexuel, etc.) est encore solidement associé au deuil de la parentalité, que ce soit du point de vue des personnes concernées ou de leurs proches.
- Quand la manif pour tous (laquelle s'est (mal) renommée récemment « le syndicat de la famille ») scande des slogans ou la complémentarité femme-homme serait indissociable de la famille, questionnant toutes les représentations genrées et les rôles assignés de chacun.e dans la parentalité.

Cet ouvrage est tout petit mais dense et passionnant ! En donnant à voir de multiples représentations du faire famille, G. Richard montre qu'il existe un faire famille différent pour chacun.e et que chaque vécu est légitime lorsqu'il est réfléchi, qu'il s'inscrive hors ou au coeur des clichés hétéronormés. Ce que je retiens de cet essai, de mon point de vue de personne cis-hetéro, c'est qu'on gagnerait tous et toutes à questionner les cases dans lesquelles nous sommes, afin de savoir si elles sont choisies ou subies. J'ai beaucoup aimé l'image du puzzle comme construction des familles « hors normes » ou chacun.e irait chercher les pièces dont iel a besoin pour son projet. J'ai senti dans cette lecture beaucoup d'amour dans ces témoignages de parentalité et je ressors de ma lecture avec une difficulté encore plus forte à entrer en empathie avec tous ces gens qui « militent » pour retirer des droits humains à d'autres.
Commenter  J’apprécie          20
Un formidable ouvrage d'une sociologue concernée par son sujet, qui s'est entretenue avec de nombreuses familles queers pour montrer leur parcours en tant que queer et en tant que parent.
Leurs trajectoires alternatives, faites d'obstacles, de réflexions et de créativité, montrent que nos conceptions et pratiques de la famille sont majoritairement cis-hétéronormatives, mais que ce n'est qu'une configuration du monde social. C'est-à-dire qu'elles sont fondées sur :
- la binarité du genre (avec une hiérarchisation),
- la présomption d'hétérosexualité,
- et l'imbrication du sexe, du genre et de l'orientation sexuelle.
La démarche queer consiste à décentrer le regard, à s'émanciper des normes dominantes, à développer un regard contestataire vis-à-vis des institutions qui les reproduisent.
L'autrice montre au contraire qu'on peut s'écarter des rôles prédéfinis (père/ mère...), sans dommages pour les enfants autres que ceux que causent l'homophobie et la transphobie. Celles et ceux qui "font famille" remettent en question la filiation biologique, créent de la famille hors du couple ou de la cohabitation, et créent ainsi de grandes marges de liberté dans l'institution "famille".
Seul hic pour moi, dans la méthode : le fait que le livre n'aborde pas frontalement la question des ressources (capital économique, culturel, social...) en ne donnant pas d'informations socio-économiques et ethniques sur les personnes interrogées. Cela joue pourtant sur les trajectoires sociales, la possibilité ou non de faire des écarts. On devine parfois les ressources économiques au travers des récits : ce ne sont pas des classes populaires qui pourraient, je pense, acheter une maison et ajouter une tiny house pour instaurer une famille polyamoureuse, ou qui remplaceraient le rituel tant normé de la devinette du sexe du bébé dans une "baby shower" par le fait de deviner sa future matière scolaire préférée. Mais la sociologue Gabrielle Richard est bien consciente et assume sa démarche en l'explicitant dès l'introduction.
J'ai adoré cette lecture. Les témoignages sont touchants et offrent une ouverture des possibles incroyable. C'est une grande respiration que de les lire. Et en même temps les difficultés sociales et juridiques montrent comme il est difficile de s'imaginer parent quand on est queer dans un monde cishétéronormatif, avec une filiation biologique si présente dans les représenta comme dans les lois. L'ouvrage raconte des hommes trans enceints, la possibilité pour un homme cis de produire du lait, ou des enfants réfléchissant à des alternatives aux mots "papa" et "maman". L'ouvrage prouve qu'il est possible de réinventer la famille avec de nouvelles pratiques, de nouveaux mots, de nouveaux rituels.
Cet ouvrage sociologique et engagé est une ode aux parentalités queers et leur rend un très bel hommage, gratifiant et inspirant.
Commenter  J’apprécie          10
Essai qui permet une remise en question de la conception de la famille.
Depuis trop longtemps, nous avons été paramétrés avec un idéal familial qui est en train de tomber en désuétude.
