Même si le principe d'une
correspondance se fonde sur l'échange de lettres entre deux personnes, il semblerait que la relation nouée épistolairement entre
Rainer Maria Rilke et Franz Xaver Kappus, un jeune poète lui ayant envoyé quelques-unes de ses créations, ne mérite pas de retenir les envois de ce dernier. Nous ne découvrirons donc que les lettres de
Rainer Maria Rilke. Ne gâchons pas notre plaisir : il s'agit déjà d'une belle offrande.
Rainer Maria Rilke prend son rôle de conseiller très au sérieux et s'érige en sage, sans doute sans le remarquer. Il s'adresse à Franz Xaver Kappus comme il aurait pu s'adresser à n'importe quel autre artiste –mais pas à n'importe qui, car il semble croire que les artistes pensent avec une profondeur qui effraierait le commun des mortels- et lui apprend comment faire son miel de tout événement, surtout lorsqu'ils mettent à l'épreuve la résistance d'un tempérament. Que triomphe la solitude, et que l'amour redevienne l'occasion d'une métamorphose ! Pour
Rainer Maria Rilke, tout art (toute
poésie) qui ne serait pas greffé à la vie de celui qui se prétend artiste ne vaut rien : « Confessez-vous à vous-même : mouriez-vous, s'il vous était défendu d'écrire ? »
Et partant de là,
Rainer Maria Rilke énonce ce qui constituera également un des fondements de l'art de la critique littéraire de
Walter Benjamin : « Une oeuvre d'art est bonne quand elle est née d'une nécessité. C'est la nature de son origine qui la juge ».
Les lettres de
Rainer Maria Rilke ne méritaient peut-être pas d'être rapprochées des lettres de leur destinataire car leur contenu est universel : c'est comme si le poète se parlait à lui-même et que sur une idée, une question ou un poème de son correspondant, il était capable de s'épancher des pages durant.
Rainer Maria Rilke ne communique jamais vraiment, seule sa
poésie et son art littéraire lui permettent de s'entretenir avec ses semblables, au moins dans la forme.