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Citations sur Les théories de l'art dans la pensée traditionnelle : Guéno.. (16)

"Si Guénon a raison, eh bien! toute mon oeuvre tombe..."
André Gide, Rabat, octobre 1943

Gide avait certainement tort de dire cela -et son Journal de cette année montre une opinion plus nuancée-, mais elle révèle en tout cas l'impact d'un courant intellectuel et spirituel, né dans les années 1920, longtemps peu étudié et peu connu, bien que son influence, plus souterraine que publique, ait été considérable et tôt reconnue.Initié par René Guénon, ce courant s'est présenté lui-même comme le rappel ou la revivification d'une métaphysique invariable, enracinée dans une Tradition universelle et solidaire d'une connaissance de nature spirituelle.Situé en dehors d'une démarche universitaire, des courants politiques et des institutions nationales, il s'est également voulu distinct du traditionalisme religieux, et s'est opposé au positivisme et au rationalisme contemporains comme aux nombreux courants occultistes qui fleurissaient depuis le XIXe siècle.Ses idées, assez aisément identifiables mais irréductibles à des analyses schématiques ou de partis pris, ont reçu diverses appellations, bien qu'aucune ne se soit imposée de manières satisfaisante: "pensée traditionnelle", "traditionalisme", "néo-traditionalisme, "traditionnisme" et- dans le monde anglo-saxon surtout - "pérennialisme" ("perennialism").Ce courant a exercé une influence très diversifiée, parfois indirecte, sur plusieurs générations de savants, d'intellectuels, d'artistes, de Mircéa Eliade à Schuyler Cammann, de René Daumal et André breton à Raymond Queneau, d'Albert Gleizes à Maurice Béjart.
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Guénon affirme le rattachement de Dante à une organisation initiatique ( la "Fede Santa"), et formule quelques considérations sur les organisations initiatiques du Moyen_Age. Faisant ainsi de Dante un "initié", autrement dit quelqu'un ayant suivi une voie spirituelle de connaissance à la pratique méthodique, il s'intéresse sous cet angle au cheminement décrit dans la Divine Comédie, de l'enfer au paradis. Guénon y voit un voyage de caractère initiatique, ayant pour but la réalisation spirituelle et dont on trouve des parallèles dans l'Antiquité (voyage d'Ulysse) ou dans le monde islamique (tradition du mi'râdj, du voyage céleste du Prophète Muhammad). La division en trois mondes (Enfer, Purgatoire, Paradis) est aussi commune, bien que sous des formes diverses, à toutes les traditions, dit Guénon. Il en est de même, selon lui, du processus initiatique décrit dans la Divine Comédie, à savoir la descente purificatrice dans les états inférieurs et infra-humains (Enfer), puis la restauration de l'état primordial (l'arrivée au paradis terrestre à la fin du Purgatoire), et enfin la montée dans les états supérieurs et spirituels (Paradis): l'oeuvre de Dante illustre, pour Guénon, sa théorie du parcours initiatique, rythmé par deux étapes principales, à savoir la restauration de l'état primordial, correspondant à l'état édénique, puis l'accés aux états supra-individuels, conclus par l'union dans le principe divin.
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Dans le courant des années 1960, dans des livres comme Comprendre l'Islam (1961), Images de l'Esprit.Shinto- Bouddhisme-Yoga (1961) et Regards sur les mondes anciens (1968), Schuon donne une nouvelle accentuation à sa doctrine, en développant l'idée d'une sagesse immuable et universelle qu'il va appeler d'abord la "philosophia pereniss", puis la "religio perennis" ou la "sophia perennis". Pour Guénon, il existe une Tradition universelle à l'origine de toutes les traditions spirituelles de l'humanité, bien qu'elle ne soit exprimable en tant que telle et que l'on puisse seulement en discerner les traces dans les ressemblances existant entre les doctrines, les symboles et les mythes des différents peuples. Schuon, tout en acceptant l'idée d'une sagesse primordiale à l'aube des temps, dans un âge d'or antéhistorique et atemporel, va surtout vouloir enseigner les axiomes d'une "sagesse pérenne", autrement dit les vérités cardinales, présentes selon lui dans toutes les religions, et qui se résument à deux points essentiels: d'une part, la distinction entre la Réalité absolue et la création, Dieu et le monde, d'autre part l'attachement à la fois intellectuel, spirituel et volitif à la présence immanente de la Réalité divine dans l'être. Cette "sophia perennis", qui se différencie aussi de la "philosophia perennis" de Coomaraswamy fondée sur une érudition comparatiste, Schuon la conçoit à la fois comme une clé pour décrypter la structure et l'intention foncières de toutes les religions, et comme la base d'une méthode spirituelle visant à réaliser la vérité et à actualiser une intelligence contemplative et universaliste.
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Dans cette perspective, pour Guénon, le "folklore" n'est nullement d'origine populaire, bien au contraire: "s'il s'agit, comme c'est presque toujours le cas, d'éléments traditionnels au vrai sens de ce mot, si déformés, amoindris ou fragmentaires qu'ils puissent être parfois, et de choses ayant une valeur symbolique réelle, tout cela, bien loin d'être d'origine populaire, n'est même pas d'origine humaine." Il ajoute que "le peuple conserve ainsi, sans les comprendre, les débris de traditions anciennes", remontant parfois à la préhistoire, et "remplit en cela la fonction d'une sorte de mémoire collective plus ou moins "subconsciente", de vestiges de traditions remontant en définitive à la tradition primordiale.
