La jeune fille sur la falaise

Quant à votre position sociale, j'ai appris dans les tranchées que les classes ne définissent en rien le caractère d'un être.

Elle eut le sentiment que cet homme serait capable de la protéger de tous les maux. Avec ses bras forts et musclés autour de ses épaules, elle se sentirait toujours en sécurité quel que fût le danger.

J'aimerais pouvoir dire que nous avons tiré les leçons du passé. Pourtant, les hommes regardent rarement derrière eux, jusqu'à ce qu'ils reproduisent les mêmes erreurs, mais alors il est trop tard car leur opinion ne compte plus. Ils sont apparemment trop vieux pour comprendre la jeunesse. C'est pourquoi ils resteront à la fois imparfaits et magiques.

Quelques part, ils avaient réussi l'impossible - faire des compromis, accepter leur destin et, plus que tout, rester heureux pendant trente-quatre ans. C'était peut-être tout simplement parce que les couples modernes étaient devenus trop exigeants. La hiérarchie des besoins avait évolué. Un couple n'avait plus les mêmes priorités. Autrefois, on se préoccupait avant tout de trouver de quoi manger pour ses enfants, de gagner quelques pièces supplémentaires pour finir le mois, on se demandait même si ses enfants allaient survivre à une maladie infantile particulièrement grave. Aujourd'hui, on ne se demandait plus si on arriveraient à passer l'hiver au chaud mais plutôt quelle marque de vêtements on allait porter pour ne pas avoir froid. Rares étaient les femmes dans les sociétés occidentales qui disaient au revoir à leurs époux sans savoir quand et si elles les reverraient parce qu'ils partaient au combat. En bref, on avait depuis longtemps dépassé le stade de la simple survie.
" Á présent, on exige d'être heureux. On pense qu'on le mérite ". Grania prononça ces mots à voix haute, enviant, plutôt que de prendre en pitié le stoïcisme de ses parents, cette capacité qu'ils avaient à accepter ce sur quoi ils n'avaient aucune prise. Ils n'avaient pas beaucoup de possessions matérielles et leur horizon était limité. Les choses sans importances les faisaient sourire, d'un sourire qui témoignait de leur compréhension mutuelle et de l'acceptation de leur sort. Leur monde était petit mais au moins était il sûr, bien délimité et ils les unissait. Á l'inverse, Matt et elle vivaient dans une grande métropole où le ciel était leur seule limite et où les restrictions manquaient cruellement.

Mary et Jérémy ont eu un moment, un temps où ils ont été très heureux ensemble. Et peut-être que c'est ce genre de moments que nous autres humains sommes en droit d'espérer. Comme dans les contes de fées, il faut connaître le mal tout autant que le bien. Nous vivons dans l'espoir de revivre un jour ces bons moments. Et quand l'espoir disparaît, comme pour Jérémy, que nous reste-t-il ?