L'ouverture d'esprit sera nécessaire ce qui nous permettra de comprendre que différents modèles sont possibles ce qui ne fera que renforcer la richesse et l épanouissement de ces nouvelles familles.
D'où ce terme de queerer la famille, faire des choix mieux réfléchis, plus poussés et réinventer la structure familiale en préservant l'équilibre de chacun.
Sortons de nos préjugés, et n'oublions pas que le plus important c'est d'être heureux, peu importe le qu'en dira-t-on!!!
Différentes thématiques sont abordées de l'homosexualité à la PMA, le tout accompagné avec de touchants et bouleversants témoignages.
Et pour conclure :
" il y en a d autres, des possibles, et qu'ils sont encore à penser, à tracer. Sans carte."
Commenter  J’apprécie          80
Si certains champs de la société se sont progressivement affranchis du modèle hétéro-normé, il en est un qui résiste : la famille, qui cristallise peut-être plus que tout autre les préjugés. Pour beaucoup, la famille doit suivre le modèle classique composé d'un homme et d'une femme, hétérosexuels, cisgenres et en couple de préférence. Tout écart constituerait un grave danger pour l'enfant. Pourtant, les famille queers existent. Que signifie pour elles « faire famille » ? Comment ces familles sont-elles perçues à l'extérieur ? Pour alimenter sa réflexion, la sociologue Gabrielle Richard a choisi de faire la part belle aux témoignages des personnes concernées. Elle puise également dans sa propre expérience et dans différents travaux de recherche. Elle rappelle qu'il n'existe pour ces familles aucun modèle à suivre, ni de réponse idéale, mais plutôt des adaptations individuelles et évolutives. Et si le problème ne venait pas des familles queers, puisque aucune étude à ce jour n'a démontré qu'elles représentaient un risque pour leurs enfants, mais plutôt des conceptions hétéro-normées et rigides de la famille, qui vont souvent jusqu'à dicter une répartition genrée des tâches entre les parents ? Remarquable travail de vulgarisation, facilement accessible, l'essai de Gabrielle Richard ouvre un espace salutaire de réflexion, tant pour les familles queers qui y verront des solutions auxquelles elles n'avaient peut-être pas pensé, que pour les familles hétéro-parentales qui remettront peut-être en cause certaines idées héritées plus que réfléchies sur la famille.
Commenter  J’apprécie          30
Un petit ouvrage, écrit par la sociologue est chercheuse québécoise Gabrielle Richard. C'est un livre militant mais sans oublier d'être très tolérant. Il est écrit de façon très simple et facile à comprendre. Les chapitres, les phrases mises en gras ou en exergue en rendent la lecture très agréable. Sur le fond, le premier chapitre explique la notion de « queer » de manière générale, et les explications sont très claires. Par la suite l'auteur aborde les normes de la grossesse, de la parentalité et avec l'aide de témoignages de parents propose des idées pour réinventer la famille, inventer de nouveaux rituels, quelques soient les orientations sexuelles, les genres des personnes devenues des parents avant tout, dans leurs rapports à leurs enfants. L'auteur termine par un très beau chapitre : « un monde sans carte » afin de défendre l'idée que « la cis-hétéronormativité n'est pas une fatalité. » Je recommande cet ouvrage pour s'ouvrir l'esprit -si besoin- et lire sur les évolutions de la famille et de la société.
Commenter  J’apprécie          10


critiques presse (1)
Liberation
30 décembre 2022
La sociologue Gabrielle Richard, auteure de «Faire famille autrement», souligne une évolution libératrice des mentalités dans la société depuis dix ans, même si les réticences subsistent dans l'espace public vis-à-vis des familles transparentales.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Queerer la famille, c'est d'abord poser un regard critique sur l'impératif de filiation biologique. L'existence d'un lien biologique entre parents et enfants est en effet vu comme souhaitable, voire pris pour acquis par la plupart des gens. Ce modèle est globalement peu interrogé, et rarement par les personnes cisgenres et hétérosexuelles qui souhaitent devenir parents. Il est par exemple atypique qu'une femme et un homme cisgenres en couple choisissent en première instance d'accéder à la parentalité par adoption ou en co-parentalité avec une autre personne ou un autre couple. C'est quand la reproduction hétérosexuelle tarde à advenir qu'on va considérer ses alternatives, presque par dépit. Il en va tout autrement pour bien des personnes queer qui ne pourront pas, sauf exception, procéder par procréation traditionnelle et qui doivent donc interroger d'emblée l'importance qu'elles accordent à la filiation biologique. Or, on va le voir à travers plusieurs cas de figure, le lien biologique ne fait pas le parent : d'abord, il n'est pas indispensable. Et lorsqu'il existe, il n'établit pas nécessairement la filiation.