A la différence de la "classe moyenne", dont la mentalité a sécrété le rationalisme et le matérialisme modernes, le peuple, pour Guénon, forme une "masse éminemment '"plastique'" et porte, en vertu de cette plasticité, des virtualités "toujours susceptibles de se développer si elles rencontrent des conditions favorables." Le peule constitue ainsi "comme un 'réservoir'", un support stable et plastique, qu'une élite initiatique peut influencer et utiliser pour y transmettre et y incorporer, au travers des symboles, des manifestations festives ou des contes, des éléments doctrinaux de caractère métaphysique, cosmologique et initiatique. Guénon met en parallèle "cette faculté de conservation 'populaire' de l'ésotérisme", et dont le "folklore" constitue une manifestation, avec la pérennité des formes perpétuées par des artisanats solidaires d'une initiation.
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Cette étude est aussi l'occasion, pour lui, de démontrer "l'unité de la doctrine qui est contenue dans toutes les traditions". Evoquant notamment les travaux de l'orientaliste Miguel Asin Palacios (1871-1944), selon lequel Dante aurait été inspiré par les conceptions du métaphysicien et soufi Ibn'Arabî (1165-1240), Guénon estime que la transmission d'idées ésotériques islamiques au poète florentin a pu se faire par le biais des Ordres de chevalerie, "véritable lien intellectuel entre l'Orient et l'Occident". Toutefois, pour lui, de telles influences historiques ne sont à envisager que dans certains cas seulement, lorsque "les mêmes idées sont exprimées sous une forme identique" dans deux civilisations différentes. Si ce qu'exprime Dante est en accord avec la théorie hindoue des mondes et des cycles cosmiques, ce n'est nullement en raison d'un contact entre l'Inde et l'Occident médiéval, mais parce que, écrit-il, "tous ceux qui ont conscience des mêmes vérités" s'enracinent dans la tradition primordiale, unique et universelle, et sont donc nécessairement en accord les uns avec les autres, quelle que soit la diversité de leurs modes d'expression et leur façon d'accéder à cette connaissance. Pour Guénon, en effet, en se rattachant de façon effective à une tradition, à ses pratiques exotériques et- par l'initiation- à une connaissance ordonnée vers une réalisation spirituelle, on peut atteindre l'intérieur ou le noyau ésotérique des traditions; et l'homme ayant atteint en son être l'état primordial se trouve, non seulement au coeur spirituel d'une tradition donnée, mais il réalise également la conscience propre de la tradition primordiale, et donc l'intelligence intuitive et directe de l'unité essentielle de toutes les traditions.
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Nous l'avons dit dans les premières lignes, aucun terme ni adjectif ne se sont véritablement imposés pour qualifier le courant de pensée que nous allons étudier. Puisqu'il faut bien choisir, nous avons opté pour les termes "traditionnel", "pensée traditionnelle", voire "traditionaliste". Ces emplois me paraissent acceptables, si l'on veut bien se souvenir que le traditionalisme dont il est question -au moins au point de vue des auteurs envisagés ici- se distingue radicalement du traditionalisme religieux contemporain, chrétien ou autre, et qu'il se réfère à une pensée fondée sur la notion d'une Tradition universelle, métaphysique et ésotérique, au centre de toutes les traditions et religions.
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En 1929, Guénon approuvait la thèse de Luigi Valli (Il linguaggio segreto di Dante a dei "Fedeli d'Amore"), selon laquelle les Dames célébrées par les poètes italiens médiévaux, tout en pouvant désigner une personne réelle à titre symbolique, sont surtout les symboles multiples d'une seule et même Dame, représentant "l'Intelligence transcendante" ou "la Sagesse divine".
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Les romans du Graal sont une autre tradition littéraire médiévale évoquée par Guénon, bien que là aussi, il ne les ait pas envisagés en eux-mêmes et pour eux-mêmes, ou d'un point de vue littéraire, mais seulement au travers de la symbolique du Graal, à laquelle il a consacré plusieurs articles. Pour lui, le Graal est à la fois un livre et une coupe, ou même une pierre comme chez Wolfram von Eschenbach: il est le symbole d'une connaissance initiatique, liée à la tradition primordiale et au paradis terrestre, et sa symbolique, comme celle de la lance de Longin ou de la Table Ronde, est universelle et trouve des correspondances dans d'autres traditions, comme dans la coupe sacrificielle de l'Inde contenant le Soma védique.
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Pour Guénon, en effet, le développement "profane" et rationaliste de la civilisation occidentale à partir de la Renaissance entraîne la perte du symbolisme, de son juste emploi comme de sa véritable compréhension. la raison en est, selon lui, la rupture de la tradition occidentale avec la tradition primordiale à la fin du Moyen-Age, c'est-à-dire -pour Guénon- avec une métaphysique plénière et une spiritualité de caractère initiatique.
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En 1920, le père de Frithjof meurt, et la mère emmène les deux garçons à Mulhouse, ville française. Commencent alors des années douloureuses pour l'adolescent, luttant au nom des ses aspirations mystiques et d'une vocation spirituelle qu'il ressent fortement en lui, contre les désirs "mondains" de sa mère, soucieuse de la réussite et de l'intégration sociales de son fils. Converti au catholicisme -son père l'y avait incité- en 1921, il arrête ses études en 1923 et devient dessinateur sur textile, pour subvenir aux besoins de sa famille. Une année plus tard, il découvre Orient et Occident de Guénon: cette découverte, écrit-il dans son autobiographie, "était de l'eau à mon moulin, c'était exactement ce que je cherchais et ce dont j'avais besoin.", et il lira par la suite L'homme et son devenir selon le Vêdânta, l'Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues, La crise du monde moderne.
De Guénon, Schuon va ainsi reprendre les articulations fondamentales de sa pensée: l'idée d'une métaphysique pérenne et universelle, la convergence métaphysique des religions, la solidarité de la connaissance et de la spiritualité, le rôle primordial du symbolisme, la critique spirituelle du monde moderne.
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