Commenter  J’apprécie          80
Les personnes hétérosexuelles et cisgenres ont des familles. Les personnes queers, elles, font famille. Leurs familles ne sont pas toujours liées par le sang, parfois même pas reconnues juridiquement. La famille n’est, sauf exception, pas quelque chose qui leur arrive, mais au contraire, le fruit d’une réflexion étayée, d’un travail, d’une série de choix. Parce que pour elles, faire famille se faire toujours contre vents et marées. Il faut s’aménager des espaces de liberté, voire d’émancipation, au sein d’institution contraignantes, très fortement axée sur l’hétérosexualité et la binarité du genre.
Commenter  J’apprécie          30
Le queer, c’est donc une proposition visant à décentrer le regard de la binarité de genre, de la présomption d’hétérosexualité et de l’alignement attendu entre le sexe, l’identité de genre et la sexualité d’une personne.C’est du moins dans cette optique que je l’utilise et que je l’utiliserai tout au long du livre. Et dans cette perspective, le queer pourrait concerner absolument tout le monde. Ce que le queer participe à construire, c’est un espace d’émancipation face aux normes dominantes en matière de genre et de sexualité -et face aux autres système d’oppression comme le racisme, le validisme ou le capitalisme. Il permet de penser les normes, leur mise en place et les groupes sociaux qu’elles privilégient, plutôt que de limiter son regard aux groupes marginalisés et à la manière dont ils peuvent intégrer la norme.
Commenter  J’apprécie          10
Les prénoms ne sont pas en reste. Là où les parents cis- hétéros vont trouver un où plusieurs prénoms qui leurs plaisent, voir qui rendent hommage à un ancêtre, plusieurs parents queers à qui j'ai parlé m'ont confié avoir choisi les prénoms en considérant la possibilité que ces derniers puissent ne pas s'identifier en conformité avec le sexe qui leur a été assigné à la naissance.
Commenter  J’apprécie          30
On le dit trop peu, mais le queer est une destination. Une chose vers laquelle tendre, à laquelle aspirer, plutôt qu’un élément à cocher sur une liste. C’est la théoricienne Eve Kosofsky qui parle du queer comme d’une ouverture des possibles. C’est la philosophe Judith Butler qui dit qu’on produit du queer au fur et à mesure qu’on avance, que le queer est toujours en cours de constitution. C’est le chercheur José Esteban Munoz qui suggère qu’on ne peut pas être déjà queer, puisque le queer est un idéal. Une aspiration. Une utopie.
Commenter  J’apprécie          10

Video de Gabrielle Richard (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Gabrielle Richard
Café littéraire des jeunes avec une table ronde autour de Gabrielle Richard (France). Hétéro, l'école ? - Les éditions du remue-ménage - 2019 L'école enseigne-t-elle l'hétérosexualité ? Y apprend-on les bonnes et les mauvaises manières d'être une fille ou un garçon ? Dans la cour de récréation comme en classe, les jeunes ont tôt fait de comprendre quels corps, quels comportements et quelles attirances sont admissibles. Et c'est peut-être dans les cours d'éducation à la sexualité que ces messages sont transmis le plus directement. Ce livre passe au crible une culture scolaire qui contribue à reconduire des normes de genre et de sexualité, souvent à son insu. Il montre comment les programmes, les manuels et les pratiques enseignantes peuvent maintenir les élèves dans l'ignorance quant à leur identité et leurs désirs, voire alimenter la violence. Dressant un portrait sans complaisance de l'éducation à la sexualité en France et au Québec, il propose des pistes d'intervention afin de rendre les contenus scolaires véritablement inclusifs, positifs et anti-oppressifs. Gabrielle Richard est sociologue du genre et chercheure associée au laboratoire LIRTES de l'Université de Paris-Est Créteil et à la Chaire de recherche sur l'homophobie de l'Université du Québec à Montréal. Elle étudie depuis 2006 les normes liées au genre, à l'expression de genre et à l'orientation sexuelle en milieu scolaire.
+ Lire la suite
autres livres classés : hétéronormativitéVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (126) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
849 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..